L’université Norbert Zongo de Koudougou est aujourd’hui l’une des plus grandes universités du Burkina Faso avec un effectif de 60 000 étudiants. Elle rencontre des difficultés au même titre que les autres universités publiques notamment des problèmes sociaux et académiques. Suite à la mort d’un étudiant le 17 mai 2022 dans des bousculades devant un restaurant universitaire, Libreinfo.net a rencontré Wilfried Bazo, étudiant en 3e année de Lettres modernes et président de l’Association nationale des étudiants burkinabè/Koudougou (ANEB/Koudougou).
Propos recueillis par Nicolas Bazié
Libreinfo.net : Parlez-nous des conditions d’étude à l’université Norbert Zongo de Koudougou
Wilfried Bazo : Les conditions dans lesquelles les étudiants vivent sont les plus déplorables à tout point de vue. Que ce soit sur le plan académique ou pédagogique, l’application hasardeuse et sans mesure d’accompagnement du système Licence-Master-Doctorat (LMD) a plongé les universités dont celle de Koudougou dans un chaos généralisé.
Et cela se perçoit par l’accentuation du retard académique, le chevauchement des années et des semestres mais également les taux d’échec et les taux d’abandons assez massifs à l’échelle de nos universités. Et comme cela ne suffit pas, l’autorité a préféré ne pas apporter de réponses aux préoccupations des étudiants, en lien avec la bonne application du LMD.
Elle s’est permise d’apporter un test suffisamment toxique notamment le nouveau régime des études dans lequel il y a des mesures qui sont contre les intérêts des étudiants.
Libreinfo.net : Les restaurants sont décriés régulièrement, racontez ce qui s’y passe
Wilfried Bazo : C’est dans une cacophonie totale que les étudiants mangent. A l’étape actuelle il y a 8 666 plats qui sont servis de façon journalière pour environ 60 000 étudiants. Le ratio s’élève à 1 plat pour plus de 7 étudiants par jour.
Ce qui prouve que la situation est suffisamment cruciale au niveau des restaurants universitaires. Mais il y a également le fait que depuis longtemps l’autorité a passé son temps à déplacer les problèmes au lieu de les résoudre.
Le véritable problème ici c’est la quantité des plats servis et l’insuffisance des plats qui engendrent parfois des situations chaotiques sur le terrain, où des étudiants sont obligés de se lever à 00h pour aller faire des rangs (devant les restaurants universitaires ndlr), espérant avoir un plat à manger autour de 11h. Cela laisse entrevoir une situation de tristesse.
Libreinfo.net : Vous avez perdu votre camarade dans des bousculades devant un restaurant universitaire le 17 mai 2022, qu’est ce qui s’est réellement passé ?
Wilfried Bazo : Cette situation comme nous l’avons dépeint tire ses origines de l’insuffisance du nombre de plats, ce qui fait que les étudiants font des attroupements pour pouvoir manger, mais malheureusement bon nombre ne gagnent même pas un plat pour manger.
Cela engendre parfois des bousculades dans les rangs des étudiants, dans l’espoir d’avoir de la nourriture pour apaiser sa faim. C’était dans une situation pareille que le camarade Tankoano Tenipaguiba a pris son rang et la bousculade est survenue. Mais il n’a pu surmonter cela.
C’est lorsqu’il a récupéré son «passeport» et qu’il allait chercher la nourriture qu’il s’est écroulé jusqu’à ce que mort s’en suive malheureusement. La cause fondamentale de ce drame est sans aucun doute l’insuffisance des nombres de plats.
Libreinfo.net : Dans quel état d’esprit les étudiants se trouvent après ce drame ?
Wilfried Bazo : Actuellement nous avons vraiment peur, parce que c’est avec un pincement au cœur que nous avons suivi ce qui s’est passé. Ce qui nous laisse encore plus perplexe, c’est que nous avons alerté nos autorités de la gravité de la situation en martelant que si rien n’est fait, nous allons arriver au pire.
Mais pendant longtemps nous n’avons pas été suivis et écoutés. Parfois nos préoccupations que nous posons sont banalisées, méprisées. Aujourd’hui, l’autorité se lamente pourtant elle est en partie responsable de ce qui est arrivé.
Plusieurs fois nous avons assisté à des évanouissements des étudiants dans les rangs. Si seulement nous avons été écoutés, nous n’allons pas en arrivé là.
Libreinfo.net : Dans une de vos déclarations vous avez demandé à ce que l’on fasse une autopsie du corps. Pourquoi demander cela ?
Wilfried Bazo : Nous demandons une autopsie pour déterminer exactement ce qui a été la base du décès de notre camarade. Nous exigeons également l’ouverture d’une enquête.
