Le Président Kaboré a donné forme à l’un de ses chantiers majeurs qui est la mise en œuvre de la Caisse des Dépôts et des Consignations (CDC-BF). En nommant l’ancien premier ministre Paul Kaba Thiéba à la tête de cette caisse ce mercredi 27 mars, le chef de l’Etat a suscité une véritable surprise aux yeux des burkinabè. Libreinfo.net a voulu en savoir davantage les enjeux de cette caisse mais aussi le choix porté sur Paul Kaba Thiéba. Nous vous proposons donc cet entretien avec Pierre Claver Damiba, membre de l’équipe des experts qui ont travaillé sur l’étude de faisabilité de ce projet. Pierre Claver Damiba fut le tout premier Président exécutif de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD), ancien ministre du plan et des travaux publics du Burkina.
Libreinfo.net Li): C’est vous qui avez fait l’étude de faisabilité de la Caisse des Dépôts et des consignations du Burkina Faso (CDC-BF) Aujourd’hui, votre étude prend forme avec la nomination de l’ex Premier Ministre Paul Kaba Thiéba comme Directeur Général, Libreinfo.net voudrait savoir ce que c’est que la CDC-BF.
Pierre Claver Damiba (PCD):Le contrat d’étude de faisabilité de la CDC-BF a été confié au Cabinet d’étude IPSO dirigé par Monsieur Albert Ouédraogo, Docteur en économie. J’ai fait partie de l’équipe des experts.
La CDC-BF a pour objet de concourir au développement économique et social du Burkina Faso et de contribuer, soit directement soit par l’intermédiaire de structures ou de filiales spécialisées, à la mise en œuvre des stratégies, des politiques et des programmes prioritaires et innovants du Gouvernement.
La CDC-BF a pour mission de recevoir, de conserver et de gérer les sommes et avoirs publics ou privés, conformément aux lois et règlements en vigueur. Elle a également pour missions d’assurer le financement adéquat des investissements structurants et de créer un effet de levier sur des investissements publics et privés. Elle est notamment chargée, dans les conditions prévues par la loi, de : Gérer les dépôts des organismes assujettis et de conserver les valeurs appartenant aux organismes et aux fonds qui y sont tenus ou qui le demandent ,recevoir les consignations administratives, judiciaires ou conventionnelles ainsi que les cautionnements ;gérer les services relatifs aux caisses ou aux fonds dont la gestion lui est confiée ;financer les infrastructures, les programmes et projets prioritaires de l’Etat et des Collectivités territoriales.
La CDC-BF a également compétence pour gérer, sous mandat ou convention, des fonds spécifiques qui lui sont confiés par l’Etat ou ses démembrements, ainsi que par des systèmes financiers décentralisés
La CDC-BF ou ses filiales spécialisées peuvent intervenir dans le financement de tout projet de grande envergure ou de caractère stratégique.
Les grands principes sur lesquels reposent les interventions de la CDC-BF sont les suivants :sécuriser l’épargne nationale ;jouer le rôle de tiers de confiance et de fournisseur d’une expertise et d’un savoir-faire neutres ;développer l’investissement à long terme ;investir dans des projets économiquement viables ;respecter les règles du marché et de la concurrence tout en intervenant là où le marché est défaillant, dans des domaines nouveaux ou pour des missions spécifiques qui ne peuvent être portées que par un organisme d’intérêt général, tiers de confiance ;intervenir pour créer un effet de levier sur des investissements publics ou privés.
Avec quels fonds la CDC-BF va-t-elle fonctionner ?
PCD: La CDC-BF fonctionnera avec les fonds en provenance notamment de la CARFO, de la Caisse Nationale d’Epargne, de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale, des dépôts des consignations et de lignes de crédit négociés avec des institutions internationales (Banque mondiale, Banque Africaine de Développement, etc.) et bilatérales (Agence Française de Développement, KFW, etc.).
Li: Quelle est la différence entre la CDC-BF et les autres institutions (CNSS, CARFO) etc. ?
PCD: La CNSS, la CARFO et la CNE déposent une partie de le leurs ressources auprès de la CDC-BF. Elles sont des clientes de la CDC-BF
Pourquoi elle est rattachée à la Présidence du Faso ?
C’est une pratique assez fréquente de rattacher les CDC-BF à la Présidence. Elles peuvent aussi relever de l’Assemblée nationale.
Li: Comment la Caisse de Dépôt et des Consignations (CDC-BF) pourrait apporter un dynamisme dans le secteur industriel ?
PCD: Je ne pense pas que le secteur industriel soit une grande priorité pour la CDC-BF. Par contre, les infrastructures industrielles, les chemins de fer, les aménagements urbains, les grands projets agricoles, les voies routières, etc. figurent parmi les priorités de la CDC-BF.
Li: Quelles seront les rapports entre la CDC-BF et la BECEAO ?
PCD: La CDC-BF est une institution de financement de gros investissements. Elle est régie par une loi spécifique qui la différencie des autres banques commerciales. Ses relations sont ainsi très limitées avec le BCEAO.
Li: Pensez-vous que le choix de l’ancien Premier Ministre Paul Kaba Thiéba à la tête de la CDC-BF se justifie ? Est-ce une nomination politique ou stratégique ?
PCD: Comme Monsieur Paul Kaba Thiéba est un ancien Premier Ministre, on peut formuler l’hypothèse d’une nomination politique. Mais moi je n’y crois pas. En effet, Monsieur Paul Kaba Thiéba est un spécialiste des CDC. Il a même travaillé au sein de la Caisse de Dépôts et Consignations de la République française. Il apporte donc une expérience technique à la mise en place et à la gestion de cette nouvelle institution de développement.
Comment sera gérée l’institution ?
PCD: La CDC-BF est administrée et gérée par deux principaux organes : une Commission de surveillance et une Direction générale.
La Commission de surveillance est garante de l’indépendance et de l’autonomie de la CDC-BF. Elle dispose, à cet égard, des pouvoirs les plus étendus pour contrôler et orienter la politique et les stratégies d’investissement, évaluer la gestion, vérifier la cohérence et la conformité des orientations retenues par la Direction générale avec les principes d’intervention définis par la loi et les règlements d’une part, et avec la nécessaire préservation des intérêts patrimoniaux de la CDC-BF d’autre part. Elle veille au strict respect des missions confiées à la CDC-BF par la loi et en assure d’une manière générale la surveillance et le contrôle.
Elle est chargée de contrôler les orientations stratégiques et la stratégie d’investissement de la CDC-BF et de ses Filiales. Elle est également chargée du contrôle des décisions importantes, des prises de participation et de la vérification de la régularité des comptes de la CDC-BF.
Une Direction générale: la CDC-BF est gérée par un Directeur général nommé par Décret pris en Conseil des Ministres pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois, dans les mêmes formes. Avant son entrée en fonction, le Directeur général prête serment devant la juridiction compétente. Le Directeur général est garant de l’inviolabilité des fonds confiés à la CDC-BF. Il est responsable de l’administration et de la gestion courante des activités de la CDC-BF. Il est chargé, à ce titre, de mettre en œuvre la politique et les stratégies d’intervention et d’investissement de la CDC-BF définies par la Commission de surveillance.
Le Directeur général est assisté, dans l’administration et la direction de la CDC-BF, par un Directeur général adjoint et un Comptable principal. Tous les deux sont nommés par décret pris en Conseil des Ministres.
Li: La France a beaucoup fait dans la mise en œuvre de la CDC-BF avec l’expérience du modèle Français qui a plus de 200 ans d’existence n’avez-vous pas peur qu’elle soit dépendant à l’avenir de l’aide Française ?
PCD: La République française a financé certes l’étude de faisabilité de la CDC-BF. Celle-ci a besoin de puiser dans les 200 ans d’expérience de la CDC-France pour assurer des parcours avec peu d’erreurs. Je vois un avantage dans une coopération entre les deux CDC (France et Burkina Faso).
Li: Est-ce que la CDC- BF sera un atout pour le PNDES ?
PCD: Le PNDES se termine bientôt, en 2020, et la CDC-BF est en train de naître (2019). La CDC-BF ne pourra donc pas être utile à la mise en œuvre du présent PNDES. Mais elle pourra être un atout pour les futurs plans de développement de notre pays.
Interview réalisée par
Albert Nagreogo
