Le 08 juillet 2022 a marqué la fin des examens scolaires au post primaire et au secondaire. Le taux national de réussite au BEPC est de 41,62% contre 27,84% en 2021. Celui du BAC est de 40,85% contre 37,53% l’année précédente. Trois semaines après la fermeture des jurys, Godefroy Gamené, le directeur provincial des enseignements post primaire et secondaire de la province du Ziro répond aux questions de Libreinfo.net sur l’organisation des examens dans sa province, les difficultés de l’enseignement dans la province et son appréciation de la décision du gouvernement de rembourser les salaires retenus. Libreinfo.net s’est entretenu avec lui également sur La situation du système éducatif dans la province, les causes des échecs scolaires, ses relations avec les structures syndicales.
Propos recueillis par Inoussa Kiéma, correspondant, Ziro
Libreinfo.net: En quelle année êtes-vous arrivé à la tête de la direction provinciale des enseignements post primaire et secondaire (DPEPS) du Ziro?
Godefroy Gamené: Je suis arrivé à la direction provinciale des enseignements post primaire et secondaire (DPEPS) du Ziro en juin 2019 dans les conditions pas simples. Je suis venu avec comme bureau, la banquette arrière de ma voiture.
Libreinfo.net: La direction provinciale des enseignements post primaire et secondaire (DPEPS) du Ziro couvre-t-elle combien d’établissements scolaires ?
Godefroy Gamené : La DPEPS du Ziro compte 27 établissements publics dont huit lycées, et vingt huit établissements privés dont seize dans la commune de Sapouy. Ce qui demande un contrôle assez serré pour qu’il y ait de la qualité dans l’offre éducative. Parmi ces vingt huit établissements privés, douze sont conventionnés par l’État.
Nous avons aussi un collège d’enseignement technique et de formation professionnelle qui a ouvert ses portes en 2020 à Sapouy. Il est l’unique d’abord dans la province du Ziro.
Libreinfo.net: Parlez-nous de l’état de fonctionnement de la direction provinciale des enseignements post primaire et secondaire (DPEPS) du Ziro
Godefroy Gamené : La DPEPS du Ziro a un problème de personnel qui est aggravé par un problème de locaux. Depuis le 20 novembre 2021, nous avons écrit à la Directrice régionale des enseignements post primaire et secondaire (DREPPS) de la région du Centre ouest pour qu’elle adresse une correspondance à son collègue des infrastructures pour nous permettre d’occuper un de leurs locaux ici (à Sapouy).
Mon regret c’est de voir que jusqu’aujourd’hui, il n’y a aucune évolution. La DPEPS normalement a onze services. Actuellement, nous ne sommes qu’à six services. Tous les autres ne sont pas fonctionnels.
Libreinfo.net: Comparativement aux données statistiques du taux de scolarisation dans d’autres provinces du pays, la province du Ziro a un faible taux de scolarisation. Qu’est-ce qui explique cela ?
Godefroy Gamené : C’est une province qui est restée longtemps à la traîne. Il y a eu un manque de suivi dans l’évolution de la carte scolaire au niveau du Ziro. Les professeurs titulaires se comptaient sur les doigts de la main. Et la situation persiste. Les gens, quand on les affecte dans le Ziro, ils ne veulent pas venir.
En plus de ça, nous sommes en train d’œuvrer à sensibiliser davantage les parents d’élèves pour qu’ils puissent comprendre l’intérêt de la chose éducative. L’école, ce n’est pas fait pour être fonctionnaire nécessairement.
C’est l’éveil de l’intelligence et de la conscience qui vous permet d’avoir une certaine résilience qui fait que, quelque soit le domaine de compétence que vous embrassez, vous puissiez vous en sortir dans la vie. Tu peux faire l’école et repartir dans les travaux champêtres. C’est ça que les parents n’ont pas compris. Je prends des zones comme Boullé-Gala, c’est un peu difficile de maintenir les enfants à l’école.
Parce que ça vient, ça repart comme on veut. Quand je prends les cas du Collège d’enseignement général (CEG) de Mao-Nassira et du CEG de Gao, ce sont des établissements qui ont fonctionné sous paillote pendant trois ou quatre, voire cinq ans même.
Il faut un effort concerté des différents acteurs, c’est-à-dire le chef d’établissement, le personnel enseignant, le personnel d’encadrement scolaire pour que la prise de conscience soit à la hauteur de nos espérances.
Libreinfo.net: À la fin des examens scolaires de la session de 2022, la province du Ziro a enregistré 39,42% comme taux de réussite au BEPC et 48,05% au Baccalauréat, Que vous inspirent ces résultats ?
Godefroy Gamené : Ce sont des résultats qui sont en deçà de nos attentes. Notre objectif était de faire mieux que ça.
Libre info.net: À qui la faute ?
Godefroy Gamené : Dans un établissement, combien d’enseignants préparent les fiches pédagogiques. Ils ne les préparent que lorsqu’il y a un contrôle qui est programmé. Quand vous prenez le trousseau pédagogique, c’est vrai que ce n’est pas beaucoup (30 000f).
Mais ça devrait servir aux enseignants de trouver une documentation qui leur permette de se développer professionnellement. Une bonne partie des enseignants prennent ça et ça part partout sauf dans le domaine de renforcement de capacités.
Libreinfo.net: que dites vous des grèves des élèves?
Godefroy Gamené : Le comportement des élèves, c’est par imprégnation. Les élèves copient même le langage du professeur en classe. Quand tu dois aller faire un cours, si tu entres là-bas (en classe) pour faire un autre discours qui, plus ou moins, amène l’élève à manquer du respect à un de tes collègues ou à l’administration ce que tu oublies est que la répercussion va revenir sur toi.
Nous les Directeurs provinciaux qui sont venus ouvrir les directions provinciales des enseignements post primaire et secondaire, si c’était une affaire de manger, très peu allaient venir. Tous les Directeurs provinciaux qui ont été nommés savaient qu’ils venaient à zéro. On est venu à zéro franc, à zéro bâtiment, à zéro moyen logistique.
Dieu seul sait combien j’ai mis mon argent au départ pour faire fonctionner la direction provinciale des enseignements post primaire et secondaire du Ziro. Et j’ai travaillé pendant plus de trois03 mois avant d’avoir un bâtiment. Tout ne se compte pas en richesse et en argent. Quand tu fais quelque chose aujourd’hui, l’impact social que tu aurais eu, c’est ça qui fait la qualité de la vie d’un homme.
Libreinfo.net: Quelles sont vos relations avec les structures syndicales du domaine de l’enseignement dans le Ziro ?
Godefroy Gamené : Au départ, j’avais des relations houleuses avec la F-SYNTER. Avec eux, j’avais compris que quand tu es une autorité, on devait t’agresser à tout bout de champ. Par exemple, quand on me demande de valider un certificat administratif de quelqu’un que j’ai affecté et qui n’est pas parti à son poste pendant plusieurs mois et on veut que je prenne tous ces mois là en compte pour valider pour qu’il puisse avoir des indemnités, je dis non.
Le texte est clair là-dessus. Les indemnités sont servies sur la base du travail effectué. Peut-être ce sont des petits problèmes comme ça qui font que j’ai des problèmes avec les syndicats. Quand les revendications sont faites sur fond de violence ou bien quand on œuvre à humilier l’autorité, je ne cautionne pas.
Par exemple, un professeur qui est admis au CAPES, il fait français-anglais ou bien Maths-PC, il décide de couper une matière en milieu d’année. Et il demande au chef d’établissement de lui payer la vacation pour qu’il puisse poursuivre. Ce n’est pas sérieux.
Si les syndicats veulent soutenir des choses comme ça, je ne vais pas accepter. Mais depuis un certain temps, quand il y a une situation, on discute, on essaie de trouver un terrain d’entente de manière à pouvoir se soutenir pour faire avancer les choses.
Libreinfo.net: On dit que vous êtes trop exigeant.
Godefroy Gamené : Il faut une certaine exigence. On ne peut pas dormir. Il y a des gens (certains personnels éducatifs du Ziro, ndlr)s’ils viennent à la direction provinciale des enseignements post primaire et secondaire, ils ne vont pas travailler. Je sais qu’on ne va pas s’entendre. Donc, je refuse de les prendre.
Je veux qu’on soit sincère et sérieux. Parfois je travaille jusqu’à 21h. Je préfère dire à un agent quand il est débordé de me reverser le travail, je vais faire. Je veux qu’on soit sur la même longueur d’ondes.
Mais, si tu veux dormir pendant que je travaille, ce n’est pas bon. C’est Dieu qui couvre ma famille. Il y a des moments où je fais trois mois sans rentrer voir ma famille.
À partir du moment où je m’impose la même rigueur, je veux que tout le monde suive les choses pour qu’on puisse avancer. En plus de ça, la jeunesse actuelle, c’est une jeunesse qui a tendance aux réactions épidermiques.
Il faut savoir respecter l’aîné et l’autorité. Il y a des débordements que je n’accepte pas. Parce que tu es une autorité, on parle pour t’humilier en public, tu es obligé de réagir vigoureusement pour que les gens comprennent qu’au delà de tout, tu es venu pour faire un travail. On ne t’a pas recruté pour être autorité.
Libreinfo.net: Certains disent que vous manœuvrez à diviser les syndicalistes notamment en proposant à certains d’entre eux des postes de directeur de collège ou de proviseur.
Godefroy Gamené : Il y a des moments où effectivement j’ai des postes vacants. Je ne cherche même pas à savoir si tu es syndicaliste ou pas. Je fais ma petite enquête. On me dit qu’un tel est sérieux, il a telles compétences.
Je demande à l’intéressé s’il est disposé à quitter pour aller diriger dans telle ou telle localité. S’il dit non, je n’insiste jamais. Parce que pour moi, si tu prends une responsabilité, c’est un engagement que tu prends. Ça devient une obligation de travailler, de rendre compte et d’avoir des résultats.
Libreinfo.net: Le 19 juillet dernier, le gouvernement a ordonné le remboursement de retenues de salaires opérées pour faits de grèves entre 2016-2021, comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?
Godefroy Gamené : J’ai essayé d’analyser le document (communiqué du gouvernement ordonnant la restitution des retenues de salaires), je ne peux pas dire que j’ai vraiment compris le fond. Nous-mêmes, on a fait des grèves et on a coupé (les salaires). J’ai toujours mes bulletins. Les coupures m’ont poursuivi jusqu’à l’école de formation pendant que je n’étais même pas sur le terrain. On ne nous a jamais remboursé.
Je me rappelle à l’époque, nous, on a perdu des 80 000f sur 100 000f de salaire. C’est ça aussi le syndicalisme. C’est un engagement.
Le texte est clair, si vous grevez, on va couper le nombre de jours de grève. Si c’est dans ce cadre là qu’on va revenir pour chosiner (restituer), je crains une chose, c’est peut-être faire une prime à l’impunité. J’avais entendu à l’époque (2016-2021) qu’il y a des gens dont les salaires avaient été suspendus.
Suspendre un salaire pour faits de grève, quand-même ils n’ont pas grevé 30 jours. Si ce sont ces cas résiduels qu’on va corriger, je pense que c’est normal. Mais si c’est pour remettre systématiquement parce que les coupures ont été opérées pendant l’ancien régime, je crains fort que ça ne fragilise l’autorité et créer la pagaille et le désordre. C’est la discipline qui fait l’administration.
Libreinfo.net: Les relations sexuelles entre les personnels enseignants et des élèves mineures sont devenues fréquentes dans les écoles. Quelle analyse en faites-vous ?
Godefroy Gamené : J’ai toujours insisté. Il faut être, un modèle, un exemple. Ce n’est pas parce que vous (le personnel enseignant) êtes dans la brousse là-bas, dans le noir que vous allez vous adonner à de telles pratiques. Quelque que soit la pénombre, le soleil va se lever.
Quand vous vous laissez prendre par de vilains comportements, quand vous vous engagez sur de chemins tortueux, vous mettez en même temps votre numéro matricule au crayon. Je souhaite que les parents puissent recadrer l’éducation de leurs enfants. Normalement, si l’éducation est cadrée, l’enfant ne peut pas céder à des avances pareilles.
Libre info.net: Votre mot pour terminer !
Godefroy Gamené : J’exhorte les gens à beaucoup d’efforts, à cultiver l’autonomie dans les établissements pour que les apprentissages se déroulent dans les meilleures conditions possibles.
Même quand il n’y a pas de bibliothèque, je demande aux établissements d’étoffer les ouvrages à la disposition des élèves pour qu’ils ne passent pas le temps à vadrouiller ou à se concentrer sur les smartphones et à ne rien faire de bon.
La documentation peut être physique ou numérique. Quand on va à l’école, c’est pour préparer l’avenir. On ne peut pas concilier ça avec des jeux vidéos. En plus de cela, il faut qu’on travaille à reboiser l’environnement scolaire afin d’atténuer les effets du manque de clôture dont souffrent les établissements.