Ismaël Diallo est ancien diplomate, très proche et conseiller du Capitaine Thomas Sankara. 34 ans après l’assassinat du président Sankara et ses compagnons, il se réjouit de l’ouverture de ce procès à condition que la vérité soit dite. A la veille du jugement, il a donné son opinion à Libreinfo.net dans un bref entretien.
Par Albert Nagreogo
Li : Comment vous trouvez l’ouverture du procès Thomas Sankara ?
Ismaël Diallo (I.D.) :Une attente longue ! Un développement qu’il faut espérer porteur de nouvelles au-delà du connu et corrigeant les idées reçues. Espérons que la sérénité prévale. Que la vérité soit dite par tous.
Li : Quelles sont vos espoirs pour ce procès ?
I.D. : Espoirs que les non-dits soient bousculés et que la question soit soldée, enfin. Sinon, cet exercice aura été un théâtre pour rien. Qui creusera les antagonismes plutôt que de soigner les plaies.
Li : Comment réagissez-vous à l’absence de Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando ?
I.D. : Le courage n’est pas la qualité la plus partagée. Il y a tant de personnes qui sont courageuses seulement quand elles ont une supériorité brutale grâce à des armes. Sans ces « jouets », ces individus se révèlent être poltrons.
Li : Quels sont les enjeux de ce procès ?
I.D. : Il y a tant de crimes d’État restés inexpliqués au fil des décennies, voire des siècles. Il faut craindre que celui-ci, ne réponde pas à toutes les attentes. Surtout en l’absence de principaux protagonistes.
Li : Pensez-vous que ce procès puisse contribuer à la réconciliation nationale ?
I.D. : NON. Les fervents militants pour la réconciliation, la veulent sans procès, sans jugement, sans coupables ni sanctions. Ils veulent que tous, nous passions par pertes et profils tous les délits et crimes commis. Que l’on oublie tout et pardonne tout sans chercher à savoir qui a fait quoi de mal à qui d’autre. Ceci ne contribuera qu’à retarder simplement un dénouement plus violent, plus dévastateur, à moyen ou long terme, mais avec certitude.
Li : Comment expliquez le manque de volonté de la Côte d’Ivoire à extrader Blaise Compaoré pour ce procès ?
I.D. : La Côte-d’Ivoire ou précisément son président renvoie l’ascenseur. Outre le fait que la Cote d’Ivoire n’extrade pas ses citoyens, il serait illusoire de voir M. Alassane Ouattara renvoyer Blaise Compaoré au Faso sans son assentiment.
Li: Connaissez-vous Hyacinthe Kafando, qui était-il dans les relations Sankara et Compaoré ?
I.D. : Lui et moi n’avons point été familiers, et j’ignore tout de ses relations avec à Sankara ou Compaoré.
Li : Croyez au complot international dans l’assassinat de Thomas Sankara ?
I.D. : Il est difficile de penser que l’assassinat de Sankara ait été pensé et exécuté de bout en bout uniquement à Ouaga et seulement par des Burkinabé. Le procès va-t-il sérier le vrai du faux ? Saura-t-on la nature et la portée de l’implication de l’extérieur ? À vous dire vrai, j’en doute.
Li : Est-ce que tout n’a pas été déjà dit sur l’assassinat de Thomas Sankara ?
I.D. : Non, loin de là. Il y a eu tant d’affabulations, de prétendus proches de Sankara brodant des légendes pour se faire valoir. À l’opposé, quelques-uns sont dépositaires de mots ou de gestes qu’ils préfèrent ne pas partager. Dommage !
Li : Était-il nécessaire de retransmettre le procès ?
I.D. : Oui, pour que le plus grand nombre soit mieux informé. On ne saura pas tout, mais beaucoup seront mieux informés. Justice ne sera pas faite cependant. Car les crimes du 15 octobre 1987 ne peuvent être ni réparés ni effacés. Même si le procès est nécessaire.