La 27e Journée mondiale de la Liberté de Presse est célébrée ce 3 mai 2020. Au Burkina Faso comme partout dans le monde, elle se tient dans un contexte du Cocid-19. A l’occasion, le centre national de presse Norbert Zongo a diffusé une émission réalisée avec les spécialistes de l’information et de la communication. Libreinfo.net vous proposons une partie de l’intervention du Pr Serge Théophile Balima, Spécialiste de la communication et des médias.
Par la Rédaction
Le dernier classement de Reporters sans frontières sur la Liberté de la Presse, le Burkina Faso se positionne à la 38e place au plan mondial, faisant une régression de deux places. En Afrique francophone, il occupe la 1re place et la 5e place sur le plan africain.
Pr Serge Théophile Balima : Je voudrais interpeller les professionnels de l’information mais aussi tous les pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) pour qu’il y ait une concertation qui nous permette d’améliorer notre position. Nous avons une presse qui est vraiment de qualité, toute proportion gardée bien sûr, avec des journalistes qui sont dans l’ensemble très réfléchis. Ce n’est pas une presse va-t-en-guerre et il faut saluer et améliorer cela.
Ce recul de deux places est-il lié au nouveau code pénal adopté en 2019 et jugé liberticide ?
On est un peu trop sévère sur cette question. La communication numérique est un nouvel espace qui cherche et qui se cherche encore sur le plan de la législation. Et les expériences en cours dans le monde ne sont pas suffisantes pour qu’on ait une législation qui soit satisfaisante pour tous les acteurs sociaux. C’est vrai que les pouvoirs exécutifs d’une manière générale sont frileux lorsque la liberté est grandement accordée aux citoyens. Mais il faut que les sociétés civiles et les professionnels des médias s’organisent pour défendre cet espace de liberté qui est le leur, parce que si on a une presse qui est faible, forcément on aura une gouvernance qui sera faible. Dire que cette loi est liberticide est un excès de langage. C’est seulement une restriction.
Qu’est-ce qui justifie cette peur des journalistes vis-à-vis du code pénal révisé ?
Lorsque la loi accorde au journaliste le droit par exemple de pouvoir quitter une entreprise au nom de ses propres convictions, quand le média change d’orientation éditoriale, et d’être considéré dans ce cas comme s’il avait été licencié par la structure, et bénéficie des droits qui en découlent, beaucoup de magistrats ne comprenaient pas cette disposition. Ils pensent que c’est faire du journaliste un super citoyen. Il n’en est rien. C’est cette incompréhension des magistrats d’une manière générale qui fait que les journalistes ont peur de ce nouveau code.
Les journalistes maîtrisent-ils la loi ?
Nous avons de très bons journalistes qui maîtrisent les lois. Mais nous en avons qui tâtonnent encore et qui ne respectent pas intégralement les dispositions déontologiques et éthiques. C’est un métier qui n’est jamais achevé. On n’est jamais journaliste de façon achevée. On apprend tous les jours avant de pouvoir informer les autres. Certains journalistes ne se cultivent pas suffisamment, ne font pas de recherches et manquent de prudence dans leurs affirmations.
Le journaliste travaille-t-il sous pression ?
Le journaliste travaille sous la pression du temps et les forces de défense et de sécurité ont besoin souvent de pratiquer la rétention de l’information pour des raisons plus stratégiques que le journaliste ignore. Autre difficulté, c’est que beaucoup de citoyens se sont appropriés le devoir de s’exprimer. Et ces citoyens qui s’expriment à travers les réseaux sociaux influencent le journaliste et celui-ci se trouve au carrefour de conflits d’intérêt. Il y a aussi le pouvoir exécutif qui exerce aussi une certaine pression sur le journaliste.
