Safoura, la fille de ménage accouchera mais ne verra pas sa fille qu’elle a mise au monde. Engrossée par son bourreau, mari de Sophia, qu’elle tuera en situation de légitime défense, elle sera recherchée et retrouvée par la brigade de recherche qui la conduira non pas en détention mais directement à la maternité parce qu’elle commença à perdre ses eaux au cours de l’interpellation. La narration de ce triste destin donne « Un rêve brisé », première œuvre du lieutenant Derra Daouda de la gendarmerie nationale.
Le roman Un rêve brisé tient sur 123 pages. L’officier de la 12ème promotion de l’académie militaire Georges Namoano l’a écrit pour « choquer les mentalités à l’extrême ». Il a ses raisons. « On sent de la part de Derra un humanisme profond. Il arrive à faire apprécier les personnages malgré les vices dont ils sont auteurs », dira le colonel-major Diallo Moussa, conseiller technique du ministre de la défense.
En accouchant ses phrases qui décrivent une histoire qui n’a pas une fin heureuse, le gendarme explique ses raisons. Elles vont de sa volonté à vouloir dépeindre une réalité que nous vivons dans notre société. « L’œuvre n’est pas un procès de notre société qui donne des leçons mais une photographie de notre monde », commentera le critique littéraire Boubacar Dao.
« Vu de la société, il est propre », or…
Les coups subis par certains citoyens sans défense sont d’une extrême gravité. La vie ne leur offre aucun cadeau. « On le voit tous les jours, ces filles qui sont souvent appelées ’’bonnes’’ qui font tout et qui n’ont pas souvent la reconnaissance sociale. Elles souffrent bien souvent ces filles qui quittent des contrées lointaines pensant que la capitale, c’est l’eldorado. Elle fait face à un monsieur qui a réussi socialement – vu de la société, il est propre – malheureusement, il se permet de faire une sale besogne. C’est pour dire que l’habit ne fait pas le moine. Elle a souffert jusqu’à trépasser ».
C’est en effet ce qui arrivera à Safoura, une de ces ’’bonnes’’ qui pourtant « a toujours été une fille toujours joviale dans son travail », comme confira Sophia a une des amies. Au fil du temps, elle trouvera que « elle a changé » après avoir pressenti qu’il y a quelque chose entre elle et son époux qui plusieurs fois, l’abordait. Pour s’en convaincre, Sophia montera la garde, jouera à l’enquêtrice. Ses soupçons finiront par se confirmer. « Hier nuit, je l’ai surpris entrant dans la chambre de la fille ».
A partir de ce jour, les rapports entre la « fille toujours joviale » et sa patronne ne seront plus les mêmes. Elle ne doute pas non plus que Safoura se débat pour échapper à son mari qui n’est autre que son bourreau qui abuse d’elle. Ce bourreau que la société perçoit comme « propre ». Ce jour, en se débattant, elle fera chuter le mari de Sophia dans la douche. Une chute fatale.
« Un rêve brisé est un gâteau digne d’un pâtissier de la littérature burkinabè »
Le critique littéraire Boubacar Dao apprécie : « Un roman simple, plein de saveurs. Chaque chapitre, se lit comme l’épisode d’une série. Une jeune et belle plume prometteuse, une écriture dépouillée de longs récits ennuyeux et somnifères. Un rêve brisé est un gâteau excellent à déguster, à savourer car digne d’un pâtissier de la littérature burkinabè »
Et le colonel-major Diallo d’inviter à la dégustation. L’officier supérieur ne cache pas son désarroi. Amer constat, « aujourd’hui dans notre monde, observe-t-il, lire ou écrire, c’est devenu un peu ringard ». Résultante du fait que tous soient devenus des geeks, toujours captivés par un écran. Avec cette dédicace d’un autre militaire, le colonel y trouve un motif de satisfaction. Un motif qu’il ne s’est pas privé de partager avec l’assistance venue pour l’occasion de la dédicace. « Le fait d’écrire pour un militaire rehausse l’image de l’armée. Ce n’est pas toujours ce qu’on voit du militaire. … Lorsque les militaires se mettent à écrire, c’est une bonne chose. La population se reconnait [en son armée]», dit-il.
L’amour pour la patrie jusqu’au sacrifice suprême
Et pas uniquement. Au-delà, l’âge de l’auteur né en décembre 1989 est un signal fort à ses yeux. A l’image de la capitale Ouagadougou, capitale du cinéma africain, l’officier supérieur partage son rêve de voir suffisamment assez d’écrits de ses compatriotes étudiés au lycée comme les œuvres de Maliens, Sénégalais, Guinéens. « C’est aussi bien pour notre pays que des jeunes se mettent à écrire (…) Ce serait bien », conclura-t-il, souhaitant que les militaires écrivent sur le métier des armes, sur sa grandeur, sa noblesse, sur les servitudes, ces ressorts qui font que quelque fois, ils privilégient la sécurité du pays à leur propre vie.
A noter que le livre est disponible à 3 200 F CFA à Ouagadougou aux librairies Jeunesse d’Afrique et Mercury, à la maison d’édition CEPRODIF et dans les alimentations et Stations service Total, à la Librairie Balaria de Bobo-Dioulasso et à la station Total de Boromo.
Oui KOETA
Burkina24