La pandémie du Covid-19 sévit au Burkina Faso dans un contexte de déficit d’union sacrée entre Burkinabè. Or, les défis qu’engendre cette pandémie requièrent du pays, comme l’a relevé le président du Faso dans son message livré à la Nation le 2 avril, une « mobilisation exemplaire de ses filles et fils ». A travers le même message, le président Roch Kaboré appelle solennellement à « la solidarité » et à « l’union » des Burkinabè pour contrer le Covid-19. Mais à quel prix cet appel peut bien produire des effets salutaires ?
Par la Rédaction
La mobilisation de l’ensemble des Burkinabè dans une dynamique d’union sacrée autour du combat contre le Covid-19 nécessite la dissipation des élans divisionnistes. A cet effet, il incombe au gouvernement de mettre tout en œuvre pour faire taire ou – à tout le moins – suspendre la forte guéguerre qu’il entretient depuis février avec le monde syndical autour notamment de l’effectivité de l’extension aux primes et indemnités de l’Impôt unique sur les traitements et salaires (IUTS) des agents de l’Etat. Dans ce sens, il a tous les moyens nécessaires, avec au besoin, le devoir de prendre des mesures vraiment exceptionnelles ; l’objectif à cet égard étant de mettre fin à la division mais aussi de susciter et de se faire rallier l’engagement républicain du monde syndical pour la lutte contre le Covid-19. Du reste, les syndicats ont déjà, à plusieurs reprises, affiché leur élan d’engagement républicain pour des causes qui intéressent les Burkinabè dans leur majorité ; sauf que pour l’instant, ils n’entendent pas – dans leur grande majorité – agir de concert avec le gouvernement en faveur de l’éradication du Covid-19.
L’apparent élan divisionniste ou inutilement contradictoire entre le gouvernement et le pouvoir judicaire apparu autour de la façon dont doivent être gérés les citoyens irrespectueux des heures (19h-05h) du couvre-feu, doit également être dissipé au plus vite. En tout cas, le message de soutien du Porte-parole du gouvernement aux Forces de défense et de sécurité (FDS) dans leur réflexe de torture sur ces citoyens irrespectueux alors que le procureur du Faso près le Tribunal de grande instance (TGI) de Ouagadougou a requis que ces derniers soient mis à la disposition de la justice, suivi d’un message du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) rappelant le nécessaire respect de la séparation des pouvoirs, révèlent ou cachent mal un malaise entre l’exécutif et le judiciaire. Il est absolument nécessaire de dissiper ce malaise non seulement pour assoir et entretenir une saine et dynamique collaboration entre ces deux pouvoirs constitutionnels autour de la gestion du Covid-19, mais aussi pour mettre le pays à l’abri d’une crise institutionnelle aux conséquences tout aussi nuisibles que celles du Covid-19.
La classe politique doit suspendre ses élans divisionnistes
Les élans divisionnistes entre partis et formations politiques doivent, eux aussi, être suspendus, ne serait-ce que pour le temps de bouter le Covid-19 de notre pays. Si, du fait de leur raison d’être qui est de conquérir et gérer le pouvoir d’Etat leurs pratiques et agissements contradictoires peuvent se comprendre, face au Covid-19, ils seraient mieux inspirés de faire corps avec le gouvernement quoique celui-ci soit issu d’un parti aussi adversaire soit-il d’autres partis. Il appartient au président du Faso de susciter la dynamique de dépassement des réflexes divisionnistes – mais légitimes – inhérents aux nécessités de conquête du pouvoir. Comme lui-même l’a dit, le moment est venu de « développer des initiatives face cette situation inédite et particulièrement difficile ». S’investir dans ce sens permettra évidemment de susciter l’esprit de « sacrifice et d’engagement collectif » au sein de la classe politique burkinabé.
Ainsi, cette classe politique pourrait, même si elle a malheureusement réussi à entretenir avec les populations des rapports peu crédibles de par les agissements et comportements de certains de ses leaders, contribuer à susciter la nécessaire mobilisation de l’ensemble des Burkinabè pour contrer la propagation du Covid-19. Au-delà, la loi de finances rectificative qu’entend soumettre le gouvernement au parlement peut bénéficier de l’adhésion de l’ensemble des députés, de sorte à ce que son adoption rencontre moins de heurts. Mieux, la relance du processus électoral après l’éradication – certaine – de la pandémie du Covid-19 pourrait se faire dans une sérénité constructive des forces politiques. Ce qui peut être gage d’élections apaisées et transparentes dont notre pays a besoin.
La dissipation cumulée de tous ces élans divisionnistes ou moins collaboratifs, constitue, de notre point de vue, le prix à payer pour que, comme l’a souhaité le président du Faso, « Dans la solidarité et l’union », les filles et fils et du Burkina Faso relèvent le défi du Covid-19.
