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[Tribune] Lutte contre le terrorisme : voici les pistes de réflexion du journaliste écrivain Adama Damiss Ouédraogo

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Depuis 2016, notre pays est en proie à des attaques meurtrières qui s’amplifient et gangrènent différentes régions du pays. L’armée, dont le rôle est de défendre l’intégrité du territoire, a du mal à contenir ces groupes terroristes qui endeuillent régulièrement la nation. Pourquoi n’y parvient-elle pas ? Nous tenterons humblement de donner quelques éléments d’explication et des pistes de réflexion en vue de contribuer au débat sur l’insécurité  qui rythme désormais le quotidien des Burkinabè.

Par Adama Damiss Ouédraogo, Journaliste écrivain

Des pistes de réflexion: Face au péril terroriste, nous devons nous poser les bonnes questions

Pourquoi des Burkinabè prennent-ils des armes contre leur pays et contre d’autres Burkinabè ? Pourquoi des populations locales collaborent-elles avec ces criminels ? Pourquoi, malgré le gros budget du ministère de la Défense et les changements opérés, les groupes armés continuent-ils leurs forfaits en toute impunité ?

Pourquoi les détachements sont-ils toujours attaqués de la même façon par les terroristes ? Y a-t-il des dispositifs d’intervention rapide pour appuyer des unités victimes d’attaques ou d’embuscades ? La composition des unités combattantes est-elle cohérente ? Pourquoi les soldats ont-ils le moral dans les chaussettes ? Quels sont les différents niveaux de dysfonctionnement ?

À coup sûr, on aboutira au diagnostic suivant : la mal-gouvernance, la corruption, les clivages au sein des forces armées, les problèmes d’égo, l’absence de leadership etc.  Le drame d’Inata,  bien analysé, permet déjà de se faire une idée des graves dysfonctionnements qui émaillent notre armée.

Il faut éviter de parer au plus pressé en mettant en place de véritables stratégies qui vont consister à rendre effective la présence de l’Etat sur le territoire national pour éviter que les assaillants s’y installent, comme c’est déjà le cas dans plusieurs localités. Nous devons envisager l’intervention des forces des pays de la sous-région ouest-africaine car le terrorisme dépasse les frontières nationales et tend ses tentacules en Côte d’ivoire, au Bénin et au Togo. Il ne faut pas attendre d’intervenir sur le tard.

Aux grands maux, les grands remèdes. Une refondation totale de notre armée est nécessaire. Le travail est titanesque et demande du temps. C’est le prix à payer pour former une grande armée capable de faire face aux grandes menaces.

L’Algérie (même si le contexte est différent de celui du Burkina Faso et comparaison n’est pas raison), malgré ses richesses et la puissance de son armée, a vécu la terreur des attentats terroristes pendant une dizaine d’années. Il y a eu des morts, beaucoup de morts, des blessés dont certains resteront handicapés à vie, des veuves, des orphelins et d’énormes dégâts matériels.

Des attentats avaient même eu lieu régulièrement à Alger, la capitale. Mais au final, l’Algérie a triomphé et possède l’une des armées les plus expérimentées et les plus puissantes du continent africain.

Il faut dès à présent que le chef de l’Etat, Roch Marc Christian Kaboré, pose les jalons de la refondation de notre armée afin que son successeur puisse la poursuivre ou la consolider.

Autre problème qu’il faut examiner avec le plus grand sérieux, c’est le recours aux volontaires pour la défense de la patrie (VDP), aux kologweogo et aux dozos. L’armée burkinabè ne s’est pas suffisamment assumée dans cette lutte contre le terrorisme, si bien que le politique a été obligé de faire appel à des supplétifs. Les militaires ont ainsi sous-traités la guerre à des civils sommairement formés.

Aujourd’hui, les VDP par exemple font  un travail remarquable  dans certaines localités malgré les difficultés de tous ordres auxquels ils sont confrontés. Néanmoins, nous devons réfléchir sur le long terme : si demain ils libèrent certaines zones où l’armée et l’administration publique (haut-commissaire, maires et préfets) ont déserté, de quelle légitimité ces « fuyards » peuvent-ils encore disposer pour jouer leur rôle régalien ? Que fera-t-on si tous ces supplétifs deviennent des milices armées ? C’est notre manque d’anticipation qui  explique en partie nos grandes souffrances.

Soumaila Ganamé alias Ladji Yoro, symbole de la résistance contre  les terroristes au Nord et particulièrement dans la province du Lorum, (tué le 23 décembre 2021 à la  suite d’une embuscade qui a fait 41 morts  à la date de Noêl)  et ses hommes  ont  montré qu’avec  le courage et  la détermination, on peut déplacer des montagnes. C’est ce manque criant de leadership au sein de nos armées qui fragilisent aussi  la lutte contre le terrorisme.

Dans toute lutte (politique ou syndicale) et dans toute guerre, il y a des leaders qui émergent et entraînent les autres. Comment un civil comme Ladji Yoro, sans une véritable formation de base, peut être un héros national dans un conflit alors que nous avons une armée et des militaires qui ont été formés dans de grandes écoles militaires ?  Son  secret, c’est simplement son engagement, son courage et sa détermination  à  se battre.

Nous avons besoin  d’une dizaine voire une vingtaine d’officiers réputés pour leur bravoure au combat, qui se mettent devant les soldats pour traquer les terroristes et dont la seule évocation de leurs noms forge le respect et fait peur à l’ennemi : la guerre contre l’hydre terroriste prendra sans doute une autre tournure.  Ces hommes valeureux existent au sein de nos forces armées : ils sont certainement victimes de la mal gouvernance,   des conflits internes, du mauvais management et des problèmes d’égo.

A lire aussi: [Tribune] Lutte contre le terrorisme : aux racines de l’incapacité de notre armée

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