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Madjoari : la résilience de plus de 1000 âmes malgré l’horreur

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Les yeux rivés, les regards incertains, enfants, femmes, hommes de Madjoari fixent leur regard dans le vide. La main sur la tête ou encore tenant le menton. Ça en dit long sur leur préoccupation essentielle, pour ceux qui sont restés bien sûr. 8 enfants sont morts affamés. Les adultes squelettiques pour régime forcé… Les conséquences du souffle terroriste sur des populations de Madjoari. Malgré tout, ils sont là. Constat fait du 24 au 26 septembre 2021.

Par Aminata Kaboré

« Il n’y a plus rien à faire. Ils nous ont interdits de cultiver. Nous sommes contraints au repos » confie Paul Dabini en langue locale Gulmancema. L’interlocuteur sur place, l’un des leurs rétorque : on c’est qui ? « Moi aussi je ne sais pas. Je suis né ici grandir. Mais c’est ma première fois de vivre cette situation ». Reprend l’interlocuteur, ils sont où ceux qui disent de ne pas cultiver ? « Ah je ne sais, aucune idée répond le vieux à la barbe longue et toute blanche ». Et cette barbe, c’est aussi une exigence de la laisser. Non. Peu importe. « Nos priorités sont ailleurs. C’est la faim qui nous préoccupe. Mais pas les soins de corps », répond-il. Nous sommes juste fiers d’être toujours en vie ». Le septuagénaire allongé au pied de la vigne à l’entrée de la concession observe un peu partout avant de piper mot. « Ne me braquez surtout pas d’un matériel du blanc. Sinon les gens vont dire après que j’ai traité avec des étrangers. Nous pouvons causer seulement. L’homme visiblement est méfiant ». Avec juste raison. Sa vie en dépend

Les dernières incursions terroristes :

  • 3 juin : enlèvement de quatre personnes à Madjoari.
  • 7 juin : ultimatum de quitter Kodjoari
  • Du 10 au 15 juin : enlèvement de 5 personnes à Diabili
  • 16 juin : 3 personnes égorgées à Tambarga
  • 29 juin : une personne décapitée à Madjoari
  • 4 juillet : une personne égorgée à Madjoari
  • 20 juillet : un paysan de Madjoari saute sur une mine.

Dans localité, les  habitants se réunissent en groupuscule et en genre. « Les mots se pèsent bien, la langue se tourne 7 fois avant de dire quoi que ce soit », confie Madeleine Thiombiano ? La rencontre de la vingtaine qui quittait Madjoari se fait à la volée sur la route nationale 19 longeant le parc national d’Arly qui fait 760 km. Elle portait sur sa tête du matériel ménager noué dans pagne? « On attend un dénouement mais ça traîne. « Mes parents sont là. Mais moi je vais de l’autre côté pour voir ce que ça va donner ». Qui vous accueille à l’arrivée ? demande l’interlocuteur ? « Aucune idée. Tous ceux qui sont partis sont sortis comme ça avec leurs effets sur la tête ou à dos d’âne. J’irai aussi. Je compte sur Dieu ». Vous êtes une femme. Est-ce que vous pourrez faire face à une agression loin de votre famille ? « Je ne crains pas. Je ne suis pas seule. Nous sommes nombreuses à partir pour la destination inconnue », avant de lâcher un triste sourire auquel s’ajoute son essoufflement dû au bagage indescriptible qu’elle porte.

Le 5 juillet 2021, l’association des ressortissants de la commune de Madjoari a, au cours d’une conférence de presse lance un SOS aux autorités burkinabè sur la situation sécuritaire précaire que vivent les habitants de la localité.

Pour le porte-parole de la structure Nassirou Dahani, « depuis près de 6 ans, Madjoari fait face aux attaques terroristes. Face à cette situation, les ressortissants de la localité ont décidé d’attirer l’attention de l’opinion politique nationale sur le danger imminent ». Les conférenciers décrivent la situation chaotique dans la localité : « pour 14 000 habitants que compte la commune, 12 000 ont déjà fui, leurs terres et leurs biens à la recherche d’un asile. Depuis le 7 juillet, la vie est devenue un calvaire pour les habitants restés à Madjoari. Toutes les boutiques, les pharmacies et les magasins sont vides. Quant au carburant, il est devenu une denrée rare qui s’arrache à plus de 3000 F CFA le litre. Même le simple sel n’existe plus sur le marché » s’indigne M. Dahani.

Cet appel ne reste pas vain. Le pouvoir central donne suite

Le 20 juillet 2021, les forces spéciales appuyées par les forces conventionnelles investissent une nouvelle fois les parcs forestiers de la province de la Kompienga. Les sources sécuritaires rapportent plusieurs terroristes neutralisés et une trentaine de motocyclettes. Des élus locaux confirment ses opérations et parlent d’« un déluge de feux qui s’abat sur les sites occupés par les groupes armés terroristes ».

Après cet assaut, « les terroristes reprennent du service »,

Madjoari, jadis havre de paix situé dans la province de la Kompienga, dans la région de l’Est. s’est progressivement vidé de sa population vers les environs, Pama, Nadiagou, Kompienga, Koalou ou jusqu’à Porga au Benin et au Togo. La situation sécuritaire a occasionné le déplacement de nombreuses populations. A la date du 15 juillet 2021, le nombre de déplacés internes s’élevait à plus de 1 million de personnes. Pour la seule commune de Madjoari, le nombre de populations déplacées est de « 14 000 » Alors que la commune « comptait plus de 15 000 habitants. Mais toujours dans la commune rurale Madjoari qui veut dire (colline des forgerons) demeurent avec la minorité résistante et résiliente. « Ça va. Nous sommes toujours là. Regardez toutes ces personnes qui vivent ici. C’est ici chez nous et nous rendons grâce à Dieu. C’est calme. Et moins de peur. Si tu obéis aux ordres en tout cas, tout se passe bien », confie Tintua Lompo. Il garde le silence. Il respire un coup avant de rebondir : « mais ça allait être bien qu’on nous laisse faire nos travaux champêtres. Les autorités locales nous soutiennent mais ils ne peuvent pas aussi faire plus que ce qu’ils ont ». Selon l’Adjoint au Maire Dierigou Koaré, ils sont plus de « 1000 personnes qui y vivent toujours malgré la mort de 8 enfants pour cause de famine. Les adultes on en parle pas ».

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