Dans la province du Yatenga (région du Nord), des jeunes maraîchers sont résilients face à l’insécurité et à la mévente de leurs produits. Depuis 2015, le Burkina Faso vit une crise sécuritaire sans précédent. Un reporter de Libreinfo.net est allé à la rencontre de certains producteurs maraîchers.
Par Zakiss Ouédraogo, correspondance
Comme toutes les activités au Burkina, l’agriculture subit un coup énorme depuis un certain temps du fait de l’insécurité grandissante.
Tous ceux qui produisaient à profusion dans leurs localités dans la province du Yatenga ont pratiquement quitté les lieux et vivent désormais, pour la plupart, à Ouahigouya (chef-lieu de la région) où ils se sont réfugiés.
Un de ces maraîchers, Alassane, qui nous affirme être dans le maraîchage depuis plus de 10 ans, estime que chaque année se présente avec ses lots de problèmes : «Pour cette année 2023, nous avons de l’eau à gogo conséquence de la bonne pluviométrie. Mais, l’insécurité grandissante nous inquiète énormément.»
Et Alassane de poursuivre : « Nous avons eu des pertes l’année dernière. Et, cette perte s’est répercutée cette année aussi parce que nous n’avons pas eu de soutien financier de la part des responsables agricoles. Sans ce soutien, nous aurions pu tout de même obtenir de bons rendements. Ce qui nous a confronté au problème d’écoulement.»

Notre jeune maraîchers explique l’une des raisons du problème d’écoulement « malheureusement, nous n’avons pas de comité qui se bat pour régulariser les prix de nos produits. Actuellement, c’est très difficile d’obtenir les intrants à crédit pour travailler, car les commerçants ont assez souffert avec nous.»
Alassane précise que les commerçants «nous ont beaucoup soutenus financièrement l’année dernière ; nous sommes tombés en faillite. Donc, pour cette année, nous nous sommes débrouillés comme nous pouvions.»
Alassane a « produit plus d’oignons, de poivrons et de tomates. Dans notre production, il y a très souvent de la perte au moment de la vente. Je lance un cri de cœur au ministère de l’agriculture afin qu’il veille sur le syndicat des maraîchers pour un suivi régulier des éventuels prix des produits.»

Néanmoins, il reconnaît déjà les efforts faits par l’autorité «j’apprécie déjà leur suivi au moment des travaux mais une fois cette phase passée, ils ne se préoccupent guère de comment nous écoulons nos produits. »
« Il convient de rappeler que bien de nos clients viennent particulièrement de la Côte d’Ivoire, du Bénin et du Togo pour l’achat des oignons. Vu la situation sécuritaire, bon nombre d’entre eux ne viennent plus» affirme Alassane.
Même ceux qui viennent, assure-t-il, imposent leurs prix. « A cet effet, il est important que le gouvernement ouvre l’œil et surtout le bon en nous aidant à vendre nos produits en créant des comptoirs afin de veiller sur les prix qui encouragent les producteurs» préconise t-il.
Selon lui, « la mévente de nos produits à Ouahigouya est assez criarde ; à vrai dire, les produits maraîchers n’ont pas de prix fixes. Par exemple, aujourd’hui le contenu d’un filet de 100 kg coûte 12.500f et le sac de cacao de 150 à 160 kg coûte 17500 F.CFA.»
Il ajoute que : « Après calcul, la grosse perte revient indéniablement aux producteurs après 90 à 100 jours de dur labeur. Chaque année, nous sommes dans le désarroi ; mais comme c’est notre principal activité, nous n’y pouvons rien. »
Il demande ainsi au gouvernement de créer un comptoir de vente: « Nous invitons le gouvernement, à travers le ministère de l’Agriculture, à réguler les prix de nos produits maraîchers en créant des comptoirs de vente.»
En plus, il faut noter que les agents d’agriculture abattent un travail énorme de suivi à Ouahigouya, soutient-il. Mais, « ils doivent cependant revoir les différents prix sur le marché sinon, à cette allure, nous risquons de changer de métier. C’est à cause de la mévente et de l’insécurité que nous avons peur de prendre les micros crédits afin de produire plus.»
Abdoul, producteur de piment depuis longtemps, estime que le problème de la spéculation est la chose la mieux partagée dans la culture de contre-saison.
« Depuis que je travaille, nous n’avons jamais pu asseoir nos prix ; chaque fois ce sont les acheteurs qui nous imposent les leurs. Là aussi, c’est après avoir commercialisé nos produits sur le marché qu’ils viennent nous donner notre dû» témoigne-t-il.

A cela, « il faut que nos autorités nous accompagnent à écouler nos produits. Avant l’insécurité, on pouvait travailler jusqu’à une certaine heure de la nuit mais maintenant ce n’est plus le cas. A partir de 18 h, il faut s’apprêter pour rentrer chez soi.»
A Gouroungo, un village dans le Yatenga, plus précisément situé au bord du barrage de Guitti, à 50 km de Ouahigouya, Mahamoudou, un maraîcher, cite la mévente, la cherté des intrants et l’insécurité, entre autres, comme étant les difficultés majeures dans la production de cette année 2023.
« Nous sommes dans une zone à fort défi sécuritaire ; à tout moment nous avons peur» dit-il ; c’est d’ailleurs cette raison qu’il avance en ces termes : « Nous avons produit moins cette année à cause de l’insécurité, car, à tout moment, on peut être menacé de déguerpir les lieux.»

« C’est vrai que nous avons aussi de sérieux problèmes d’écoulement mais par moment aussi nos voies de communication sont impraticables du fait de la dégradation de celles-ci ».
Pour lui, il faut noter qu’à cause de l’insécurité, beaucoup de paysans ont déserté le lit du barrage, surtout les producteurs étrangers.
« Cette année, nous avons décidé de produire de l’oignon, parce que c’est un produit facile à conserver. On pouvait produire de la tomate puis ne pas avoir le marché à temps pour la vendre» dit-il.
C’est pourquoi, poursuit-il, « j’invite les jeunes à beaucoup s’investir dans la culture de contre-saison car cela nourrit son homme et contribue à « booster » l’économie nationale. J’ai foi que la paix d’antan sera de retour au Faso» Mahamoudou.
