Le procès Marcel Tankoano et autres a repris ce 21 juin 2023 au Tribunal de grande instance Ouaga I. Les 9 prévenus ont tous plaidé non coupable. Ils disent ne pas reconnaître les faits qui leur sont reprochés.
Par Nicolas Bazié
Les prévenus sont des leaders de la société civile, Marcel Tankoano, Abdoul Karim Baguian dit Lotta, Désiré Guinko, Boukary Conombo, Boukary Tapsoba, Souleymane Belem, Pascal Zaïda, Karim Kone ainsi que les journalistes Alain Traoré dit Alain Alain et Lookman Sawadogo.
Ils sont tous poursuivis pour des « faits d’association de malfaiteurs, de divulgation de fausses informations, d’incitation à un attroupement armé ou non armé… » dans l’affaire appel à incendier le palais du Moogho Naaba.
À la barre, Marcel Tankoano a tout de suite crié à un complot. « Nous avons été victimes d’un complot politique » a lâché Marcel Tankoano qui a été invité par le juge à se calmer.
Le juge commence à lire les déclarations des quatre témoins qui sont dans le dossier. « Tout ce qui a été dit à mon encontre est faux M. Le président. Je ne reconnais pas avoir fait ce qui a été relaté ici. Ces déclarations sont graves.»
Il enfonce le clou en mettant à nu, le scénario qui avait été mis en place pour brûler le palais du Moogho Naaba.
Il fallait d’abord enregistrer un audio qui appelle à incendier le palais. Après cette étape, il était prévu d’enregistrer un nouvel audio, dans lequel il serait précisé que des individus sont allés incendier le palais.
Le projet visait uniquement à provoquer un affrontement devant le palais du roi, donc déstabiliser le pays, rapporte le juge. Après cet affrontement, on allait assister à un assaut des forces de l’ordre, pour séparer les deux groupes, poursuit le juge. Enfin, les activistes Naïm Touré, Aminata Rachow, Alassane Conombo et certains médias internationaux allaient diffuser ce qui devrait se passer et notamment ses conséquences.
Marcel Tankoano avait signifié à ses « complices » que le réseau téléphonique burkinabè devait être coupé lorsque les affrontements allaient avoir lieu.
Des rencontres ont même eu lieu pour préparer de façon minutieuse, le projet dont Marcel Tankoano serait le cerveau.
Abdoul Karim dit Lota a été approché par Marcel, pour le convaincre de mobiliser les commerçants pour la circonstance.
Selon le juge, les cerveaux et leurs complices se communiquaient aussi par appels directs, whatsapp et Signal.
Le procureur a fait écouter les audios. Lesquels audios qui accablent Marcel Tankoano. Dans le premier audio, par exemple, on entend clairement ceci : « Le capitaine Ibrahim Traoré est venu pour libérer le pays. Mais, le Moogho Naaba n’est pas clair dans sa position. Il s’est mis avec les politiciens pour déstabiliser le pays. Tous ceux qui sont au rond point des nations unies, sortez nous allons nous retrouver chez le Moogho Naaba. Nous allons brûler son palais. Nous ne pouvons plus accepter que quelqu’un déstabilise le pays ».
Marcel Tankaono reste droit dans ses bottes: «Je ne reconnais pas avoir demandé à des gens de faire des audios dans lesquels l’on appelle à incendier le palais. Je ne connais même pas la provenance de ces audios. Je ne connais pas les auteurs».
Les témoins à la barre ….
À la barre, Moustapha Kontongmdé a comparu en qualité de témoin. Il est aussi membre du M21, mouvement dirigé par Marcel Tankoano. Il affirme que Marcel Tankoano l’a approché pour lui proposer d’enregistrer les fameux audios.
Il déclare : « Le 30 avril passé, à 14h40, Marcel Tankoano m’a appelé et il m’a fait comprendre qu’il a besoin de moi urgemment. Il m’a dit qu’il est dans un jardin vers le SIAO. Quand je suis arrivé, il m’a dit de mettre mon portable en mode avion. Il m’a demandé si je connaissais ceux qui insultent les parents des gens au rond point des nations unies (les pro-russie). Il me demande si je consens. J’ai dit non.»
« Il m’a dit que lui, il avait la solution et il m’a proposé de faire un vocal pour dire aux gens d’aller brûler le palais du Moogho Naaba. Il m’a rassuré qu’une fois cela fait, la police allait certainement venir. Je lui ai dit que je ne pouvais pas faire une chose pareille. Je lui ai proposé un ami, Karim Kouanda. Mais, j’ai été très clair avec Karim. Je lui ai dit de ne pas oser accepter parce que l’affaire n’est pas claire» a poursuivi Moustapha Kontongmdé.
Le procureur a voulu savoir si le témoin tenait des propos avérés. « Qu’est-ce qui prouve que ce que vous dites est vrai? N’avez-vous pas été soudoyé avec un petit billet de 5000 FCFA pour charger Marcel Tankoano? » questionne-t-il.
Des questions qui semblent être une pilule amère à avaler pour le témoin Moustapha Kontongmdé. Et il l’a fait savoir: « M. le procureur, la moto que j’ai conduite pour venir ici coûte 1 million 800 mille francs CFA. J’ai acheté une moto de 700 mille francs CFA pour ma femme et une autre moto de 200 mille francs CFA pour mon grand frère. Moi je suis un commerçant, je travaille moi».
« Le témoin est gravement manipulé» a aussitôt répliqué Marcel Tankoano qui soutient que c’est Zacharia Tagnan (un autre témoin) qui est derrière ces manipulations. « Ce que Moustapha Kontongmdé a dit est le fruit d’une pure machination. Cela n’engage que lui» a-t-il dit.
Selon lui, « M. Tagnan est un traître né. Vous aurez remarqué que je l’ai même traité de Judas. Il vient me prendre tout le temps de l’ argent, il s’en va, et il ne fait rien». Une réaction qui a fait éclater de rires l’assistance.
Dans sa prise de parole, le procureur s’est intéressé aux sources de financements de Marcel Tankoano. « La Police vous avait demandé ce que vous faites comme travail. Et vous avez répondu dans votre procès verbal que vous étiez un entrepreneur politique. Je veux savoir ce que c’est que l’entrepreneuriat politique» a demandé le procureur.
«Vous savez ce que cela veut dire. Pourquoi vous me le demandez encore. (…) Si vous lisiez les journaux, vous sauriez qui je suis. Moi je suis un leader d’opinion et cela me permet de nourrir ma famille et de soutenir les Moustapha Kontongmdé et autres » a vociféré Marcel Tankoano, visiblement fâché.
Que ce soit Zacharia Tagnan, Zigui Mamadou, Moustapha Kontongmdé et Karim Kouanda, les quatre témoins ont presque dit la même chose: Marcel Tankoano est le cerveau de l’appel à incendier le palais du Moogho Naaba.
« Je n’ai rien à me reprocher»
Pendant l’audience, Désiré Guinko, ex-chargé de missions de la Présidence du Faso sous le président Roch Kaboré a également été appelé à la barre. A l’écouter, il ne sait pas ce qu’il fait devant le tribunal.
« J’aimerais que le tribunal me dise ce que je fais ici. Je n’ai rien à me reprocher. Je ne suis lié ni de près ni de loin à cette affaire d’enregistrements d’audios qui appellent à incendier le palais du Moogho Naaba. Je ne me reconnais pas dans cette affaire gravissime » a-t-il fait comprendre. L’audience reprend demain 22 juin 2023.