La seconde phase du procès du putsch a démarré il y’a quelques jours mais à la grande surprise de ceux qui suivent de près ce procès, des avocats de la partie civile se sont déportés. Parmi ces avocats il y’a le cabinet de Me Guy Hervé Kam. A la demande de www.libreinfo.net ,il s’explique sur les motifs de cette décision.
Libreinfo.net (LI): la deuxième phase du procès du putsch a repris, comment vous expliquez cette seconde phase ?
Me Guy Hervé Kam (G.H.K): Ce genre de procès se déroule en deux phases : la phase pénale et la phase civile. La phase pénale, il s’agit donc de dire est-ce que les accusés ont commis les infractions pour lesquelles ils sont poursuivies. Si oui, quelle est la sanction pénale ? La seconde phase, c’est contre les accusés qui ont été condamnés. Il s’agit en ce moment, pour les victimes, de demander la réparation des infractions, du préjudice qu’ils ont subi du fait des infractions pour lesquelles les accusés ont été condamnés. Pendant cette phase, les victimes vont faire leur demande et le tribunal va statuer.
Donc cette phase, c’est pour la réparation des préjudices.
Exactement !
Pourquoi votre cabinet (partie civile) s’est déporté ?
Dans notre profession, l’avocat doit se déporter chaque fois qu’il y’a un conflit d’intérêt ou un risque de conflit d’intérêt. Lorsque ce procès commençait, l’État burkinabè est cité comme partie civil, et je trouve que nous avons des clients, un peu plus d’une trentaine qui étaient aussi, partie civile. Donc naturellement, nous sommes constitués pour un groupe de partie civile y compris l’État burkinabè. La phase pénale est terminée, l’État burkinabè a été admis à plaider comme les autres en tant que partie civile, donc la seconde phase.Au cours de la seconde phase, nous avons vu que certaines victimes ont demandé la condamnation des accusés, à leur payer un certain montant et ont aussi demandé que l’État soit condamné en qualité de civilement responsable des accusés et à pendre en charges les condamnations qui pourraient être prononcées contre les accusés.
Qu’est-ce que c’est que le civilement responsable ?
Le civilement responsable en droit, c’est la personne qui doit répondre des conséquences civiles d’une infraction qui a été commise par quelqu’un dont il répond. Par exemple, les pères et mères, vont être civilement responsables des infractions commises par leurs enfants. Les employeurs vont être civilement responsables des infractions commises par leurs employés dans l’exercice de leur fonction. Il y a bien de cas dont je vous fais l’économie des détails.
Qu’est-ce qui vous amène finalement à vous déporter ?
Lorsque la seconde phase s’est ouverte, certaines victimes ont demandé que l’État soit condamné en qualité de civilement responsable. Et dès lors que des victimes dans le procès ont fait cette demande, nous nous sommes dit qu’il peut être dans l’intérêt de nos clients de faire aussi la même demande. Parce qu’à partir de ce moment, la position juridique que nous, en tant qu’avocat pouvons avoir passe en second plan par rapport la demande des clients. Et pour nos clients, nous devons leur donner cette information. Du coup, nous avons dit à nos clients que dans cette cause, certains accusés ont demandé à ce que l’État soit condamné en qualité de civilement responsable. Et qu’eux aussi, en tant victimes, ont le droit de faire cela. Cela peut marcher tout comme ça peut ne pas marcher. Mais s’ils veulent faire cela, c’est leur droit. Sauf que dans ce cas, nous, étant leur avocat et étant aussi l’avocat de l’État, nous ne pouvons pas formuler cette demande contre l’État, c’est contraire à nos règles professionnelles. À partir de ce moment, nous leur avons expliqué que nous allons donc nous déporter pour qu’ils puissent avoir un ou d’autres avocats qui peuvent porter cette demande si tant est qu’ils veulent la faire. Donc, c’est pour cette raison, et dans l’intérêt exclusif de nos clients, ne serait-ce que sur le plan morale d’être confortable comme toutes les autres parties civiles, d’avoir fait la même demande, que nous nous sommes déporté.
En conclusion, faut-il dire que Me Guy Hervé Kam et son cabinet ont préféré le choix d’être avec l’État que d’être avec leurs clients ?
De toute façon, même si nous on se déportait du côté de l’État, on n’était toujours pas dans la possibilité de porter cette demande contre l’État. Le problème ne se posait pas du côté de l’État. Le problème se posait du fait que nous, nous ne pouvons pas porter cette demande au nom de nos clients contre l’État. Donc la seule partie pour qui on pouvait se déporter, c’était nos clients. Je dois ajouter que dans la suite de la procédure, tout dépendra de la position de l’État. Si l’État demande à ses avocats que nous sommes de contester cette demande des parties civiles, nous serons aussi obligés de nous déporter du côté de l’État parce que nous ne pouvons pas porter cette demande contre nos anciens clients.
C’est la loi qui le dit ?
Ce sont les règles professionnelles.
Depuis quand vous êtes avocat de l’Etat ?
Nous sommes avocat de l’État depuis 2016 à la suite d’une procédure lancée par l’État, il s’agit d’un appel d’offre à l’attention des avocats pour recruter trois cabinets d’avocat. Nous avons soumissionné et c’est finalement deux cabinets qui ont été recrutés. Le troisième n’a pas pu être recruté parce qu’il n’y avait pas de candidats suffisants.
Quelle est l’appréciation de vos clients de façon générale ?
Dans ce genre de situation, les seules personnes les plus importantes, ce sont nos clients. Et Dieu merci, avec nos clients, on se comprend parfaitement. Un processus est engagé pour que ces clients puissent avoir un avocat. Si tout va bien, le procès ne sera pas retardé pour cause du fait que nos clients n’ont pas d’avocats.
C’est l’État qui va trouver un avocat pour ces clients ?
Non, l’État n’est pas obligé de trouver un avocat pour les victimes. C’est d’ailleurs une incohérence de notre système juridique où l’État est obligé de constituer des avocats pour les personnes qui commettent des infractions et qui ne peuvent pas et non pour les victimes même si elles aussi ne peuvent pas s’en prendre. Dans le cas présent, ce sont les victimes elles-mêmes qui doivent se trouver un avocat.
Propos recueillis par
Albert Nagreogo et
Siébou Kansié