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Musique : Daouda, le sentimental dilemmatique !

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Dois-je finalement faire parvenir mon joli bouquet de fleurs à la redoutable femme de mon patron, alors que mon cœur balance et rebalance ? Et puis, qui dois-je sauver, entre ma mère et mon épouse qui se noient au beau milieu de la lagune, tandis que… deux quidams m’imposent d’arbitrer un satané match nul ? Daouda Koné, alias Daouda le sentimental, nous a tellement baladé dans ces dédales dilemmatiques qu’il ne serait pas inintéressant de visiter un pan de son sublime univers musical…

Par Serge Mathias Tomondji

« Autrefois, les femmes étaient au foyer pour le bonheur de toute la famille. L’émancipation a tout chamboulé, les femmes d’aujourd’hui ne font plus rien au foyer. » Ce diagnostic coup de poing résonne mélodieusement dans l’une des compositions phares de Daouda Koné, alias Daouda le sentimental. Dans sa radiographie de la vie des ménages, l’artiste ivoirien a pu constater avec amertume, en 1988 dans « Les femmes d’aujourd’hui », que… « c’est la bonne qui fait le ménage, la lessive, la cuisine et tient la maison » parce que « les femmes d’aujourd’hui, surtout les femmes libérées, n’ont plus le temps de s’occuper de leurs foyers » !

Né le 1er janvier 1951 à Niangoloko (Burkina Faso) Daouda Koné, bientôt 74 ans, est un grand ambassadeur de la musique africaine. Sa voix chaude et ses messages d’amour continuent de bercer notre quotidien. Avec sa guitare en effet, il sait tellement nous faire rire et pleurer en racontant, sur des notes romantiques et humoristiques, les tourments de nos cœurs transis d’amour, le battement saccadé de nos idylles incompréhensibles, les incohérences et les incongruités de certains de nos comportements à questionner et à corriger.

Déconfiture sociale 

C’est ce qu’il fait d’ailleurs magistralement dans cette chanson « Les femmes d’aujourd’hui », sortie en 1988, mais qui est sans doute tombée dans l’oubli. Car lorsque « Madame » transfère tout le pouvoir de son statut à « la petite bonne », investie de tâches régaliennes du foyer comme la gestion du mari et des enfants qui, eux, « n’ont pas bien souvent la chance d’avoir maman à la maison », on entre en toute beauté dans une déconfiture sociale aux conséquences multiples.

Tout se gâte lorsque la petite bonne tombe enceinte des œuvres du maître de maison, délaissé lui aussi pour les mains expertes de cette accompagnatrice dans les tâches ménagères qui s’étendent malheureusement aux considérations intimes. Madame crie alors au scandale, pourtant, à bien y regarder, il n’y a rien d’anormal dans cette dérive. Il nous faut donc arrêter avec ces comportements nocifs pour la société et revenir aux valeurs fondamentales qui font de la femme, plaide encore Daouda, « le pilier central du foyer ». Pour ce faire, « la bonne peut l’aider mais pas la remplacer »…

Un as du dilemme

Il est vrai que lorsqu’on évoque cet artiste sympathique, aux mille et une chansons romantiques et humoristiques, on pense beaucoup plus aux tubes de ses débuts musicaux, « Les Gbakas d’Abidjan » (1976) et « Le villageois » (1977), ainsi notamment qu’à ce merveilleux « Bouquet de fleurs » qu’il offrit en 1978 à Célestine. Ah, cette belle romance, d’ailleurs reprise par l’artiste burkinabè Madess, qui continue de nourrir bien des histoires d’amour !

C’est là déjà, semble-t-il, que se construit l’interrogation mélodieuse de Daouda pour le dilemme. Un Daouda qui a longtemps douté de ses sentiments avant de pouvoir se lancer, timidement dans la bataille. Et comment ? « Moi je suis un garçon timide, chaque fois que je me décide, même si mon cœur insiste, j’ai ma langue qui résiste… J’ai dû lui écrire ce que j’avais à lui dire… Elle m’a dit en retour qu’elle acceptait mon amour ! »

Ouf ! Heureusement car à présent que « nous allons nous unir pour le meilleur et pour le pire, qu’elle sera mon seul amour (et) que je l’aimerai pour toujours, je veux lui offrir mon cœur dans un joli bouquet de fleurs en lui promettant sur l’honneur de toujours faire son bonheur » ! Hum, comme c’est beau l’amour, tant qu’on n’entre pas dans des « kabako » sentimentaux qui laissent des cicatrices souvent indélébiles !

Comme dans cette histoire avec « La femme de mon patron ». Un bijou de mélodie, sorti en 1985, dans un écrin de dilemme et porté par la doucereuse voix de Daouda. La bagarre entre ce qui est juste et moral, d’une part, et ce qui est déplacé et amoral, d’autre part, met parfois l’homme face à la réalité de ses intérêts. Que faut-il faire, que faut-il dire lorsque… la riche et belle femme de mon patron tombe amoureuse de moi, me proposant de devenir son amant ?

Dur, dur ! Dangereux même d’autant que « la femme du patron m’a dit (que) si je refuse, elle ira dire à son mari que c’est moi qui lui fait la cour… Même si je suis innocent, j’aurai de gros ennuis ». Et c’est bien connu, « les femmes sont diaboliques, malgré leur beauté angélique ». En effet, atteste encore Daouda, « quand une femme est amoureuse, elle devient très dangereuse »…

Ah, ce cœur qui rebalance !

Vous voilà prévenus ! Mais ce dilemme-là n’est encore rien pour le pauvre Daouda dont, plus tard, le cœur s’est mis à balancer et à rebalancer entre la jolie Fanta et la gentille Amina. Et jusqu’aujourd’hui, il n’a toujours pas réussi à choisir entre les deux. Il a pourtant fait des efforts ! Mais le fait est que … « quand je suis avec la jolie Fanta, je pense à la gentille Amina. Et quand Amina est près de moi, mes pensées s’envolent vers Fanta ». D’ailleurs, un jour, « j’ai pris ma résolution croyant avoir trouvé la solution ». Mais au moment de me prononcer, eh bien, « moi, je n’ai pas pu me décider… Car toujours mon cœur balance, Ça balance et ça rebalance » !

Cependant, ce n’est pas seulement à Daouda que ces choses-là arrivent ! Alors qu’il n’a toujours pas trouvé la solution à son indécision, voilà qu’il doit résoudre un autre dilemme, surgi dans son répertoire en 1990, lorsqu’un monsieur qui sortait avec la femme de son voisin s’est fait cocufier par le mari de la même femme qui le trompait. Une histoire cocasse, je vous dis, dans laquelle « chaque mari dribblait sa femme et chaque femme dribblait son mari… Chacun faisait son petit business de son côté… Et puis un beau jour, dans le même motel, ils se sont trouvés face à face, maris cocus et femmes trompées ».

Le drame, dilemmatique à souhait, est facile à trancher ici. Pas besoin de chercher qui a tort ou qui a raison dans cette affaire, pas du tout compliquée pour Daouda le sentimental. Non, « ce n’est pas la peine de se fâcher (car) des deux côtés il y a égalité, un but partout ». C’est donc un match nul puisque… « tu as pris ma femme, j’ai pris ta femme ; j’ai pris ton mari, tu as pris mon mari ; tu m’as trompé, je t’ai trompé »… C’est vraiment « un but partout, match nul » !

Drame humain

Il n’a pas son pareil, Daouda, pour mettre le doigt sur les plaies de nos sociétés. Et il le fait dans un humour décapant et avec des mots qui convoquent des vers dans de belles mélodies sentimentales qui touchent le cœur et l’âme ! Plusieurs chansons de ce peintre de nos turpitudes soulignent admirablement cette implacable dualité du monde, mais aussi le fait que, bien souvent, nous sommes confrontés au dur questionnement du choix.

C’est ce qu’il fait encore magnifiquement dans « La mère ou la femme », un drame humain qui place la mère sur l’un des plateaux de la balance pour la vie, tandis que l’épouse s’installe sur l’autre. Si vous étiez à la place de ce pêcheur dont la pirogue a chaviré au beau milieu de la lagune avec votre mère et votre épouse, laquelle des deux sauveriez-vous si vous ne pouvez prolonger la vie que l’une d’elles ? « La mère ne sait pas nager, l’épouse ne sait pas nager, il ne peut que sauver l’une des deux, alors laquelle des deux faut-il sauver ? »

Au-delà des convictions personnelles et des sentiments-ressentiments, le questionnement ne paraît pas des plus simples. Chacun d’entre nous peut le méditer tranquillement en… admirant « Les collégiennes » d’hier à Abidjan (titre sorti en 1979), « si jolies en bleu et blanc », et en dansant, depuis 1982, « La salsa de Niangoloko ». Un clin d’œil sentimental de ce natif de Niangoloko, qui nous change de « la salsa de Cuba, Puerto-Rico, Panama »…

Merci Daouda et attention au « Gnama-Gnama sentimental », au moment où tu souffleras, en même temps que la nouvelle année qui s’annonce avec plein de défis et d’espoirs pour l’humanité et pour nos sociétés en décrépitude, ta 74e bougie !

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