Ouverte le 10 septembre dernier à New York, la 79e session de l’Assemblée générale des Nations unies réunit le gotha des chefs d’État de la planète et plusieurs dizaines de réunions thématiques et structurelles. Présidée par l’ancien Premier ministre camerounais Philémon Yang, cette session se tient à un moment crucial où le monde doit faire face à des défis prégnants en raison des guerres qui rythment le quotidien de nombreuses populations. Pendant ce temps, la question de la réforme de l’ONU et la place de l’Afrique dans ses instances est plus que jamais sur la table…
La 79e session de l’Assemblée générale des Nations unies déroule son programme avec la tenue, ce 22 septembre, du Sommet de l’avenir conformément à une Résolution adoptée le 8 septembre 2022.
Ce Sommet, qui s’étend jusqu’à ce lundi, vise notamment à « réaffirmer la Charte des Nations unies, redynamiser le multilatéralisme, favoriser l’exécution des engagements existants, trouver des solutions concrètes aux problèmes et rétablir la confiance entre les États membres ».
Autant dire que ce Sommet, qui ambitionne d’adopter, selon son thème, « des solutions multilatérales pour un avenir meilleur », est d’une importance capitale pour l’avenir de l’institution onusienne.
D’ores et déjà, les 193 États membres de l’ONU ont validé, « à l’unanimité et sans vote », le Pacte pour l’avenir.
Ce pacte, ainsi que ses annexes — le Pacte numérique mondial et la Déclaration sur les générations futures — vise à « réinventer le système multilatéral » et à « orienter l’humanité sur une nouvelle voie pour résoudre les défis à long terme ».
Et pour le président de cette 79e Assemblée générale des Nations unies, l’anglophone camerounais Philémon Yang, ancien Premier ministre de son pays, cet instrument « ne se contente pas de répondre aux crises actuelles mais pose les bases d’un nouvel ordre pacifique pour tous les pays ».
De plus, a-t-il affirmé, le Sommet de l’avenir est « un appel à l’action, et la dignité humaine doit être au centre d’un nouvel ordre fondé sur la justice et l’équité ».
Ah, le saint des Saints onusien !
Un nouvel ordre, c’est justement ce à quoi appellent de nombreuses nations, et notamment les pays africains, qui n’en peuvent plus de subir le diktat des cinq membres permanents du Conseil de sécurité ! Avec leur droit de veto, dont ils restent jaloux, la Chine, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Russie jouent bien les problèmes du monde à pile ou à face, au gré de leurs humeurs et de leurs seuls intérêts géostratégiques.
Longtemps réclamée, l’ouverture de ce cercle fermé aux pays africains est sur la table. Jusque-là réticents à cette idée, les États-Unis se disent désormais favorables à un élargissement qui confère deux places au continent en qualité de membres permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, mais sans droit de veto.
Si cette posture constitue une belle avancée dans un débat qui a cours depuis trois décennies maintenant, elle reste cependant en périphérie des réclamations du continent qui n’entendent pas jouer les seconds rôles au sein de cette instance décisionnelle.
À quoi sert-il finalement d’y siéger sans bénéficier des mêmes droits que les autres pays qui dominent le monde depuis la fin de la Seconde Guerre ? À cette ligne principielle forte et sensée, s’oppose celle, pleine d’interrogations, de ceux qui estiment qu’en tout état de cause, l’Afrique n’a pas les ressources nécessaire pour siéger dans le saint des Saints !
Un serpent de mer
L’Afrique, faut-il le rappeler, représente plus de 18 % de la population mondiale avec ses 1,5 milliard d’habitants, et sa population pourrait atteindre, selon les projections de l’ONU, 4,4 milliards d’habitants en 2100 ! Il est évident que les mutations sociopolitiques qui ont marqué le monde depuis la Seconde Guerre ainsi que les défis sécuritaires actuels font de l’Afrique une entité phare des décisions du Conseil de sécurité.
Alors, refuser à l’Afrique le droit de veto revient à lui dénier son poids démographique et stratégique.
Ce n’est donc que justice et tout le monde le reconnaît ! Il n’est pas possible, martèle d’ailleurs le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, que « l’Afrique ait une participation de seconde zone au Conseil de sécurité de l’ONU », qui compte 15 membres. Aux cinq permanents qui détiennent un droit de veto, il faut en effet ajouter dix élus qui représentent, pour deux années, les différentes régions géographiques. À cette échelle, trois sièges sont réservés à l’Afrique.
La réforme de l’ONU est donc indispensable. Mais si tout le monde s’accorde à le reconnaître, ce chantier reste toujours assez délicat. Un véritable serpent de mer, estiment certains, qui pointent aussi, en ce qui concerne l’Afrique, son faible poids économique et ses divisions internes pour désigner les deux places que l’on veut bien lui accorder autour de la table du Conseil de sécurité, mais sans aucun pouvoir de blocage.
L’Afrique doit donc commencer par taire ses querelles, se départir de tout croc-en-jambe sur le choix de ses représentants dans cette instance — il n’y a que deux places pour les 55 pays de l’Union africaine — et parler d’une seule voix ! La vérité, c’est que cette réforme, qui nécessite que la Charte de l’ONU, révisée dans ce sens, soit adoptée puis ratifiée par deux tiers des 193 États membres, dont les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, est loin d’être une réalité.
En attendant la suite de ce feuilleton, les chefs d’État de tous les pays défileront à la tribune des Nations unies pour décliner leurs visions de notre monde en pleine effervescence politico-sécuritaire et humanitaire. On aura à nouveau droit à des discours enflammés, des dénonciations et protestations qui resteront sans doute longtemps des énoncés sans réelles solutions.
Et c’est sûr, la guerre israélo-palestinienne — qui convoque aussi l’escapade punitive de l’État d’Israël contre le Hezbollah au Liban — ainsi que la guerre russo-ukrainienne tiendront la vedette de cette 79e Assemblée générale de l’ONU. Alors, l’Afrique et son élection au Conseil de sécurité avec droit de veto…
Un monde en difficulté
Ouverte le 10 septembre dernier à New York, le débat général de la session 2024 commence demain, 24 septembre, et s’achèvera le lundi 30 septembre.
À noter dans le programme de ce rendez-vous mondial, la réunion de haut niveau qui sera consacrée, le 26 septembre prochain, à la célébration et à la promotion de la Journée internationale pour l’élimination totale des armes nucléaires.
À l’évidence, cette session de l’Assemblée générale se tient à un moment où « nous sommes confrontés à un monde en difficulté », a indiqué le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. Et pour lui, « nous pouvons faire quelque chose pour y remédier » ! En tout état de cause, la réforme de la plus grande organisation du monde s’impose en toutes lettres comme un impératif de survie.
Par-delà les circonvolutions de circonstances, l’ONU doit, à brève échéance, s’émanciper de son moule fondateur, opposer, s’il le faut, un veto au… droit de veto tel qu’il fonctionne actuellement, ou périr !