Les propos du Premier ministre par intérim malien sur le Président nigerien Mohamed Bazoum, lors de son allocution, le 24 septembre 2022, à la tribune des Nations Unies a suscité des réactions d’indignations de plusieurs Nigériens. Abdoulaye Maïga a été traité de tous les noms d’oiseaux par des Nigériens qui jugent ses propos injurieux.
Par Daouda Kiekieta
Plusieurs fois critiquées par le Président nigérien Mohamed Bazoum sur la gestion de la Transition en cours au Mali, les autorités maliennes, par la voix du Premier ministre par intérim, Abdoulaye Maïga, ont remis en cause l’identité de Mohamed Bazoum, en le qualifiant d’“étranger qui se réclame du Niger”. C’était à la tribune de l’ONU en marge de la 77è Assemblée générale.
Des propos qui passent mal chez certains Nigériens qui ont réagi vigoureusement à ce qu’il qualifie “d’irresponsable”, “d’irrespectueux” de la part du Premier ministre malien.
Youssouf Mohamed Elmouctar est ministre délégué auprès du ministre d’Etat aux affaires étrangères du Niger. Pour lui, les propos de Abdoulaye Maïga résultent “d’une ivresse” de la junte malienne dans son ensemble. “Je pense que la nullité et la bassesse de ces propos le confondent, lui et le reste de la junte malienne en un organe dégénérescence avancée”, a-t-il dit, estimant que “beaucoup de Maliens sont tristes de cette sortie ratée de leurs supposés dirigeants qui ne méritent point”.
Ces propos sont “un précédent dangereux pour les générations futures”, avance de son côté Kalla Moutari, ancien ministre nigérien de la Défense nationale. Il indique que cela est “totalement irresponsable de la part d’un pays avec lequel nous avons des liens séculaires très forts depuis des décennies”. “C’est inadmissible que des individus du genre de Abdoulaye Maïga soient laissés intervenir dans les grandes rencontres pour éviter des précédents diplomatiques dangereux pour la paix et la stabilité de notre sous-région”, a-t-il renchérit.
Kané Kadaouré Habibou, opposant politique nigérien et président du parti Synergie des Démocrates pour la République (SDR-Sabuwa), lui, invite les autorités maliennes à s’abstenir de donner des leçons au monde entier. Il rappelle que la tribune l’ONU “n’est pas un vulgaire meuble sur lequel on se tient pour parler de personnes, c’est plutôt un insigne perchoir où sont discutées en grand format les questions majeures impliquant les Nations du monde”. Pour ce faire, “traiter un Président de la République d’un pays voisin “d’étranger” est une option d’attaque à consonance enfantine”, a-t-il soutenu.
Selon Dr Aghali Abdoulkader, Directeur de cabinet adjoint du Premier Ministre nigérien, ces propos sont une “mise en scène orchestrée pour se donner de la notoriété”. Il déclare que s’attaquer au Président Mohamed Bazoum est très osé pour passer inaperçu. “Le Barnum (Abdoulaye Maïga) malien a choisi ce moment où l’étoile internationale du Président Bazoum Mohamed est au summum de son rayonnement mondial, au pic de son déploiement. […] Il s’agit là d’une turpitude inadmissible”, a-t-il argué.
De son côté, l’écrivain Moumouni Farmo pense que les propos du Premier ministre répondent à la logique de la “Mécanique des insultes”. “ Des nombreuses réactions que j’ai observées, se dégage un principe : un homme qui se sent insulté ou qui considère que son pays est insulté, insulte à son tour”, résume M. Farmo.
Pour lui, si les propos du Premier ministre malien constituent une insulte, c’est qu’ils répondent à des propos considérés comme insultants pour son pays ou pour lui-même. “ De la même manière, aux propos du Premier ministre qui constituent une insulte à leurs yeux, les Nigériens répondent par l’insulte. Il y a là un équilibre des insultes”, indique-t-il, rappelant que “les insulteurs de tout bord doivent savoir – à leurs dépens – que l’insulte est un fluide”.
Les relations entre Bamako et Niamey ne vont pas bon train depuis l’arrivée des militaires au pouvoir en 2020. Mohamed n’a cessé d’adresser des propos “virulents” à l’égard du pouvoir de la Transition malienne.
Lors d’une conférence de presse commune avec Emmanuel Macron à l’Élysée, en juillet 2021, il a lancé des critiques contre les autorités maliennes. « Il ne faut pas permettre que des militaires prennent le pouvoir parce qu’ils ont des déboires sur le front où ils devraient être, et que des colonels deviennent des ministres et des chefs d’État. Qui va faire la guerre à leur place ? », a-t-il dénoncé. Cette déclaration avait suscité une vive protestation de Bamako.
