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Ouagadougou : Ces bénévoles qui aident les élèves à traverser la voie
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La voie bitumée qui relie Karpala à Bendogo, et traversant le quartier Taabtenga dans l’arrondissement 10 de Ouagadougou, a été bitumée en 2022. Destinée à fluidifier la circulation, elle a malheureusement généré une nouvelle difficulté : la traversée périlleuse des élèves pour rejoindre leurs écoles situées de l’autre côté. Pour les aider, des bénévoles leur proposent leurs services.

 

Le bitumage de la voie reliant le quartier Karpala à Bendogo, longue d’une dizaine de kilomètres, est une aubaine pour les riverains. Cependant, traverser la voie relève d’un parcours du combattant surtout pour les élèves des écoles primaires et secondaires.

Et cela, Jean Ouena l’a remarqué. Chaque matin depuis maintenant 4 ans, muni de courage et de patriotisme, il se donne pour mission de faciliter le passage des élèves. En effet, la voie sépare le lotissement et la zone non-lotie. Des centaines d’élèves issus des habitats spontanés traversent sans assistance parentale à leurs risques et périls.

Dès 6h30, Jean Ouena est à son poste de bénévole de la sécurité routière. Sifflet à la bouche, panneau de stop dans la main gauche et un signalisateur dans celle de droite, il aide les élèves et, par ricochet, les autres usagers à traverser sans inconvénients. Cette mission, il se l’est assignée volontairement à l’issue d’un constat.

« Je suis à côté d’une école publique. Cette école, appelée Manegda, est composée de 4 écoles jumelées (A,B,C,D). Des centaines d’élèves quittent les zones non-loties essayent de traverser la route pour rejoindre leurs salles de classes. Ils ont de la peine à le faire. La route est longue de plusieurs kilomètres et il n’y a juste que quelques feux tricolores. On n’a pas tenu compte des intersections », explique-t-il.

« Je me suis donné volontairement pour aider ces petits écoliers à traverser la voie, aller à l’école et rentrer chez eux sans problème », dit-il fièrement. Comme tout début, Jean Ouena a été confronté à des diffultés. « Les débuts n’ont pas été faciles. Quand je demande aux usagers de s’arrêter, ils ne le font pas », se remémore-t-il.

Jean Ouena, fondateur de l’Association des bénévoles pour la sécurité routière.
Jean Ouena, président de l’Association des bénévoles pour la sécurité routière.

« Seul, on va vite. Ensemble, on va plus loin ». Faisant sien cet adage, Jean Ouena approche quelques structures. L’Office national de sécurité routière (ONASER) et la Société de distribution de boissons (SODIBO) lui offrent des gilets, des chaussures de protection, des panneaux de stop, des signalisateurs.

Muni de ces nouveaux outils de travail, il approche quelques amis qui acceptent de se joindre à sa cause et, ensemble, il crée l’Association des bénévoles pour la sécurité routière.

Des bénévoles pour le bonheur des élèves

Les différents membres de l’Association se répartissent dans les intersections clés de la route aux heures de pointe qui se situent entre 6h et 7h et 17h et 17h30. Ousmane Kiema est électro-mécanicien et membre de l’Association des bénévoles pour la sécurité routière. En 2021, il a été témoin d’un grave accident. Un usager de la route a percuté deux enfants et a pris la fuite. « Le plus petit avait 4 ans et le plus grand, 8. Ce dernier a eu une fracture au pied droit et le plus jeune s’en est tiré indemne », se rappelle-t-il. Soucieux de la sécurité de ces petits enfants, il décide de se joindre à la cause, sifflet en bouche. Il en tire une grande satisfaction. «On ne cogne plus nos enfants. Ils peuvent aller à l’école en toute sécurité », dit-il.

Ousmane Kiema, membre de l’Association des bénévoles pour la sécurité routière
Ousmane Kiema, membre de l’Association des bénévoles pour la sécurité routière

Saïdou Soré est mécanicien dans la vie active. Le choc fréquent des accidents l’ont motivé à rejoindre l’Association. « Ceux qui ont bien compris nous respectent beaucoup. Il y a certains aussi qui ne nous respectent pas. Mais, ils ne sont pas nombreux et nous n’en faisons pas un problème », relève-t-il. « Même si on ne nous donne pas de l’argent, on sort riche de bénédictions », se réjouit-il.

Saïdou Soré membre de l’Association des bénévoles pour la sécurité routière
Saïdou Soré, membre de l’Association des bénévoles pour la sécurité routière

Cette détermination, Mme Marcelle Bama/Kantiono l’a également adoptée. Elle est la seule femme de l’Association. Les journées de dame Bama sont très chargées. Aide- nettoyante, elle doit nettoyer une cave de la place aux environs de 4h du matin. C’est après cette tâche qu’elle rejoint la voie, siffet en bouche. Après, elle vaque à ses autres occupations journalières. Malgré tout, elle est déterminée à aider les enfants dans leur quête du savoir. « Le passage était très difficile pour les enfants. Tout le temps, on assistait à des accidents sur cette intersection. Mais, maintenant ça va », se rejouit-elle.

Mme Marcelle Bama/Kantiono
Mme Marcelle Bama/Kantiono, membre de l’Association des bénévoles pour la sécurité routière

Aucune aide financière

Ce don de soi, les membres de l’Association des bénévoles pour la sécurité routière le consentent volontairement sans contrepartie financière. Bien au contraire ! Leurs activités en pâtissent même. Jean Ouena, président de l’Association, est propiétaire d’un salon de coiffure pour hommes. « A cette heure, mes amis sont dans leur atelier en train de travailler et je suis là. Je vais aller à la maison après pour me préparer et c’est à 9h passées que je vais aller ouvrir mon salon. Combien de clients m’auront attendu en vain pendant ce temps ? L’après-midi, je suis de retour sur la route avant 17h. Pourtant, c’est dans la soirée que les gens se coiffent. Ça creuse un trou dans ma vie », explique-t-il.

Malgré ces difficultés d’ordre financier, les bénévoles ne sont pas prêts à demander de l’aide aux usagers. « Quelqu’un peut décider de nous tendre quelque chose. Mais avec les embouteillages, c’est difficile de le récupérer et il s’en va dès que le feu passe au vert. Des gens nous encouragent souvent avec des pièces et des billets de banque. Mais, nous ne sommes pas prêts à demander quoi que ce soit », confie Jean Ouena.

Tous ces sacrifices sont le signe du patriotisme de l’équipe. Elle tente, en effet, de pallier le nombre insuffisant de forces de défense et de sécurité déployées au front. «C’est notre contribution pour la reconstruction de la Patrie. Ceux qui doivent faire cela, ce sont les policiers mais ils sont au front pour notre sécurité. C’est ce que nous pouvons faire et nous prions pour que les policiers reviennent sains et saufs pour prendre leur travail », dit-il avec espoir.

Une reconnaissance populaire

Mme Lankouandé, parent d’élève, reconnaît l’utilité des bénévoles de la sécurité routière. Avec sa mobylette, elle amène ses deux garçons à l’école : « Quand les bénévoles ne sont pas là, c’est très difficile de traverser. Quand ils sont là, on passe sans souci. Leur initiative est à féliciter et à encourager ».

Des élèves qui traversent sans difficultés la route
Des élèves qui traversent sans difficultés la route

Ange Bassolé est élève en classe de Terminale F3. Il se souvient de deux accidents graves intervenus à cette intersection en l’absence des bénévoles. Il reconnaît l’importance de l’équipe. « Quand ils sont là, je passe plus facilement », dit-il.

Abdoul Rasmané Sawadogo, commerçant installé en bordure de la voie, renchérit : « On a été témoin de plusieurs accidents parce que c’est une grande voie. J’ai vu des accidents qui ont engendré des morts, surtout les nuits. Mais avec la régulation de la circulation les matins et les soirs, les accidents sont moindres et les enfants sont protégés ».

Abdoul Rasmané Sawadogo, commerçant
Abdoul Rasmané Sawadogo, commerçant

Hermann Ilboudo, habitant du quartier, conclut : « C’est un bon travail qu’ils font. Ils nous aident beaucoup. Sinon les gens sont très compliqués ». En attendant un soutien des autorités communales, Jean Ouena et son équipe sont toujours à pied d’oeuvre dans les intersections. Ils sont les ange-gardiens de la traversée des enfants.

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