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Ouagadougou : quand la régulation de la circulation par des jeunes devient de la mendicité

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Au Burkina Faso, plus précisément à Ouagadougou, la capitale, des jeunes volontaires ou des associations aident les forces de sécurité à rendre la circulation plus fluide. Cependant, on entend le plus souvent au feu, « je demande 25 francs pour boire de l’eau où je demande votre contribution». La régulation de la circulation par des jeunes volontaires n’est-elle pas en train de devenir une autre forme de mendicité ?

Par Rama Diallo

La présence des jeunes volontaires habillés dans des uniformes se fait de plus en plus remarquer au niveau des feux tricolores à Ouagadougou. Ils sont généralement en groupe de trois, quatre, cinq ou six. Le garçon du groupe tient le sifflet et les filles tiennent des pancartes pour demander de l’argent.

Sous un soleil ardent, nous arrivons à un feu du quartier kalgondin. Le feu est au rouge, les  usagers s’arrêtent. Des jeunes filles se faufilent entre les engins.  Awa, nom d’emprunt, habillée en ensemble bleu, s’approche de nous avec un sourire : « Tantie je demande 25 francs pour boire de l’eau ». Nous entamons une discussion. Elle nous confie que son travail c’est de brandir la pancarte aux usagers en demandant une pièce d’argent.

régulation de la circulation
Une fille brandissant une pancarte pour demander de l’argent

Par jour, elle est payée à 2000 FCFA et en contrepartie, Awa doit faire rentrer la somme de 6000 francs dans la caisse.  Le jour où elle n’atteint pas le quota demandé par son patron, elle est payée à 1500 francs ou même à 1000 francs en fonction du gain.

Issue d’une famille nombreuse et orpheline de père  et avec une mère paralysée après un AVC (Accident vasculaire cérébral), Awa a dû abandonner ses études en classe de CM2, pour chercher du travail, afin d’aider sa mère. « Je travaille ici parce que je sais que je vais rentrer à la maison, au moins avec un peu d’argent. Actuellement pour avoir du travail à Ouagadougou c’est compliqué », justifie la jeune dame.

Après kalgondin, nous démarrons pour la ZAD, la Zone d’activité diverses. Là encore, au moins dix (10) jeunes sont sous le soleil, les garçons régulent la circulation et les filles tiennent les pancartes. Nous apercevons une fille qui est allée acheter de l’eau. Nous nous approchons d’elle, mais elle a l’air inquiète. « Vous voyez le monsieur qui est assis, c’est notre chef, si je ne me dépêche pas il va me gronder », indique Aïcha, un nom d’emprunt.

Nous n’avons pas eu le temps de finir, deux véhicules ont eu une collision. Le chef se lève pour aller voir ce qui se passe. « Je dois partir mon chef arrive », lâche notre interlocutrice.

Le visage pâle, les yeux tout blancs et une plaie sur les lèvres, Félicité peine à parler. Elle sort d’un paludisme. Elle a passé deux semaines à la maison sans travailler, pourtant il lui faut de l’argent pour payer sa scolarité car elle a échoué à son examen du BEPC session 2022.

Contrairement à Awa, un quota n’a pas été imposé à Félicité mais elle est payée en fonction du gain journalier. Le jour où elle gagne plus d’argent, elle peut repartir à la maison avec 2000 francs. Il y a des jours où elle ne gagne que 750 francs ou 1000 francs.

« Certaines personnes nous insultent quand on leur demande de l’argent. Parfois nous sommes traités de garibou (mendiant) et ce n’est pas facile. Il n’y a pas longtemps une femme m’a traité d’enfant de sorcière en langue mooré. Ce travail ne me plait pas mais je n’ai pas trouvé mieux », signifie Félicité.

Les collègues de félicité ont des bonnets sur la tête par contre elle n’en a pas. L’élève explique que la tenue est offerte par le patron mais que pour avoir un bonnet il faut payer 1250 francs.

De la ZAD, nous prenons la direction de la zone du marché Katr Yaar, au boulevard des Tansoba. La circulation est un peu danse, Hyacinthe (nom d’emprunt), le sifflet à la bouche, régule la circulation et les filles accostent les usagers.

régulation de la circulation
Une bénévole régulant la circulation qui demande de l’argent à des usagers de la route

Son travail consiste à s’occuper de la circulation. Il monte à 6H et descend à 18H. Le jeune homme est payé en fonction du gain des filles. « A la descente toutes les filles rassemblent leur argent et elles remettent au patron qui enlève sa part et nous partage le reste. Après le partage s’il y a reste le patron prend », révèle le volontaire.

De nombreux usagers de la route ont décrié cette manière de faire de certains volontaires qui régulent la circulation. Ils trouvent même que c’est une forme de mendicité organisée qui ne dit pas son nom.

«Personnellement, ça m’agace parce que chaque matin je m’arrête à trois feux où ils sont présents avant d’arriver au bureau. Au retour c’est même chose avant d’arriver à la maison », écrit un internaute. « Ils sont pires que les mendiants. A chaque feu tu es obligé de parler», ajoute un autre.

Lire aussi: Circulation : le dur quotidien des bénévoles de sécurité routière

www.libreinfo.net

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