Tout a commencé avec la vente de frites, de beignets, de gâteaux et de poissons au domicile familial dans le quartier Kiendpaologo de Ouagadougou déguerpi au profit du Projet ZACA (Zones d’activités commerciales et administratives) , il y a trente-cinq ans. Mais, après un incendie à domicile dans laquelle sa fille jumelle est victime de graves brûlures, Alizèta Mariam Kiendrebéogo abandonne les poêles et autres fourneaux et se tourne vers la vente du poisson frais d’eau douce. Elle découvre un bar dancing mythique de la place comme lieu de vente et s’y établit depuis trente ans. Portrait de “Maman poisson”, “Maman matos” ou encore “Maman caisse”.
Devanture du Boulgou Bar, un vieux et mythique bar dancing situé au cœur de Ouagadougou dans le quartier Koulouba. Au bout du parking, à l’extrême gauche, sur la terrasse, une femme à forte corpulence est assise sous une petite tente. Devant elle, une glacière remplie de poissons frais d’eau douce. Aujourd’hui, elle propose du poisson cheval de 10, 65 kg et quelques gros macarons.
Veuve depuis 2021, Alizèta Mariam Kiendrebéogo, 66 ans, mène son activité de vente de poissons frais d’eau douce depuis trente ans dans ce lieu emblématique. L’histoire remonte à 1995 se souvient celle qu’on a surnommée « Maman matos ». « Je vendais le poisson frit à domicile. Mais, un incendie est survenu chez nous dans lequel ma fille jumelle a été gravement brûlée. J’ai donc abandonné pour la soigner », se rappelle la native de Saaba.
Adieu les poêles et les fourneaux !
Après les soins, elle reprend son activité mais avec, cette fois, du poisson frais d’eau douce en provenance des barrages de Loumbila, Nagbangré, Kompienga, Bagré, Sourou, Samandéni … « J’ai constaté que la vente du poisson frais est plus rentable que le poisson frit », dit-elle. La vendeuse achète à crédit par kilogramme au prix de 4 000 à 4 500 F CFA dans des poissonneries situées dans différents quartiers de Ouagadougou.

Au lever du jour, « Maman caisse », un autre surnom, démarre sa moto, une glacière attachée à l’arrière. La sexagénaire livre le reste du poisson à ses clients à domicile et dans des restaurants. Elle poursuit ses courses en se rendant chez ses livreurs selon les commandes, les besoins et la disponibilité du poisson. C’est dans l’après-midi qu’elle s’établit au Boulgou Bar pour ne rentrer que vers 21h. « Ici, mes clients de diverses catégories préfèrent le les gros poissons d’eau douce », explique Alizèta Mariam Kiendrebéogo en écaillant un macaron. « Le premier jour de ma venue ici, il y avait un sourd-muet qui m’empêchait l’accès à l’intérieur du bar. Ce jour-là, beaucoup de clients en ont acheté tout de même. Ma sédentarisation est partie de là », précise celle que l’on appelle aussi « Maman poisson ».
Une activité qui nourrit … sa femme
La sexagénaire dit se tirer d’affaire avec son commerce. Les commandes varient entre 20 000 et 150 000 F CFA, selon le client et les périodes favorables. « Le plus petit poisson vendu coûtait 2 000 F CFA tandis que le plus gros poisson a été vendu à 100 000 F CFA », se souvient-elle. Alizèta Mariam Kiendrebéogo vend différentes qualités de poisson : capitaine, concorde, macaron, dorade, cheval, sardine, carpe, silure …

Mère de six enfants, dont deux fois des jumeaux, elle dit s’occuper de sa famille avec les bénéfices de son commerce. Elle dit manquer assez de moyens pour en faire une vraie entreprise. Pour cela, elle a initié son benjamin dans le métier en créant un petit dépôt de poissons qu’elle rêve d’agrandir.
Idrissa Kontomgdé est un proche et client de Mariam poisson que nous avons rencontré à l’intérieur du bar. « Ce n’est pas facile. C’est avec cette activité qu’elle se débrouille pour nourrir sa famille », dit-il. « Elle se débrouille toujours pour avoir des poissons de bonne qualité », souligne Idrissa Kontomgdé. « C’est un exemple pour toutes les femmes qui n’ont pas de métier et qui pensent que tout doit se passer dans un bureau », souligne-t-il.
Alizèta Mariam Kiendrebéogo est fière de son activité et n’entend pas prendre de retraite.