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[Portrait] : Sata Tamini, pionnière de l’entrepreneuriat féminin au Burkina

Sata Tamini, pionnière de l'entrepreneuriat féminin au Burkina

De simple tisseuse de laine puis vendeuse de glaces en sachet, Sata Tamini est aujourd’hui couturière et leader du marché de bogolan au Burkina avec sa boutique Tiko Tamou. Avec l’invasion du marché national par des pagnes chinois, elle se lance dans l’exportation du bissap et du Koko Dounda. Avec le Covid 19, la première femme burkinabè à remporter le 3e Prix UNESCO de l’artisanat pour l’Afrique en 1997 révèle son talent de tradi-praticienne. Mais, la crise sécuritaire impacte négativement toutes ses activités. Aujourd’hui, elle s’investit dans l’élevage des poulets. Portrait d’une pionnière de l’entrepreneuriat féminin au Burkina.

 

C’est l’une des femmes battantes et expérimentées dans le domaine de l’entrepreneuriat féminin au Burkina. Malgré son âge (68 ans) et l’impact de l’insécurité sur ses activités, Sata Tamini reste persévérante, rêveuse et n’entend pas abandonner. Son dynamisme, son ardeur au travail, son engagement et sa réussite font partie des souffrances endurées depuis l’enfance et dont les mauvais souvenirs continuent de la hanter.

Orpheline à l’âge de 6 ans, elle devait se battre pour la survie. Elle apprend le tricotage de la laine puis la couture dans son adolescence. En 1977, elle rejoint son mari à Ouagadougou, un étudiant à l’époque. Alors que le couple vit en location avec des enfants, la misère la projette dans le combat pour la survie. Son bailleur de l’époque, un frigoriste, trouvant en elle une femme battante, lui offre un réfrigérateur. C’est alors qu’une aventure nouvelle s’engage. « Mon souvenir n’est pas bon. C’était la souffrance », dit la native de Bondokuy, commune de la province du Mouhoun qui ajoute qu’« à partir de la souffrance, j’ai connu beaucoup de choses ».

De la vente de la glace, elle s’essaie à la teinture avec le bogolan fait à base de bazin à partir de 1986. « J’ai essayé et ça marche », se rappelle-t-elle. Elle ouvre alors une boutique, « Tiko Tamou » . C’est le début de son entreprise, dit-elle. Devenue artisane, elle participe aux éditions du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO). Elle engage une cinquantaine d’employés et se lance désormais dans l’exportation. Elle effectue des voyages lors des festivals et foires internationaux à travers le monde. France, Allemagne, Italie, Norvège, Sénégal, sont des pays qu’énumère la sexagénaire en feuilletant des archives rangées dans des classeurs. Mais, ces prestations à l’extérieur vont chuter avec l’invasion du marché international par des pagnes chinois imitant à la perfection le bogolan. Outre le bogolan, elle associe des objets de décoration, des djembés …

Pionnière du commerce du bissap

Il faut anticiper. Sata Tamini associe donc le commerce du bissap à celui du bogolan qu’elle mène en période de récolte. Une entreprise florissante. Elle tourne dans toutes les contrées du pays pour en acheter. « Je partais jusqu’à la frontière du Mali, du Niger, du Ghana et partout dans le pays pour faire la collecte du bissap », indique-t-elle. Par la suite, l’une des premières exportatrices du bissap au Burkina crée son champ de bissap d’environ 100 hectares dans la commune de Bobo pour produire et exploiter cette matière première. Elle en crée un autre aussi à Zorgho. Des femmes sont engagées pour la récolte, le séchage et le décorticage. Le bissap est conditionné dans de gros sacs puis stockés dans des magasins à Ouaga. Par an, elle peut exporter 400 tonnes avec un chiffre d’affaires entre 400 et 500 millions de francs CFA. Elle exporte ses produits en Allemagne, en Suisse, en Belgique, en France, au Sénégal, en Espagne …

Sata Tamini, pionnière de l'entrepreneuriat féminin au Burkina
Sata Tamini dans sa boutique de vente de pagnes Koko Dounda

Mais, cette activité commerciale chute avec l’insécurité. Des personnes déplacées internes productrices de bissap ont été obligées d’abandonner leur terroir et les clients occidentaux sont devenus rares. « Avec l’insécurité tout est compliqué parce que tout est cher. Aujourd’hui, tout est parti. Je ne peux plus accéder au champ. Je n’arrive plus à exporter une grande quantité. Je ne peux exporter qu’entre 40 et 50 tonnes souvent 100 tonnes, au maximum par an », déplore Tantie bissap.

Sata Tamini, tradi-praticienne et éleveur de poulets

Depuis son enfance, c’est Sata Tamini que son grand-père, un guérisseur, envoyait récolter les plantes médicinales pour les soins traditionnels. C’est ainsi qu’elle parvient à maitriser la nature qu’elle exploite à son tour et se lance dans la pharmacopée traditionnelle. Détentrice d’un agrément, Sata Tamini est une tradipraticienne reconnue à l’échelle nationale. Au milieu de sa cour, elle cultive des plantes médicinales qu’elle exporte également. « C’est cette plante qui soigne le diabète, la goutte, l’hépatite B », fait-elle savoir en indiquant une plante dans un pot. Avec l’apparition de la maladie à coronavirus (Covid 19), la naturothérapeute fait une trouvaille. Il s’agit d’un remède curatif fait à base d’une mixture de plusieurs plantes médicinales.

Sata Tamini, pionnière de l'entrepreneuriat féminin au Burkina
Sata Tamini en train de donner des graines à ses poulets

La mauvaise expérience vécue avec le bogolan plombé par l’invasion du pagne chinois et celle du bissap avec l’insécurité rappelle toujours à Dame Tamini la nécessité d’avoir un esprit d’anticipation et d’adaptation. « Il faut toujours anticiper suivant l’évolution mondiale des évènements afin de s’adapter », indique l’opératrice économique C’est pour cela qu’elle s’investit actuellement dans l’élevage. Elle élève des poulets. « C’est le secteur porteur », martèle la veuve.

Sata Tamini est lauréate de plusieurs prix internationaux dans l’artisanat. Elle a aussi reçu des distinctions honorifiques. Celle qui semble vivre dans l’ombre des plumes rêve cependant. « Je veux ouvrir un centre de formation pour transmettre mes connaissances aux jeunes filles-mères dans les métiers que j’ai pu exercer », souhaite cette mère de cinq enfants.

Par Natabzanga Jules Nikiema

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