À l’audience du 30 novembre 2023, dans le cadre du procès dit charbon fin, l’avocat de l’État, Me André Ouédraogo a demandé à la société minière IAMGOLD Essakane SA d’apporter la preuve matérielle qui atteste que le ministre des Mines en 2015, a donné son accord pour l’exportation de charbon fin. Et à la défense à travers Me Pierre Yanogo, d’indiquer que «si l’État n’avait pas donné les autorisations, Essakane SA n’aurait pas pu sortir avec le charbon fin.»
Par Nicolas Bazié
Me André Ouédraogo, avocat de l’État, a demandé deux pièces. Il s’agit, d’une part, de la preuve qui montre que le ministre des Mines en 2015, a autorisé la société minière IAMGOLD Essakane SA à exporter du charbon fin.
D’autre part, l’avocat demande la preuve matérielle qui atteste que ce ministre a donné son quitus au directeur général des Mines et de la géologie d’alors de signer une autorisation spéciale d’exportation de charbon fin.
Ce que l’on a pu retenir à l’audience du 30 novembre 2023, c’est que les avocats de Essakane SA ont présenté une lettre qui aurait été adressée au ministre des Mines, pour demander une autorisation d’exportation de charbon fin.
Ce que l’expert douanier a confirmé à la barre, présentant même la réponse du ministre qui, en substance, demande à la société minière d’indiquer la date à laquelle elle entend exporter le charbon fin pour que ses techniciens puissent avoir au préalable, une idée des poids et des teneurs des résidus miniers contenus dans les cargaisons.
Cependant, pour Me André Ouédraogo, le ministre a tout simplement demandé à ce que ses techniciens puissent avoir une idée des poids, mais la preuve qu’il a autorisé l’exportation n’existe pas.
« Si on parvient à obtenir une autorisation, ce n’est pas pour autant qu’elle devient légale parce que quelqu’un l’a pris. La légalité est issue des textes, pas de la décision d’une autorité administrative qui n’est pas allée dans le cadre de la loi. Nous n’avons pas de documents qui puissent donner une base légale à ces exportations. C’est pourquoi nous demandons à la mine de nous les offrir si elle les a», a martelé l’avocat de l’État.
Qu’en est-il de l’État burkinabè ?
Les avocats de la société minière IAMGOLD Essakane SA disent ne pas comprendre l’attitude de l’État burkinabè dans cette affaire. À commencer par Me Pierre Yanogo.
« Je ne peux pas comprendre que le même gouvernement qui a donné des autorisations à des personnes pour poser des actes vient nous demander de prouver qu’il a régulièrement délivré l’autorisation. Est-ce que c’est à Essakane SA de venir justifier la régularité dans laquelle l’administration donne des autorisations aux gens ? Toute autre personne pouvait à la limite contester mais pas l’administration.»
Me Yanogo poursuit en ces termes : « C’est l’avocat de l’État même qui nous demande d’apporter la preuve que le directeur général des Mines avait le pouvoir de nous délivrer une autorisation spéciale d’exportation de charbon fin. Ça, c’est à ne rien comprendre! Vraiment ! ».
«L’État est la cheville ouvrière de cette opération», a déclaré Me Pierre Yanogo, indiquant que «si l’État n’avait pas donné les autorisations, Essakane SA n’aurait pas pu sortir avec le charbon fin.»
À écouter l’avocat de la société minière, l’État burkinabè aurait siégé au conseil d’administration de Essakane SA et aurait autorisé l’opération; l’État aurait envoyé ses techniciens vérifier les poids, les teneurs, les taux d’humidité du charbon fin.
« Maintenant que l’exportation est faite, on vient poursuivre Essakane SA et on laisse l’État. Vous me donnez des autorisations, moi je pose des actes et vous venez me poursuivre tout en laissant celui qui m’a autorisé à le faire», déplore l’avocat Yanogo.
Me Pierre Yanogo estime que « si la poursuite était sincère, sérieuse, légale, la première personne qu’il fallait poursuivre était l’État avant de chercher à savoir si Essakane SA a commis une faute. De surcroît, de toutes les expéditions du charbon fin, l’État burkinabè a perçu des centaines de millions à titre de redevances. Et c’est Essakane que l’on poursuit. Pensez-vous que cela est normal ?». L’audience reprend le lundi 4 décembre prochain, toujours à la chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance Ouaga I.