Le principal cerveau présumé du coup d’Etat manqué du 16 septembre 2015 au Burkina, a comparu ce 26 novembre 2018 sous les charges d’« attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures, incitation à commettre des actes contraires au règlement et à la discipline et trahison ». Il réfute les faits en affirmant qu’il n’a ni commandité, ni planifié et ni organisé le coup d’Etat.
« Le 14 juillet 2015, Mgr Paul Ouédraogo est allé remettre au président Michel Kafando, le rapport de réconciliation nationale qui comportait la dissolution du Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP), avec une application immédiate. C’est ainsi que le 16 Septembre 2015, ledit rapport du cadre de réconciliation nationale a été introduit par le premier ministre au conseil des ministres et a été adopté. C’est la raison pour laquelle ce qui arriva le 16 septembre 2015, arriva ». Voilà la conclusion de la narration du récit du Général Gilbert Diendéré au premier jour de son audition.
1Oh 05mn, La salle des banquets de Ouaga 2000 est envahie par une marée humaine. Nous sommes au procès du putsch manqué du 16 septembre 2015. Un jour pas comme les autres, puisque c’est le Général Diendéré qui est appelé à la barre. Accusé d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures, incitation à commettre des actes contraires au règlement et à la discipline et trahison, le Général a expliqué qu’il n’a ni organisé, ni planifié et commandité le coup d’Etat. Il soutient que ce sont des éléments du RSP qui l’ont perpétré et vu la vacance du pouvoir liée à l’arrestation du président de la transition, il s’est trouvé dans l’obligation de porter cette responsabilité.
Dans la suite de son récit, le Général n’a pas manqué de retracer les grands axes et les problèmes qui ont émaillé le RSP avec pour corollaire, le putsch mort-né.
Tout est parti selon M. Diendéré du 31 octobre 2014. « J’étais à une rencontre pour préparer le départ de Blaise Compaoré pour empêcher que, ce qui est arrivé à Kadafi ne lui arrive. Pendant ce temps, des manifestants étaient, les uns à côté de la télévision BF1 et les autres au niveau de la place de la nation.
Mon général, ça y est, je suis devenu président
Le lieutenant-colonel Zida devait aller porter l’information de la démission du président Blaise Compaoré au peuple rassemblé sur la place de la nation. S’étant rendu compte à l’arrivée que le peuple ne voulait pas du général Honoré Nabéré, de Djibril Bassolé, du général Lougué, il s’est autoproclamé sauveur. Il s’est par la suite retrouvé au camp Guillaume avec quelques responsables des organisations de la société civile, où il leur a distribué une somme d’argent (cinquante millions de FCFA) destinée à une mission d’une dizaine de jours à Bobo. Après cela, Zida est venu dans mon bureau et il m’a dit « les chefs d’Etat-major sont unanimes que je prenne le pouvoir ». Le 1 novembre 2014, une rencontre a été organisée au chef d’Etat-major pour acter cette décision. Il n’était plus possible de contester M. Zida. Après cette rencontre, Zida m’a appelé et m’a dit ceci « mon général, ça y est, je suis devenu président ».
Une fois président, Zida m’a intimé l’ordre de dire au colonel-major Kiéré de quitter le RSP et de remettre le commandement à Poda, alors qu’il y avait le plus ancien que lui, tel Dao. Les éléments de Zida sont allés braquer les armes sur Dao en lui signifiant de ne plus mettre pied au camp Naaba Koom II. Le Général dit être sorti du camp le 2 novembre 2014 et est allé voir le chef de file de l’opposition politique Zéphirin Diabré et l’ambassadeur de France, où « je leur ai signifié qu’il fallait remettre le pouvoir aux civils ».
Après, j’ai essayé de contacter Zida et il m’a dit qu’il avait beaucoup d’audience. Il m’a dit qu’il viendra me voir après ces audiences. Il est effectivement venu à mon domicile me voir. Il m’a dit « mon Général, je ne souhaite plus que vous veniez à mon bureau(CES) ». C’est ainsi, ont commencé les frustrations, les humiliations au sein du RSP et le corps armé en général. Au même moment, j’ai été démis de mes fonctions du chef d’Etat-major particulier de la présidence, suivi d’une vague d’affectation des officiers du RSP.
Le 13 décembre 2014, Zida est allé à une manifestation à la place de la nation et a fait des annonces, selon lesquelles le RSP sera dissout. Ce fait, s’ajoutant aux affectations des officiers, les éléments se sont dit que c’est le démantèlement du RSP qui a commencé.
Le 30 décembre, des éléments sont venus me chercher, en me disant qu’ils souhaiteraient me voir. Arrivé au camp, les hommes m’ont dit qu’en réalité, c’est le Premier Ministre Zida qu’ils voulaient voir. C’était un mercredi et le premier ministre était en conseil des ministres. Nous avons appelé son aide de camp et le premier ministre est venu. Un représentant des soldats lui a présenté leur plateforme revendicative dont la réorganisation du commandement au sein du RSP ; la conservation de la tenue spéciale du RSP que Zida avait interdit. Tous ces points parce qu’au RSP, il n’ y avait plus de commandement et chacun faisait ce qu’il voulait. Au niveau de la réorganisation du RSP, les éléments ont suggéré que je revienne à mon poste.
J’ai refusé en leur disant que j’ai fait vingt et un ans dans ce poste au temps de Blaise Compaoré. Il fallait que je laisse d’autre personnes s’essayer. J’ai donc proposé le colonel-major Boureima Kiéré à ce poste et le premier ministre a accepté.
J’ai été affecté sans être informé. C’est mon épouse qui l’a apprise de mon garde du corps et m’a informé. Le chef d’Etat-major général des armées d’alors, le général Zagré n’était même pas à mesure de m’informer. J’ai eu une entrevue avec le président Kafando qui m’a confié que le premier ministre prenait des décisions sans lui en parler.
Le Général, Serein, poursuit. La présidence avait trois comptes bancaires qui contenaient de l’argent après le départ de Blaise Compaore. Zida est arrivé et à vider ces trois comptes de plus d’un milliard, et a créé un compte au nom du comité militaire de la transition. J’en ai parlé au président qui m’a dit qu’il n’était pas au courant et qu’il allait se renseigner.
En plus de cela, on devait payer un hélicoptère qui coûte huit milliards de nos francs et Zida a dit au président que l’avion coûtait quatorze milliards FCFA.
Un autre problème, c’est la loi Shérif qui excluait un certain nombre de candidats du régime de Blaise Compaoré aux élections, pour avoir participé à la tentative de modification de l’article 37 ayant abouti à l’insurrection. C’était-là, le rappel du contexte général qui prévalait au RSP avant le putsch, décrit par le Général Gilbert Diendéré.
Son audition reprend demain à 9h, au tribunal militaire de Ouagadougou.
Siébou Kansié
Oussé Kounpko
Libreinfo.net