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Burkina : procès «guérisseuse de Komsilga», 36 mois avec sursis pour Adja

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Le procès «guérisseuse de Komsilga» a repris ce 6 septembre 2023 au Tribunal de grande instance Ouaga II (Burkina). Larissa Nikiema dite Amsétou Adja et ses 8 co-prévenus ont tous été appelés à la barre pour répondre des faits de «séquestration, coups et blessures volontaires avec préméditation, atteinte à la vie d’autrui ».

Par Nicolas Bazié

Les 8 prévenus qui ont défilé à la barre sont unanimes sur un point : «Adja la guérisseuse n’a pas donné l’ordre de bastonner Amidou Kanazoé, elle n’était au courant de rien».

Relaxe et timide, Adja, 21 ans a plaidé non coupable lorsque le juge lui a notifié les faits qui lui sont reprochés.

En fait, précise le juge, elle est premièrement poursuivie pour incitation à séquestration du sieur Amidou Kanazoe.

La guérisseuse aurait ordonné à ce que la victime soit détenue, ligotée et bastonnée publiquement sans motif valable.

Cependant, devant les membres du tribunal, les 8 co-prévenus disent ne pas recevoir un ordre de leur patronne pour frapper Amidou Kanazoé.

À commencer par Adama Barry. À la barre, il déclare ceci :«Amidou Kanazoé (la victime) est venu à notre lieu de travail et est allé vers un marigot sans autorisation. Dès que nous l’avons repéré, nous l’avons conduit chez notre cheffe (Adja de Komsilga ndlr) qui nous a dit de l’amener sur le site de guérison à Rakissé sous prétexte qu’elle est occupée. Mais, sur le chemin, nous nous sommes dirigés dans la brousse avec Amidou sans informer notre cheffe. Nous avons voulu savoir ce qu’il était venu faire au bord du marigot. Il a refusé de dire ce qu’il était venu faire. C’est ainsi que nous avons décidé de le bastonner pour qu’il dise la vérité».

Il sera rapidement repris par le procureur qui lui assène des questions. « Vous ferez mieux de dire la vérité. Parce que la peine est individuelle. Avez-vous le droit de garder Amidou Kanazoé à vue ? En vertu de quoi ? Dites-nous ! » a lancé le procureur.

« Sur ce point je demande pardon», répond Adama Barry, l’un des prévenus. «Il n’y a pas de pardon. Le pardon n’a pas d’effet sur l’action pénale. Votre seule issue c’est de dire la vérité. On parlera du pardon après», a répliqué le procureur qui dit avoir l’impression que le prévenu veut couvrir Adja de Komsilga.

Malgré tout, Adama Barry maintient sa déclaration. « Lorsque Adja de Komsilga a appris que nous avons bastonné Amidou Kanazoé, elle nous a convoqués sur le site pour exprimer son mécontentement. Elle nous a grondés. Mais, nous avions cru bien faire en frappant Monsieur Kanazoé pour qu’il dise ce qu’il était venu faire au bord du marigot» témoigne-t-il.

Il est même soutenu par les autres prévenus et les avocats de la défense qui ont dénoncé des intimidations de la part du procureur.

Abdoul Razack Nikiema, un autre prévenu soutient : « Après que nous avons bastonné Amidou Kanazoé avec des fouets, Adja a dit ne pas comprendre notre désobéissance. Elle nous a dit que notre attitude l’a déçue et que nous avons choisi délibérément de frapper la victime Kanazoé à son insu. Elle nous a intimé l’ordre d’enlever nos gilets (signe qu’elle ne voudrait plus travailler avec eux, ndlr) sous prétexte que nous allons lui créer des problèmes». C’est Razack qui a vu Amidou Kanazoé sur le site de la guérisseuse en train de faire des sacrifices pour des patients.

Appelée à la barre, la victime Amidou Kanazoé dit reconnaitre avoir fauté et qu’il ne devrait pas aller faire des sacrifices sur le site de Adja de Komsilga.

Il déclare : « C’est vrai que les jeunes m’ont bastonné. Mais, c’est moi qui ai cherché. Je suis allé là bas de mon propre gré. Selon moi, je mérite ce qui m’est arrivé parce que je ne devrais pas aller faire des sacrifices sur le site de quelqu’un même si je ne savais pas que la personne prie sur ce lieu précis. Si c’était à refaire, je ne poserai plus un tel acte. Mais, je sais qu’au regard de la loi, ce qui s’est passé est punissable».

Une déclaration que le procureur n’attend pas de bonnes oreille. Il semble même rejeter tous les dires de ceux qui ont comparu, selon le constat de Me Concobo, l’un des avocats de Madame Nikiema.

« Le procureur fait du retro pédalage. Il dit que la version de Adja est fausse, celles des prévenus sont fausses et même le témoignage de la victime est faux. Finalement que veut-il ? Je ne comprends pas le procureur ».

Les réquisitions du procureur…

Dans son réquisitoire, le procureur a établi que les faits reprochés aux prévenus sont suffisamment caractérisés. Selon lui, il sont coupables et ils doivent être maintenus dans les liens de la prévention.

C’est ainsi qu’il a requis une peine de prison de 24 mois dont 12 mois ferme et une amende de 3 millions de francs CFA ferme contre Larissa Nikiema dite Adja Amsétou la guérisseuse de Komsilga. Cela, pour incitation à séquestration, incitation à des coups et blessures involontaires.

Le procureur a aussi trouvé que la guérisseuse doit être condamnée pour complicité de non-dénonciation, balayant ainsi la déclaration de Adja qui dit qu’elle s’est rendue au commissariat accompagnée de ses employés mis en cause pour dénoncer l’infraction commise.

Pour ce qui est des 8 autres prévenus, le procureur a requis une peine d’emprisonnement allant de 24 à 36 mois et une amende de 500 000 francs CFA le tout ferme contre eux pour des faits de séquestration et de coups et blessures volontaires.

Les plaidoiries…

Les avocats de la défense ont surtout dénoncé le fait que le procureur s’est plus basé sur des procès verbaux pour requérir des peines contre les prévenus.

Selon eux, les procès verbaux en droit pénal, ne sont que des moyens pour juste se renseigner.

Me Christophe Birba, l’un des avocats de Adja a trouvé dans les peines requises, une sorte de vengeance du procureur. Lui et ses confrères sont convaincus que Larissa Nikiema n’est pas coupable et qu’elle doit être relaxée.

« Les procès verbaux qui sont en possession du procureur comportent des contradictions au point où cela repose sur du néant», a fait observer Me Birba qui ajoute que techniquement, dans ce dossier, il n’y a rien.

Après avoir écouté toutes les parties, le tribunal s’est retiré pour délibérer. Quelques minutes après, le verdict tombe. Larissa Nikiema dite Adja Amsétou la guérisseuse de Komsilga est condamnée à 36 mois de prison et une amende de 1 million de francs CFA le tout assorti de sursis.

Les 8 autres prévenus sont condamnés à 48 mois de prison et une amende de 500.000 francs CFA le tout assorti de sursis.

www.libreinfo.net

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