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Procès Putsch: Voici l’intégralité de la plaidoirie de Me Guy Hervé Kam(partie civile)

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La redaction de www.libreinfo.net a pu obtenir la copie de la plaidoirie de Me Guy Hervé KAM, avocat de la partie civile et le dernier à plaider au procès du coup d’État manqué du 16 septembre 2015 au Burkina Faso. Nous vous proposons l’intégralité de sa plaidoirie. 

Monsieur le Président du Tribunal,
Messieurs les juges conseillers et assesseurs,
En rentrant ce jour-là dans la salle d’audience du Tribunal de grande instance de Ouagadougou, le Bâtonnier SAVADOGO Mamadou plaidait à peu près en ces termes. « Un jour, sur le chemin de l’école, j’ai vu un tableau. Au milieu, il y avait un enfant, moitié noir, moitié blanc. Il aurait pu être l’enfant de tout le monde. En haut du tableau, il avait une question : que veux-tu être quand tu seras grand ? En bas, il y avait la réponse : vivant. »
Il plaidait ainsi pour obtenir l’extradition d’un officier rwandais, poursuivi dans le cadre du génocide dans son pays et qui avait trouvé refuge au Burkina Faso.
Monsieur le Président du Tribunal, Messieurs les juges,
Au moment où je prends la parole aux noms des victimes du Coup d’Etat sanglant du 16 septembre 2015, je suis convaincu qui si le 16 septembre 2015, l’on avait demandé aux 13 personnes tuées, ce qu’elles voulaient être le 14 juin 2019, elles auraient répondu en chœur : VIVANTS
Mais elles ne sont pas là. Elles ont été tuées. Paix à leurs âmes.
Monsieur le Président,
« Il y a un temps pour tuer et un temps pour soigner les blessures, un temps pour démolir et un temps pour construire », nous dit l’ecclésiaste ».
De 1987 à 2015, le tristement célèbre RSP, né sur les cendres du CNEC avec à sa tête le Général Gilbert DIENDERE, a tué. Il a tué Thomas SANKARA et 12 collaborateurs. Il a tué Jean Baptiste LINGANI et Henri ZONGO. Il a tué DABO Boukary. Il a tué Oumarou Clément OUEDRAOGO. Il a tué Norbert ZONGO, pour ne citer que ceux-là.
Les 30 et 31 Octobre 2014, il a tué des civils aux mains nues. Encore du 17 au 20 septembre 2015, il a tué, tué des civils.
C’était le temps pour tuer.
De 1987 à 2014, le régime COMPAORE a démoli.
Il a démoli la révolution. Il a démoli le burkindlum.
C’était le temps pour démolir.
Monsieur le Président,
« Il y a un temps pour tuer et un temps pour soigner les blessures, un temps pour démolir et un temps pour construire », disais-je.

Depuis le coup d’Etat du 16 septembre 2015, est venu le temps pour soigner les blessures : les blessures de la perte d’un enfant, d’un frère ou d’une sœur, les blessures de la perte d’une mère ou d’un père, les blessures de la perte d’une vie tout simplement.
Depuis le 28 février 2018, est venu le temps de reconstruire : reconstruire des vies, reconstruire les bases de la vie commune, reconstruire une nation tout simplement.
Oui ! Il y a un temps pour tout.
Monsieur le Président, messieurs les juges,
Depuis le 28 février 2018, patiemment, vous avez interrogé et écouté.
Pendant 16 mois, sans laisser paraître la moindre impression de fatigue, le moindre signe d’exaspération ou de lassitude, vous avez permis de reconstituer les faits graves, objet du procès.
Monsieur le Président,
Après ces 16 mois, il est aujourd’hui tout à fait possible de dire ce que ce procès n’est pas et au contraire, ce qu’il est en réalité.
C’est cela que je m’en vais tenter de faire.

I. Ce que le procès du putsch n’est pas

L’instruction préparatoire et les débats à l’audience ont permis de montrer que ce procès n’est ni le procès de l’ex-RSP, ni le procès du clan COMPAORE, ni un procès politique, ni un acte de vengeance, ni une Justice des vainqueurs.

1. Le procès du putsch n’est pas le procès de l’ex-RSP
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Pour vous en convaincre, regardez dans le box des accusés. Vous y verrez à peu près 70 personnes. Le RSP en comptait 1 300.
Autant tous les accusés ne sont pas des militaires de l’ex-RSP, autant tous les militaires de l’ex-RSP ne sont pas des accusés. Il y a parmi les accusés des civils : journaliste, avocat, hommes politiques, hommes d’affaires, etc.
Sans être le procès du RSP, les 16 mois de débats ont cependant permis de lever un coin de voile sur ce régiment qui a semé des peines. Tenez, ça fait aussi RSP : Régiment pour Semer la Peine.
Monsieur le Président,
Au moment des faits, le RSP était de fait, commandé par le Général DIENDERE, qui pourtant, ne faisait pas partie de ses effectifs.
Le chef de corps du RSP n’avait pas la pleine autorité sur certains hommes du RSP. Souvenez-vous de ces sous-officiers qui ont retiré le véhicule d’un capitaine. Il ne s’est trouvé aucun officier pour les ramener à l’ordre. C’était comme cela au RSP.
Même le Chef d’état-major général de l’armée (CEMGA) n’avait aucune autorité sur le RSP.
En réalité, le RSP était une unité d’hommes armés, une sorte de milice au service d’un homme, Blaise COMPAORE.
Il y a beaucoup à dire sur ce sujet. Mais vous n’êtes pas saisi de cela. Vous ne jugez pas les errements de cette milice.
Ce n’est pas le procès du RSP, ni d’ailleurs celui du régime COMPAORE.

2. Le procès du putsch n’est pas le procès du régime COMPAORE
Monsieur le Président, messieurs les juges,
Les débats ont montré que le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et le Front Républicain ont joué un rôle actif dans le putsch de septembre 2015. S’ils ne sont pas coauteurs, au moins, ils sont forcément complices.
M. Salifou SAWADOGO, l’un des rares accusés à avoir fait amende honorable, a raconté dans une relative sincérité comment son action au soutien du putsch s’inscrivait dans le cadre de son parti. Dans la soirée du 16 septembre 2015, le Président en exercice du CDP a remis 15 millions de FCFA pour organiser le soutien au putsch. Mais le CDP n’est pas dans le box des accusés. Il est d’ailleurs actuellement en campagne pour revenir au pouvoir.
Il vous souviendra sans doute, ce communiqué du front républicain soutenant clairement le putsch du CND. En plus de cette déclaration, le front républicain a été « noyé d’argent » pour gérer le volet civil du coup d’état. Ces propos vous les avez écoutés dans une conversation du Capitaine DAO avec un certain ILBOUDO : « Nous on a dit AUX SOUTIENS POLITIQUES là, quand même faites l’effort de mobiliser vos militants ils vont déblayer les voies et chasser les enfants là … Eux même on les a noyés d’argent »
De façon certaine, l’on sait que l’argent est venu de la Côte d’Ivoire, beaucoup d’argent. Cet argent a été, pour partie, reparti entre les leaders du Front républicain.
Monsieur le Président,
Lors de la présentation des pièces à conviction, dans le sous dossier Delta, dans une conversation avec le Gl DIENDERE, feu Djeri MAIGA, vice-Président du MNLA au moment des faits dit ceci « J’ai eu Blaise, il m’a dit de tout mettre en œuvre à la frontière là-bas … Et de vous suivre, dès que tu vas nous dire de faire, on va faire ».
C’est le 23 septembre à 14h45mn.
Mais, Blaise COMPAORE n’est pas dans le box des accusés. Le CDP et le Front républicain ne sont pas dans le box des accusés. Le Président du CDP entendu dans le cadre de l’instruction préparatoire, a bénéficié d’un non-lieu.
Non ce procès n’est pas le procès du clan COMPAORE. Aucun accusé n’est dans le box en raison de son appartenance au clan COMPAORE. Tous ont commis des faits matériels constitutifs d’infractions tel qu’il a été brillamment démontré par mes confrères de la partie civile depuis le 11 juin 2019.
C’est pour cela et rien d’autre qu’ils sont là. C’est cela, la réalité.

3. Le procès du putsch n’est pas un procès politique
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Nous avons entendu dans cette salle, des accusés se dire victimes de procès politique.
Nous avons entendu des Burkinabè dénoncer un procès politique.
Non pas parce que les infractions poursuivies sont de nature politique, mais bien parce que selon eux, ce procès vise à écarter des opposants politiques. Selon eux, ceux qui ont soutenu le putsch n’ont fait qu’exprimer leurs opinions politiques.
C’est une insulte à la mémoire des personnes tuées dans le putsch. C’est une méprise à la douleur des blessés ; c’est une injure à la démocratie.
Être opposant politique n’est pas une prime à l’impunité.
Devons-nous comprendre que des personnes auteurs d’actes punissables ne doivent pas être poursuivies, simplement parce qu’elles sont politiciennes ? Devons-nous comprendre que faire la politique est une garantie d’impunité ?
D’où vient-il alors que des personnes qui ont accompli tous les actes constitutifs d’attentat à la sureté de l’Etat, de trahison, de meurtre, de coups et blessures volontaires, de dégradation volontaire aggravée invoquent le procès politique ?
Monsieur le Président,
Aucune opinion politique ne s’exprime par un coup d’Etat. Ni le meurtre, ni les coups et blessures volontaires, ni la torture, ni la violence ne sont des modes d’expression des opinions politiques.
Donner volontairement la mort, prendre des armes contre l’État, commettre la trahison, constituent les infractions les plus graves dans notre société. Commettre ces infractions, juste pour le pouvoir, constitue une circonstance aggravante.
Tel est le cas dans ce procès. Et pour cause !
Au moment des faits, le Général DIENDERE lui-même ne se doutait pas qu’il avait commis des faits graves. Le 23 septembre 2015, devant les caméras du monde entier, le Gl DIENDERE disait : « Aujourd’hui, quand on parle de démocratie, on ne peut pas se permettre de faire des actions de ce genre … Personnellement, je n’ai pas peur d’affronter la justice. Je prends toutes mes responsabilités, j’assume pleinement ma responsabilité … Le putsch, c’est du temps perdu, je le reconnais, des moyens perdus, je le reconnais, ce sont des vies humaines de perdues, je le reconnais ».
Dans une conversation avec son épouse le 30 septembre 2015 à 18h 45mn, écoutée ici lors de l’examen des pièces à conviction, le Général DIENDERE et son épouse échangeaient sur la peine qu’il encourt. « Comme ils nous ont laissé tomber, on va aller en Justice et on va être condamné », a dit le Général. Ce à quoi son épouse lui a répondu : « Et c’est quelle peine ? ». Réponse du Général, « C’est la peine maximum. »
Ainsi donc, le Général savait lui-même que les actes qu’il a posés étaient condamnables. Il savait que ses actes étaient passibles de la peine la plus lourde. Et la peine la plus lourde à l’époque des faits c’est la peine de mort. Depuis lors, la peine de mort a été bannie de notre code pénal, le Général DIENDERE n’encourt donc plus cette peine qu’il avait pourtant prévue pour lui-même.
Juger de tels faits ne peut donc, en aucun cas, constituer un procès politique.
Monsieur le Président,
Penser qu’un coup d’Etat est bien n’est pas une infraction, c’est une opinion, moralement condamnable, certes. Affirmer, même publiquement, qu’il peut exister des coups d’Etat salvateurs n’est pas une infraction, c’est aussi une opinion.
Mais soutenir matériellement et moralement un attentat à la sureté de l’état n’est plus une simple opinion, c’est un acte matériel d’aide et d’assistance à un attentat à la sureté de l’Etat.
Les sieurs Hermann YAMEOGO, Léonce KONE et Djibril BASSOLE se trompent donc lorsqu’ils crient au procès politique.
Ils ont tort de penser que s’impliquer comme ils l’ont fait pour faire triompher le Coup d’Etat n’est que l’expression d’une opinion. Soit, ils le font exprès, soit ils sont sincères, mais cela n’a aucune incidence sur leur culpabilité que votre juridiction n’aura aucune peine à prononcer.
En effet, en recevant de l’argent de l’étranger, en distribuant cet argent pour organiser des activités au soutien du putsch, en s’organisant politiquement pour soutenir le régime putschiste dans le but d’assurer son installation définitive, en incitant les militaires putschistes à ne pas déposer les armes, ils ont commis des actes positifs de complicité qui ne peuvent, en aucun cas, relever du délit d’opinion.
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Dans un procès politique, l’accusé est appelé à répondre, non pas de faits, mais de ses opinions. Dans le cas d’espèce, tel n’est manifestement pas le cas. En effet, autant aucun accusé n’est poursuivi pour délit d’opinion, autant tous les faits objets de la présente procédure sont constitutifs d’infractions graves de droit commun.
Ce n’est donc pas la qualité de politiciens de certains accusés qui fera de ce procès un procès politique. Encore une fois, faire la politique n’est pas une garantie d’impunité. Bien au contraire.
Il n’y a donc en l’espèce, ni procès politique, encore moins de vengeance.

4. Le procès du putsch n’est pas un acte de vengeance
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Nous avons entendu dire que ce procès était un acte de vengeance et une justice des vainqueurs.
Votre juridiction ne serait donc qu’une main vengeresse. Votre juridiction ne serait donc que la marionnette d’un clan politique vainqueur et qui cherche à régler ses comptes.
Ces accusations sont en réalité un outrage à votre honneur et à votre serment. Mais convaincus de votre très grande sagesse, nous savons que vous n’en tiendrez aucun compte. C’est à votre honneur.
Monsieur le Président,
La vengeance est un acte individuel de passion et non de raison. Un Etat n’a ni passion, ni pulsion. Un Etat ne se venge pas.
S’il y avait eu vengeance, aucun élément du RSP ne serait ici comparant. Tous les putschistes auraient été sommairement exécutés.
ŒIL POUR ŒIL, DENT POUR DENT. Voici la loi qui leur aurait été appliquée. L’enquête préliminaire, l’instruction, le jugement, la condamnation et l’exécution de la peine, tout cela aurait été réglé depuis le 29 septembre 2015, comme ce fut le cas en septembre 1989 pour les officiers Henri ZONGO et Jean Baptiste LINGANI.
La vengeance est la négation même de la « justice-institution » que vous incarnez. Les victimes n’en veulent pas. Ce procès ne peut donc être un acte de vengeance.
Monsieur le Président,
Dans cette même salle, les victimes ont été témoins des dénégations des accusés malgré les évidences. Elles ont supporté les propos négationnistes et même les insultes de certains accusés. Elles ont souffert le manque de repentance des accusés. Oui le manque de repentance n’est pas une infraction, mais la repentance est le premier pas vers le pardon des victimes, mais aussi de la société. Il ne faut pas l’oublier.
Ceux qui crient à la vengeance devraient plutôt louer la grandeur du peuple burkinabè qui est allé au delà de la passion, qui a montré une extraordinaire capacité à entendre raison en remettant entre les mains de la Justice ces grands criminels pour qu’ils soient jugés, conformément à la loi.
Monsieur le Président,
L’Etat du Burkina Faso et toutes les autres victimes rejettent la vengeance comme l’ont dit et répété mes prédécesseurs.
Rejetant la vengeance, les victimes refusent cependant l’impunité.
Ce que nous vous demandons, c’est d’accomplir le nécessaire devoir de Justice. C’est pour la Justice que depuis 4 ans, les victimes ont contenu leur douleur.
Ce ne serait ni juste, ni légitime dans un Etat de droit démocratique que toutes ces fautes graves ne soient pas sanctionnées. Oui, comme Hegel, nous pensons que « ce qui ne serait pas légitime, ce serait que le criminel ne soit pas puni ».
Nous ne demandons pas la sanction des accusés pour ce qu’ils sont, mais pour l’acte qu’ils ont commis. Sanctionner par devoir de Justice et non pour un quelconque dessein de vengeance, ni pour la victoire.
Tel est le véritable enjeu de ce procès.

5. Le procès du putsch n’est pas la Justice des vainqueurs
Je vois venir la défense, criant à la Justice de vainqueurs.
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Dites-leur que le Tribunal militaire n’a pas été créé pour les besoins de ce procès.
Dites-leur que le Tribunal militaire a été créé en 1994 alors même que ceux qui sont ici à la barre étaient pour la plupart à l’apogée de leur pouvoir.
Dites-leur en réponse à leurs cris d’orfraie, que la procédure applicable par le Tribunal militaire n’a pas été établie pour le procès du putsch de septembre 2015.
Dites-leur que le Tribunal militaire applique la procédure pénale applicable à tous les justiciables de ce pays.
Dites-leur que le fonctionnement du Tribunal militaire a été amélioré en 2017 et qu’ainsi, ils ont droit aux droits qu’ils n’ont pas daigné reconnaître aux autres, à ceux qu’ils ont jugé. Ils ont droit au double degré de juridiction, à l’assistance d’avocats, y compris d’avocats étrangers, etc.
Dites-leur enfin que le Tribunal militaire n’est pas une Justice des vainqueurs, parce qu’il n’y a pas de vainqueurs tout simplement dans cette affaire de putsch.
Le Burkina Faso a payé et continue de payer un lourd tribut dans cette affaire.
En réalité, ce procès est la porte qui conduira le Burkina Faso vers son avenir, un avenir qui doit se bâtir sur le socle de la responsabilité et non de l’impunité.

II. Ce que ce procès du putsch est en réalité

Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Ce procès est avant tout le procès d’un coup d’Etat.
Qui au Burkina Faso ne sait pas qu’il y a eu un coup d’Etat dans notre pays le 16 septembre 2015 ?
Qui au Burkina Faso ne sait pas que ce coup d’Etat a été commis par les éléments de l’ex RSP ?
Qui au Burkina Faso ne sait pas que le Général DIENDERE était le Président du CND, régime des putschistes ?
Qui au Burkina Faso ne sait pas que ce coup d’Etat a fait 13 morts, plus de 350 blessés et des dégâts matériels importants ?
Personne ! Personne ! Personne, M. le Président !
« C’est un mal d’œil et non un mal de ventre ». Que celui qui veut voir, voit.
Le monde entier a été témoin, non seulement du coup d’Etat, mais aussi et surtout de la violence discriminée qui l’a caractérisée. C’est pour cela que nous disons et nous réaffirmons que ce procès est aussi le non, un non ferme, irréversible et non négociable du Burkina Faso à l’impunité.
Monsieur le Président,
Vous jugez pour dire non à l’impunité. Vous jugez pour permettre au Burkina de tourner la page, une des pages les plus sombres de son histoire.

1. Un jugement de crimes odieux
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Depuis 2 jours, mes prédécesseurs ont montré avec clarté, suffisance et précision, les faits constants dont vous êtes saisis, leurs qualifications juridiques et leur imputabilité à des accusés ici présents.
Vous n’aurez donc aucun mal à entrer en voie de condamnation. Là n’est pas le débat.
Si je reparle des faits, ce n’est donc ni pour démontrer qu’ils sont caractérisés, ni pour démontrer leur caractère infractionnel, encore moins pour dire si tel ou tel accusé en est l’auteur. Tout ou presque a été dit et bien dit.
Si je reparle des faits, c’est parce que ces faits me parlent encore.
Monsieur le Président,
J’entends le Gl DIENDERE dire dans un audio, à un militant du CDP : « Moi je l’ai fait, mais vous ne m’avez pas suivi » ;
Mes oreilles raisonnent encore de la voix du Général Dijbril BASSOLE disant à Guillaume SORO, « Il faut frapper de manière que même si on recule, les dégâts qu’on a causés là sont que les choses ne peuvent plus revenir à la situation antérieure. »
Oui j’entends et je cherche à comprendre la détermination aveugle avec laquelle Dame DIAWARA Fatoumata a incité au chaos. « Sortez …. si vous prenez la ville en main, n’hésitez pas à tirer, même sur les chars, si vous limez deux chars, je suis certains qu’ils s’en fuiront…. », disait-elle au sergent Saboué Massa.
J’entends le témoignage concordant des membres de la délégation des sages (Pdt Jean Baptiste OUEDRAOGO, Mgr Paul OUEDRAOGO, Gl ZAGRE et Col MONE) : « Ils ont dit qu’ils ne vont libérer aucun membre du gouvernement de la transition et qu’en cas d’attaque, ils mourraient ensemble et que si on ne faisait pas attention, on ne sortirait pas vivant du camp ».
J’entends le Col Abdoul Karin Traoré planifier avec Djéri MAIGA, vice-président du MNLA, une intervention de rebelles maliens à Ouagadougou « une action actuellement ça ne rapporte rien … si c’est que les gens attaquent maintenant nos éléments vous pouvez venir les aider … »
J’entends M. Sidi Lamine Oumar inciter le Général DIENDERE de résister, lui offrant même de mourir avec lui. Je l’entends proposer au Général un appui en hommes déjà positionnés à Ouagadougou.
Et tout ça, rien que pour le pouvoir…
« Nous sommes à Kossyam » disait le Général BASSOLE
« On prend et on est assis », renchérissait Guillaume Soro ;
« Mon père Président, c’est historique… » Disait le fils du Général DIENDERE
Monsieur le Président,
L’on ne peut se permettre de commettre de tels crimes, si graves et si odieux, simplement pour prendre le pouvoir, pour jouir et se réjouir du pouvoir.

La Trahison est un crime odieux.
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Des éléments de l’ex RSP se sont rendus coupables du crime de trahison en prenant les armes contre l’Etat. En prenant les armes contre le Président de la Transition, les membres du gouvernement et la population civile, c’est contre l’Etat qu’ils ont pris les armes.
Les généraux Gilbert DIENDERE et Djibril BASSOLE, le bâtonnier TRAORE Mamadou, M. Adama OUEDRAOGO dit Damiss, Léonce KONE, Hermann YAMEOGO les y ont incité, aidé et assisté.
Les généraux Gilbert DIENDERE et Djibril BASSOLE ainsi que la dame Fatoumata DIAWARA ont aussi entretenu des intelligences avec la Côte d’Ivoire et avec des groupes rebelles maliens pour les inciter à entreprendre des hostilités contre le Burkina Faso.
Rappelez-vous monsieur le Président : les hommes promis depuis la Côte d’Ivoire, 1000 chiens disait le Colonel Zakaria KONE et le Nord Mali, l’argent venus de la Côte d’Ivoire, la tentative depuis le Togo d’envoyer des Hommes, les conseils du Gl Vagondo BAKAYOGO, tendant à prendre le contrôle de l’aéroport pour faciliter l’appui extérieur.
Des militaires du RSP, sur leur instruction, ont tiré sur la population civile burkinabè. Le RSP est entré en rébellion contre le Burkina Faso.
Le peuple burkinabè n’a eu son salut que grâce au civisme de l’armée, l’armée régulière. Défiants tous les risques, mettant leur vie au service du peuple, des militaires sont descendus sur Ouagadougou, avec une seule conviction : « la patrie ou la mort, nous vaincrons ».
Et ils ont vaincu. Avec le peuple, et pour le peuple, ils ont vaincu.
Monsieur le Président,
Au regard de ce qui précède, les accusés se sont rendus coupables du crime de trahison. Cela est vrai, au delà de tout doute raisonnable, doute raisonnable sur le sens duquel je ne reviendrai pas, Me FARAMA l’ayant admirablement bien fait le 11 juin dernier.
Mais au delà des considérations purement juridiques abondamment exposées par mes confrères de la partie civile, il ne vous échappera pas que la trahison est aussi moralement condamnable.
La trahison est un acte de déloyauté, de félonie et de perfidie. Dans le cas d’espèce, les accusés ont trahi la patrie et le peuple burkinabè qui leur ont, pourtant, tout donné.
Regardez ces accusés, militaires comme civils, qui d’entre eux ne doit pas tout au Burkina Faso ?
Regardez ces militaires, payés à la sueur du peuple burkinabè et armés par lui, justement pour assurer sa protection. Mais qu’ont-ils fait ?
Au lieu d’assurer leur mission de sécurisation, ils ont retourné les armes contre ceux qu’ils devaient protéger. Ils ont porté les armes contre le Burkina.
Monsieur le Président, ils ont trahi la confiance de la patrie. Ils ont trahi la confiance de chacun d’entre nous et de nous tous. Cela est moralement intolérable et juridiquement condamnable.
Ne l’oubliez pas. Pensez-y messieurs les juges, lorsque vous entrerez en voie de décision.

L’attentat à la sureté de l’Etat est un crime odieux
Monsieur le Président, messieurs les juges,
Si ce procès a révélé une seule certitude, c’est que toutes les violences commises lors des évènements du 16 au 29 septembre 2015 visaient un seul objectif : changer le régime de la Transition.
Pendant tout le temps qu’a duré le procès, les accusés n’ont véritablement pas contesté la matérialité des faits. Ce qu’ils contestent, c’est la qualification juridique qui leur est donnée, attentat à la sureté de l’Etat par exemple.
D’un côté, l’on a ceux qui pensent qu’en faisant le coup d’Etat, ils n’ont fait qu’arrêter les dérives de la Transition. De l’autre, l’on a ceux pour qui, il n’y a pas eu d’attentat à la sureté de l’Etat parce que le régime de la Transition était lui-même un régime illégal ?
Ne vous y méprenez pas. Pour eux, il n’y avait dans ce pays, aucune légalité, ni légitimité qui ne venait d’eux.
C’est dans ce sens que les sieurs OUEDRAOGO Adama dit Damiss, Jacques K. LIMON, Abdoul-Karim BAGUIAN dit LOTA, Sidi Lamine OUMAR, Abdoul Karim André TRAORE, Gilbert DIENDERE, Léonce KONE, Hermann YAMEOGO et dame Fatoumata DIAWARA ont saisi le conseil constitutionnel d’une exception d’inconstitutionnalité, à la veille de l’ouverture du procès le 23 février 2018. Dans leur requête, ils ont soutenu que « Le coup d’arrêt donné par certains éléments de la sécurité présidentielle au Régime de la Transition résultant d’une Charte, elle-même illégale ne saurait être qualifié d’atteinte à la sureté de l’Etat ».
C’est le comble de la banalité du mal.
A l’image de Louis IV qui disait « c’est légal parce que je le veux », ces accusés vous disent « Le régime de la transition est illégal parce que nous le voulons ». Voici leur crédo.
Votre juridiction ne se laissera pas abuser.
Au contraire, il vous plaira de dire et juger que les évènements des 16 septembre et jours suivants constituent un attentat à la sureté de l’Etat en ce que les auteurs ont changé par la violence un régime légal, le régime de la transition.
Et le fait que par une extraordinaire détermination, le peuple, dans toutes ses composantes, ait mis fin à cet attentat à la sureté de l’Etat en lui opposant une réaction cinglante et appropriée, n’efface pas le caractère infractionnel des faits.
Monsieur le Président,
Se débarrasser du régime de la transition, qui a éconduit leur mentor du pouvoir, était pour les accusés une raison valable et suffisante, pour tuer et pour détruire.
Certains accusés n’en ont pas fait mystère, ni avant, ni au cours du procès. Leur refus de faire acte de repentance montre si besoin en était encore, que si c’était à refaire, ils le referaient, sans état d’âme.
Sont de ceux-là :
Les officiers : Général DIENDERE Gilbert, le Gl BASSOLE Djibril, le Col maj. KERE Boureima, le Col Abdoul Karim TRAORE, le Capitaine DAO Abdoulaye, le Lt ZAGRE Boureima, le Lt Lymon K. Jacques
Les sous-officiers et soldats : KOUSSOUBE Roger, ZERBO Laoko, SOULAMA Seydou, DA Sami, PAGBELEM Amidou, KABORE Adama, LY Amadou, SABOUE Massa, PODA Ollo, Guessongo, NEBIE Adoul Nafion et MOUKORO Pascal.
Les civils : KONE Léonce, YAMEOGO Hermann, Dame DIAWARA Fatoumata, OUEDRAOGO Adama dit Damis, Me TRAORE Mamadou, BAGUIAN Abdoul Karim dit Lotta, GUELWARE Minata, Sidi Lamine, NANEMA Faysal
Monsieur le Président,
Un criminel impénitent ne peut bénéficier d’aucune bienveillance de la loi. Là aussi, votre juridiction s’en souviendra le moment venu.

Le meurtre est un crime odieux
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Ce qui s’est passé les 16 septembre et jours suivants n’était pas seulement un coup d’Etat. C’était un acte de vengeance et de restauration.
En effet, les accusés ont voulu par ce coup d’Etat, régler leur compte au régime de la Transition et à toutes les personnes qui oseraient s’opposer à la restauration d’un passé, qu’eux seuls ne savaient pas, dépassé. Les débats vous ont permis de mesurer la haine qui habitait les putschistes à l’égard du régime de la Transition. Aveuglés par cette haine, ils ont froidement tué, dans des scènes dont l’horreur dépasse l’entendement humain.
Monsieur le Président,
Il y a meurtre quand une personne tue volontairement.
Le 17 septembre 2015, dans leur folie meurtrière, les putschistes ont volontairement tué 4 personnes.
– Ils ont tué BAZIE Badama d’une balle dans son dos alors qu’il était dans son quartier à Hamdalaye. Il avait seulement 25 ans ;
– Ils ont tué KABORE Angèle, devant son domicile au secteur n° 16 (arrondissement 3), d’une balle dans la poitrine. Elle avait un enfant de 9 mois ;
– Ils ont tué YELNONGO Salfo, de 4 balles, alors qu’il était à son lieu de travail à côté de l’Ecole Nationale des Douanes ;
– Ils ont tué BARRY Nouhou d’une balle dans le dos, au niveau du Lycée Philippe Zinda KABORE.
Le vendredi 18 septembre ils ont tué 6 personnes.
– Ils ont tué YODA Jean Baptiste d’une balle dans la tête alors qu’il jouait au ballon avec ses camarades sur un terrain vague appelé Gouroum-pompe, du quartier Taabtenga au secteur 44. Il n’avait que 14 ans ;
– Ils ont tué par balle KOLOGO Apollinaire, aux abords de la route bitumée devant l’ENAREF. Il portait un T-shirt noir ….
– Ils ont aussi tué YODA Issouf devant l’hôtel Central à côté du grand marché. YODA Issouf était âgé de 27 ans ;
– Ils ont encore tué par balle OUEDRAOGO Wendpingré Souleymane Madi dont le corps a été retrouvé à la morgue et RABO Yahaya âgé de 18 ans ;
– Ils ont aussi tué TOURE T. Mahamoudou, frappé d’une balle devant son domicile familial à Dapoya.
Ils ont aussi tué ROUAMBA Abdoul-Razak Amédé Wendyam dans des conditions qui ne laissent aucun doute sur la violence, l’extrême violence de ces fous du pouvoir. Abdoul-Razak est mort le 20 septembre de suite de coups portés par des éléments du Régiment pendant la résistance au putsch.

Monsieur le Président,
En faisant usage d’armes de guerre en pleine ville, en tirant à bout portant sur des civils sans armes avec des armes de guerre, les putschistes ne voulaient certainement pas les caresser. Non. Ils voulaient les tuer.
Tuer les uns pour décourager les autres, telle était la stratégie criminelle des putschistes.

Les coups et blessures volontaires
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Le coup d’Etat a fait 13 morts, mais il aurait pu faire plus. Les violences du RSP ont fait en 4 jours plus de 300 blessés dont vous avez vu certains passer à votre barre. Ils auraient tous pu mourir mais seule la providence ne l’a pas voulu.
Pendant l’examen des pièces à conviction, vous avez vu un échantillon, certes faible, mais un échantillon représentatif de la violence inouïe à laquelle la population de la ville de Ouagadougou a été soumise.
Monsieur le Président,
Souvenez-vous de cette victime, bastonnée, torturée à la cité AN 3 dont les images violentes et insoutenables ont été fournies par le doyen Raso.
Souvenez-vous du témoignage vidéo, très émouvant du sieur SAWADOGO Amadou, battu et blessé par les éléments de l’ex RSP.
Souvenez-vous de cet autre jeune, expliquant ici à la barre, comment il a été pris en tenaille par 2 éléments de l’ex RSP pendant qu’un troisième, lui envoyait à bout portant, une balle, certes blanche, mais qui aurait pu être fatale.
Souvenez-vous de ce sapeur-pompier, qui en mission de sauvetage dans un véhicule de pompier, a été l’objet de tirs des militaires de l’ex RSP. Il a pris une balle à l’épaule. Une balle qui se trouve encore dans son corps.
Souvenez-vous de M. Kaboré, alors garde du corps du Président KABORE, bastonné, torturé par des éléments du RSP et les thuriféraires des partis pro-putschistes. Il en porte toujours les séquelles.
Souvenez-vous de madame OUEDRAOGO Safiatou, qui à domicile, étant presqu’à terme, a reçu une balle qui l’a transpercé pour aller se loger dans le vendre du bébé qu’elle portait en elle. C’est le comble de l’horreur et de l’inhumanité.
Monsieur le Président,
Ce bébé dont le premier contact avec le monde extérieur a été les balles traitresses des militaires de l’ex RSP, aujourd’hui âgé de 4 ans, est venu à votre barre. Vous avez vu cet enfant, elle n’a pas ouvert la bouche. Mais il est des moments où les paroles sont inutiles…
La petite est venue ici vous dire par sa présence que personne n’était à l’abri.
La liste est longue, Monsieur le Président, messieurs les juges.
Mais est-il besoin de continuer ? Assurément non.
Vous avez un excellent dossier qui contient l’ensemble des éléments de ces infractions.
Vous avez un excellent dossier pénal, constitué de preuves accumulées par près de 30 mois d’instruction et 16 mois de débats ici à l’audience.
Vous avez un dossier duquel il ressort que les accusés désignés par mes prédécesseurs ont, au delà de tout doute raisonnable, commis la trahison, les meurtres, les coups et blessures volontaires et les dégradations volontaires.
30 mois d’instruction et 16 mois de débats ont permis de vous situer sur la responsabilité individuelle de chaque accusé.
Mais tout ce temps, c’est aussi le temps durant lequel, tout a été entendu. Tout ce temps, c’est aussi le temps pendant lequel vous avez entendu que ce procès était plutôt le procès du RSP, le procès du régime COMPAORE, un procès politique, un acte de vengeance ou simplement une justice des vainqueurs.
Et pourtant, ce procès n’est rien de tout cela.
Monsieur le Président, messieurs les juges ;
J’ai espéré en voyant cet enfant que les balles du RSP sont allés chercher, jusque dans les entrailles de sa mère, pour lui porter la marque indélébile de l’inhumanité de cette milice du RSP et de leurs complices, que l’humanité allait reprendre sa place dans leurs cœurs. Cette humanité, j’ai cru et espéré qu’elle les attendrisse, qu’elle les fasse flancher même.
Mais hélas ! Ni cette scène, ni les 13 vies innocentes arrachées, encore moins les nombreux blessés dont les images choquantes ont été diffusés n’ont pas pu attendrir leur cœur.
Aucun des accusés irrépentis ci-dessus cités n’a voulu au-delà de la seule clause de langage, leur rendre justice. Aucun d’entre eux n’a pensé qu’il était encore temps de faire amende honorable. Aucun ne s’est dit que c’était le temps de reconstruire.
Je peine à le croire. Mais mes yeux ont vu et mes oreilles ont entendu Hermann YAMEOGO et Léonce KONE, faire l’apologie du coup d’Etat.
Je me souviens encore de Sgt Kousoubé Roger disant que si on lui demandait d’arrêter séance tenante le Tribunal, il le ferait. La salle s’en est émue ce jour-là et elle avait raison.
Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
Après avoir suivi l’interrogatoire des accusés, après les avoir écoutés à l’occasion de l’interrogatoire des témoins, après leurs auditions à la suite de la présentation des pièces à conviction, j’ai compris pourquoi dans sa lecture du procès de Nuremberg, Hannah Arendt a parlé de BANALITE DU MAL.
Au procès de Nuremberg, les criminels nazis n’avaient pas donné l’impression qu’ils avaient conscience d’avoir commis des fautes. Pour les accusés de Nuremberg, ils n’avaient fait qu’appliquer la loi, celle qui a institué les fours crématoires et les chambres à gaz, celle qui a institué la déportation des juifs et que sais-je encore.
Pour eux, ils n’ont fait qu’appliquer des ordres qui devaient être respectés en tant que tels. Ils ne pensaient pas avoir commis des fautes, encore moins des crimes.
Monsieur le Président,
A leur image, de nombreux accusés dans ce procès ont manifesté n’avoir aucune conscience d’avoir commis des infractions. Des soldats aux officiers supérieurs, tous ont affirmé avoir exécuté des ordres, « sans murmure et sans hésitation ». A la barre, ils ont soutenu que leurs actions étaient commandées par la nécessaire et indispensable discipline militaire.
J’en ai été effaré. Nous en avons été profondément choqués.
A peine ne reprochaient-ils pas au parquet de ne les avoir pas félicités et, à la grande chancellerie, de ne les avoir pas décorés.
Au parquet militaire et aux parties civiles qui leur reprochaient d’avoir arrêté et séquestré les membres du gouvernement, d’avoir empêché par tous moyens, y compris la mort, les manifestations de résistance au coup d’Etat, ils ne voyaient que de personnes dangereuses pour la discipline dans l’armée, des dangers qu’il serait important d’empêcher de nuire pour protéger l’armée.
Comme si le militaire était dépourvu de raison et n’était qu’une simple baïonnette, comme si le militaire avait un encéphalogramme plat.
Monsieur le Président,
Je pense à la banalité du mal quand je revois Fatoumata DIAWARA accuser le Parquet militaire de l’avoir mise en danger en présentant les écoutes téléphoniques.
Si elle s’est sentie en danger, ce n’est pas pour ce qu’elle a fait, mais bien parce qu’elle est accusée. C’est le comble. Pour Fatoumata DIAWARA, tuer ou inviter à tuer n’est rien.
A l’image des animaux de la Fontaine « les animaux malades de la peste », Madame Diawara voudrait qu’on lui dise ceci :
« Madame, vous êtes trop bonne citoyenne ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Et bien, pourchasser des burkinabè, canaille, idiotes gens ;
Est-ce une infraction ? Non non. Vous leur fîtes, Madame ;
En incitant à les tuer, blesser, violenter, beaucoup d’honneur ;
Et quant à ceux qui s’opposaient au putsch, l’on peut dire ;
Qu’ils étaient dignes de tous les maux. »
Non, Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Nous ne dirons pas ça. Nos clients ne seront pas les animaux malades de la peste de La Fontaine.
Monsieur le Président,
Un crime doit être sanctionné dans l’intérêt de la communauté. C’est aussi à cela que doit servir ce procès : dire non à l’impunité.

2. Le non à l’impunité
Monsieur le Président, messieurs les juges,
L’histoire politique du Burkina est jalonnée de crimes impunis.
« Si tu fais, on te fait et il n’y a rien ». Voici le paradigme politique des rectificateurs qui était aussi la devise du RSP.
Ainsi, de 1987 à 2014, ils ont fait de nombreux Burkinabè. Il n’y a rien eu. Ils ont donc continué à faire des Burkinabè et il n’y avait toujours rien.
Puis, vint l’insurrection des 30 et 31 Octobre 2014. Malheureusement ou peut-être heureusement, ils n’en ont pas compris le message. Pour eux, s’il y a eu insurrection, c’est parce qu’ils n’ont pas fait ceux qui l’ont fait.
C’est ainsi que le 16 septembre 2015 et jours suivants, pour installer leur coup d’Etat, ils ont fait des Burkinabè. Ils ont tué, ils ont torturé et blessé ; ils ont volontairement détruit des biens.
Ils ont cru que comme toujours, il n’y aura rien.
Mais ils avaient oublié la sagesse africaine qui nous apprend que « Tous les jours appartiennent aux voleurs, mais un seul jour au propriétaire ».
Aujourd’hui, c’est le jour du propriétaire. Ils doivent répondre, un point c’est tout.
Monsieur le Président,
Des accusés à votre barre ont invoqué à leur secours, la réconciliation nationale. Peut-être viendront-ils à l’occasion de leurs plaidoiries préciser les contours de deal illicite et immoral « IMPUNITE CONTRE PAIX SOCIALE ».
D’ores et déjà, nous vous prions de noter que nos clients refusent d’être complices d’une réconciliation-amnésie, d’un deal politique sur leur dos.
Demander à la Justice, non pas de juger, mais de s’ériger en médiateur, c’est tuer la Justice.
Nos clients refusent de se rendre complices d’un plan concerté visant à assassiner la Justice pour cacher la vérité.
Monsieur le Président,
Spinoza disait que « …nulle société ne peut subsister sans […] des lois qui modèrent et contraignent l’appétit du plaisir et les passions sans frein. »
Le Burkina Faso a des lois qui, pour modérer l’appétit vorace du pouvoir, sanctionnent l’attentat à la sureté de l’Etat. Notre pays a des lois qui, pour modérer et contraindre les passions sans frein, sanctionnent la trahison, le meurtre, etc.
Que seront ces lois, sans la justice ? A quoi servira en effet une loi que l’on peut violer sans conséquence ?
Dites-moi, que vaut un État de droit où l’on peut tuer, torturer, blesser sans sanction ?
Monsieur le Président,
Sans sanction, il n’y a point de droit et, sans droit, il n’y a point d’Etat de droit.
Sans sanction, il n’y a point de responsabilité et sans responsabilité, il n’y a point de vivre ensemble.
Sanctionner un auteur d’infraction est un acte légitime. Oui ! Avec HEGEL, je pense que « ce qui ne serait pas légitime, ce serait que le criminel ne soit pas puni ».
Punir les criminels du putsch, ce n’est pas les punir pour eux-mêmes, monsieur le Président. Punir les criminels du putsch, c’est les punir pour les actes qu’ils ont commis.
Punir les putschistes, ce n’est pas les punir pour eux-mêmes, mais pour que notre pays puisse se construire sur les fondements solides du respect de la loi.
Punir les putschistes, ce n’est pas les punir pour eux-mêmes, mais pour que « plus jamais ça » au Burkina Faso.

III. Juger pour tourner la page !
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Au moment où vous vous apprêtez à entrer en voie de jugement, je mesure toute la charge et la responsabilité qui est la vôtre : celle de juger vos semblables.
Vous le savez déjà. Mais au risque de heurter votre déférente considération, je me permets de rappeler les termes de l’article 77 de la loi portant procédure applicable devant la chambre criminelle, déjà invité aux débats par mon confrère FARAMA.
« La loi ne demande aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve ; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité́ de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : « Avez-vous une intime conviction ? » ».
C’est clair, c’est précis et c’est profond.
La seule prescription que la loi fait à chacun de vous, lorsque vous serez en voie de jugement, c’est de chercher, dans la sincérité de votre conscience, quelle impression ont faite, sur votre raison, les preuves rapportées contre les accusés dans cette affaire et leurs moyens de défense.
Quatre mots ou groupe de mots méritent que l’on s’y attarde : la preuve, les moyens de défense, la raison et la conscience

1. La preuve
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
C’est l’article 427 CPP qui prévoit le régime juridique de la preuve. « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par TOUT MODE DE PREUVE et le juge décide d’après son INTIME CONVICTION. Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et CONTRADICTOIREMENT DISCUTEES DEVANT LUI ».
Cet article pose trois règles : le principe de la liberté des preuves, le principe du contradictoire et l’intime conviction du juge.
Tout élément factuel peut donc constituer une preuve, qu’il s’agisse d’un indice, d’un écrit, d’une constatation matérielle, d’un témoignage ou d’un aveu. Telle est le sens du principe de la liberté des preuves. La doctrine et la jurisprudence sont unanimes là-dessus, je n’en dirai donc pas davantage.
L’intime conviction du juge lui permet d’apprécier librement la valeur et la portée des preuves.
Le principe du contradictoire oblige le juge à mettre toutes les parties à même de discuter les éléments de preuves produits.
Tout au long de l’instruction préparatoire et de l’instruction à votre barre, l’accusation a apporté d’importants éléments de preuves consistant en des indices, des procès-verbaux, des constatations matérielles et des témoignages. Au nombre de ceux-ci, l’on peut retenir les nombreux témoignages, les écoutes téléphoniques, les expertises des appareils électroniques et d’éléments audio, les éléments vidéo, etc.
Ces éléments de preuve, produits pendant les débats ont largement été discutés. Dans certains cas, les accusés ont usé et abusé de leur droit de se taire.
Monsieur le Président,
La quantité et la qualité de ces éléments de preuves vous permettent d’établir les différentes responsabilités pénales au-delà de tout doute raisonnable. En effet, la loi n’exige pas telle nature ou tel nombre d’éléments pour établir légalement un fait.
La loi s’en remet à votre intime conviction.
Elle attend de vous, de vous interroger vous-mêmes dans le silence et le recueillement.
Elle attend de vous de chercher, dans la sincérité de votre conscience, quelle impression ont faite, sur votre raison, les preuves rapportées contre les accusés, et les moyens de défense des accusés.

2. Les moyens de défense
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
S’agissant des moyens de défense, il y a lieu de rappeler que ceux qui tendant à la contestation de la matérialité des faits ou de leur imputabilité à l’accusé doivent être prouvés par lui, conformément aux règles ci-dessus exposées.
Ainsi, lorsque le Général DIENDERE affirme qu’il n’a fait qu’assumer le coup d’Etat à la demande de la hiérarchie militaire ou que l’expertise de ses appareils téléphoniques est truquée, c’est à lui de le prouver.
De même quand le Général BASSOLE affirme que les écoutes téléphoniques le mettant en cause sont des montages ou ont été manipulées, c’est à lui de le prouver.
Quand le Col Abdoul Karim TRAORE dit qu’il était au camp et dans les autres délégations à des fins de curiosité journalistique, c’est à lui de le prouver. C’est aussi à lui de prouver que les écoutes téléphoniques et le rapport d’expertise des appareils téléphoniques le mettant en cause sont fausses et ne constituent que de vulgaires montages.
Quand le Capitaine DAO dit qu’il n’a fait qu’exécuter des ordres, c’est à lui de prouver. De même, c’est à lui de prouver que le rapport d’expertise des appareils téléphoniques le mettant en cause est truqué
Quand Sidi Lamine Oumar conteste les audios et le rapport d’expertise des appareils téléphoniques le mettant en cause, c’est à lui de prouver qu’ils résultent de manipulation.
Quand dame DIAWARA Fatoumata soutient que les écoutes à charges contre elle sont des montages, c’est à elle de le prouver.
Quand le Lt Limon K. Jacques explique que l’expert SANFO a trafiqué ses sms pour le charger, c’est à lui de le prouver.
Monsieur le Président,
Comme eux, il revient au Bâtonnier TRAORE Mamadou de prouver que sa présence aux côtés du Gl DIENDERE et du CND n’est ni une coaction, ni une complicité, mais la réponse de l’avocat à une mission à lui confier par un client, en l’occurrence, le Président Macky SALL. C’est encore à lui de prouver qu’il avait été appelé par le Président Macky SALL à ce propos et qu’en retour, il a appelé Macky SALL pour rendre compte de sa mission, etc.
Parce que le Sergent ZERBO Laoko Mohamed, SANOU Ali et le soldat SOULAMA reconnaissent être allés au studio Abazon où une roquette a été tirée, il appartient à chacun d’eux de prouver que ce n’est pas lui qui a appuyé sur la gâchette.
De même, les membres de l’expédition destructrice de Zorgho doivent chacun prouver qu’il n’est pas l’auteur des dégâts dès lors que tous les indices démontrent le contraire.
Monsieur le Président,
Tout au long de ce procès, les accusés ci-dessus cités se sont distingués par les contestations de fait sans preuve comme nous venons de le démontrer. On se contente de dire c’est faux, ce n’est pas vrai, ce n’est pas authentique, c’est manipulé, exactement comme on aurait pu dire Dieu existe ou Dieu n’existe pas, c’est-à-dire sans la moindre justification, sans la moindre preuve.
Et quand les preuves de l’accusation et des parties civiles les accablaient, ils se sont réfugiés derrière le droit de se taire et un prétendu droit de mentir.

– Le droit au silence
M. Le Président, messieurs les juges,
Se taire et ne pas contribuer à sa propre incrimination est un droit fondamental pour tout accusé. Mais encore faut-il comprendre le sens et la portée de ce droit.
Le droit au silence sert à protéger la liberté de l’accusé de choisir de parler ou de garder le silence. Il vise à le mettre à l’abri d’une COERCITION ABUSIVE de la part des autorités. Ainsi, il n’est pas admis que l’accusation cherche à fonder la culpabilité sur des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions.
Le droit de se taire n’est donc pas un moyen de défense pour contester des preuves obtenues sans coercition. Ensuite, le droit de se taire n’est pas absolu. Les organes de protection des droits de l’Homme recommandent en effet d’examiner en cas de violation :
– la nature et le degré de la coercition,
– l’existence de garanties appropriées dans la procédure,
– et l’utilisation qui est faite des éléments ainsi obtenus
En terme clair, si l’accusé ne veut pas parler, on ne peut pas l’y obliger. Mais s’il y a des charges contre lui qui ne sont pas obtenues par la coercition abusive, elles seront retenues par le juge.
Dans le cas d’espèce, il n’y a eu aucune contrainte. A votre barre, les accusés ont refusé de parler alors qu’ils étaient assistés de leurs avocats et qu’aucune contrainte ni pression n’était exercée sur eux et ne pouvait être exercée sur eux.
Monsieur le Président,
Votre juridiction notera tout simplement que leur silence n’a pas détruit les charges qui pesaient sur eux et les retiendra donc dans les liens de l’accusation.

– Le droit de mentir
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Je ne vous poserais pas la question de savoir si un accusé a le droit de mentir, non. La seule question qui mérite d’être posée est de savoir s’il est permis de mentir tout simplement ? Pour répondre à cette question, permettez-moi d’inviter à cette audience, le philosophe E. KANT.
E. KANT nous donne dans « Doctrine sur la vertu » une réponse à cette question. Pour lui, le mensonge « est un crime de l’homme envers sa propre personne et une indignité qui le rend méprisable à ses propres yeux ».
Revendiquer le droit au mensonge pour se sortir d’une infraction, s’il n’a pas rendu les accusés méprisables à leurs propres yeux comme indiqué par KANT, au moins il vous aura, j’en suis sûr, renseigné plus que tout sur la personnalité des accusés.
Ceux qui ont menti, ceux qui ont tout fait pour vous faire tourner en bourrique, n’ont montré aucun indice de sociabilité. Ils ont manifesté le comportement typique du criminel impénitent.
Voyez vous-même Monsieur le Président :

LE GENERAL DIENDERE
Après avoir lui-même décrit avec force et détails les faits qu’il a commis et les circonstances desdits faits devant le juge d’instruction, après avoir donné spontanément les noms de ses complices, le Gl fait volte-face et nie tout en bloc. Sans aucun égard pour le fait que le monde entier l’a entendu par médias interposés dire que « Personnellement, je n’ai pas peur d’affronter la justice. Je prends toutes mes responsabilités, j’assume pleinement ma responsabilité », il n’a trouvé autre chose à dire à l’audience qu’un méprisant « Je n’ai ni commandité, ni planifié, ni exécuté le coup d’Etat ».
Mieux, tous ses moyens de défense se sont avérés être de vulgaires mensonges.
Le 16 septembre 2015, avant le coup d’Etat, il a reçu l’Adjt Nion à qui il a demandé si ce n’est pas encore fait.
Dès 16 heures, il s’est excusé auprès des officiers du RSP pour ne les avoir pas informés au préalable du coup d’Etat
A 17 h, le 16 septembre, il a demandé au DG de la police le soutien de la police pour le coup d’tat ;
Le même jour, il a appelé le DG de l’ARCEP pour demander de couper internet ;
Il a préparé la proclamation dès le 14 septembre 2015 ;

Le Gl BASSOLE
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Que penser du Gl BASSOLE qui a donné de l’argent en soutien du putsch. Il a donné de l’argent à Ismaël DIENDERE, il a donné de l’argent à OUEDRAOGO Adama dit Damiss et n’eut été son arrestation, il était sur le point de donner de l’argent à Fatoumata DIAWARA.
Il a aussi appelé le Lt Col DAMIBA pour l’inciter à venir au soutien des putschistes.
Il est rentré dans la base comme il dit lui-même dans sa conversation avec Guillaume SORO …
Les indices sont graves, précis et concordants.
Mais le Gl nie tout, au point de se retrouver prisonnier, non pas seulement de la Justice, mais aussi et surtout, de ses propres illogismes.
Tenez-vous bien, le Gl BASSOLE a saisi le Cour de Justice de la CEDEAO pour demander la condamnation du Burkina à lui payer 150 millions pour atteinte à sa vie privée au motif qu’il a été placé irrégulièrement sur écoute.
Mais, les mêmes écoutes qui sont pour lui une atteinte à sa vie privée devant la Cour de Justice de la CEDEAO, ne sont que de vulgaires fabrications devant votre juridiction. Peu importe pour lui qu’un expert mondialement reconnu affirme qu’il n’y a aucune trace de manipulation.

Le Col Maj KERE
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Lui rappelle cette image assez populaire. Un tableau représentant trois singes, assis côte à côte. Le premier ferme sa bouche à l’aide de ses deux mains, le deuxième, ses yeux et le troisième, ses oreilles. En haut du tableau, il est écrit : « pour bien vivre dans ce monde ». En bas de chaque singe, la réponse correspondant à sa posture : ne rien dire, ne rien voir et ne rien entendre.
Le Col Maj KERE voudrait sans doute n’avoir rien dit, ni rien vu, ni rien entendu. Mais le Col KERE était au cœur de l’action. Il a participé à toutes les réunions, il a signé les communiquées du CND, il a ordonné et coordonné des missions, notamment en Côte d’Ivoire et au Togo. Malgré tout, il n’est au courant de rien ou presque. Il ne se rappelle rien. Un officier supérieur, Chef de l’état-major particulier du Président, subitement frappé d’amnésie.
Point besoin d’en dire davantage.

Fatoumata DIAWARA,
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Bien que reconnaissant avoir eu des communications avec les personnes que les écoutes téléphoniques mettent en relations avec elle, elle conteste tout le contenu.
Elle n’a qu’un refrain : avec les NTIC, on peut tout faire.
Monsieur le Président, ce à quoi Dame DIAWARA avait à répondre à votre barre n’était pas de savoir ce que l’on peut faire grâce au NTIC ? Si au moins, elle vous prouvait ce qu’on a fait avec sa voie, grâce au NTIC.
Face à la cruauté de ses propos, Dame DIAWARA a choisi de botter en touche. C’est son droit le plus absolu. Mais ce faisant, elle reste en harmonie avec elle-même, mais en conflit avec la loi. C’est son choix, c’est respectable, mais votre juridiction ne s’en satisfera pas.

Le Capitaine Abdoulaye DAO,
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Lui n’a rien fait, absolument rien. Il n’a fait qu’exécuter des ordres de son chef. Mais le Cdt KOROGO, son chef, n’est pas au courant de tout ce qu’il a fait pendant le Putsch.
Ainsi :
Quand il apporte la proclamation du CND au MDNAC, son chef n’est pas au courant.
Quand il s’oppose à ce que le Lt ZAGRE Boureima soit celui qui va lire la proclamation du CND, son chef n’est pas au Courant.
Quand il propose le Cl BAMBA pour lire la même déclaration, son chef n’est pas au courant.
Quand il assiste le même Col BAMBA, lors de la lecture de la proclamation, son chef n’est pas au Courant.
Quand il se poste non loin de la RTB pour recevoir et transmettre les communiquées à lire au Col BAMBA, son chef n’est pas au courant.
Quand il appelle la rédactrice en chef de BF1 pour la couverture de la rencontre du Pdt du CND avec les SG des ministères, son chef n’est pas au courant.
Quand il organise des patrouilles, ses chefs ne sont pas au courant.
Quand il envoie une mission d’identification à SAVANE FM, son chef n’est pas au courant …
Quand il fait libérer le Président KAFANDO, son chef n’est pas au courant ;
Quand il participe à « noyer » les politiciens pour les voir agir au soutien du putsch, son chef n’est pas au courant.
Quand le Cpt DAO justifie le coup d’Etat par des motifs politiques, il exécute des ordres militaires.
La liste est longue.
Monsieur le Président,
C’est en raison de ses mensonges que le Col BAMBA, ici comparant, a maudit le jour où il a fait la connaissance du Cpt DAO Abdoulaye.

M. OUEDRAOGO Adama dit Damiss,
Le Journaliste intrépide, courageux, exemplaire, qui n’a pas craint pour sa vie en allant au front le 16 septembre 2015 pour faire vivre l’information. Rappelez-vous dans sa défense sur laquelle, Me SOME est revenu avec détail.
Mensonge.
Le relevé des appels téléphoniques du Gl DIENDERE versé au dossier lors de l’examen des pièces à conviction a révélé que le jour du putsch, avant même la prise d’otage, il était en contact avec le Gl DIENDERE.
13 appels et Sms échangés entre 13h8mn et 21h40, le 16 septembre 2015.
De 21h 40 à 2h 46, aucun appel, les deux étaient au Camp Naaba Koom 2.
De 2h46 à 3h40, 3 appels, c’est normal. Le Gl était reparti au MDNAC.
De 3h40 à 7h 39, aucun appel, les deux étaient encore ensemble au Camp Naaba Koom 2.
Avec Fatoumata DIAWARA, il est le seul des 84 accusés qui étaient à la fois en rapport étroit avec les deux Généraux. C’est tout dire.
Le Bâtonnier Mamadou Traoré
Les incohérences de la défense du Bâtonnier TRAORE ont été abondamment rappelées.

Maître TRAORE Mamadou dit qu’il était à Laico en tant qu’Avocat de Macky SALL. Mais Macky SALL n’était qu’un médiateur. Un médiateur a une équipe de médiation, pas un avocat. Un avocat peut être dans une équipe de médiation, mais alors, n’est plus l’avocat-conseil d’une partie.
Il est à noter que dans son rôle prétendu d’Avocat de Macky SALL, le Bâtonnier TRAORE n’a assisté qu’aux réunions avec le CND, c’est-à-dire avec les militaires. Il n’a assisté ni aux rencontres de Macky SALL avec les partis politiques, ni avec les OSC, ni avec les autorités coutumières et religieuses.
Etait-il donc conseil de Macky SALL ou des militaires ?

Le Col Abdoul Karim TRAORE, présent aux premières heures du putsch a participé à l’élaboration du communiqué du CND dont une copie a été trouvée en sa possession. Pis, il a été et cela a été révélé par les multiples écoutes téléphoniques présentées à la barre, le point de contact de Gilbert DIENDERE avec les éléments de la rébellion malienne qui étaient en soutien au putsch.
Bien que magistrat, il n’a pas craint d’aller jusqu’à remettre en cause les PV qu’il a signé. Il parait que l’accusé a le droit de mentir. De toute évidence, le Col Abdoul Karim Traoré ne parait pas s’en être privé.

Le Lt ZAGRE Boureima, l’officier en mission onusienne au Mali qui s’est retrouvé au cœur du putsch en accomplissant les missions les plus importantes. Bien que n’étant plus en service au RSP, il va exécuter les missions les plus importantes. C’est lui qui dirige la mission qui va chercher le matériel de maintien d’ordre au Togo. C’est encore lui qui est chargé de la protection de YIMDI.

Le Lt LIMON K. Jacques, la taupe. Etant en service au MDNAC, il s’est mis au service des putschistes à qui il donnait les informations. N’eut été l’expertise des téléphones des accusés, il serait passé par les mailles du filet.
Pour sa défense, le Lt LIMON s’est caractérisé par une obstination maladive à nier l’évidence. Accusant l’expert SANFO de tous les péchés d’Israël, il n’a versé au dossier aucun élément pouvant remettre en cause les lourdes charges qui pesaient sur lui.

Les sous-officiers et soldats :
ZERBO Laoko Mohamed, KOUSSOUBE Roger, MOUKORO Pascal et DAH Sami, PAGBELEM Amidou, PODA Ollo, NEBIE Adoul Nafion, SOULAMA Seydou, Saboué Moussa, Ly Amadou, KABORE Adama et DIALLO Adama ont tous nié avoir accomplis le moindre acte entrant dans le cadre de la consommation du coup d’Etat.
Ces accusés n’ont montré à votre barre aucun signe de repentir.
Si les autres ont eu la chance, KOUSSOUBE Roger, lui sera trahi par les caméras du SAVANE FM.
Vous en tiendrez donc compte Monsieur le Président.

Monsieur le Président,
Pour juger les preuves de l’accusation et les moyens de défense des accusés, la loi vous invite à avoir pour seul guide votre raison et votre conscience.

3. La raison
M. Le Président, messieurs les juges,
La loi en appelle à votre raison. Elle vous dit de chercher quelle impression ont fait, SUR VOTRE RAISON, les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense.
La loi se confie ainsi à vous, simplement en tant qu’humain, en tant qu’être doué de raison. Elle vous demande de dire dans la décision à intervenir, quelle impression ont fait, sur ce qu’il y a d’humain en vous, c’est-à-dire sur votre aptitude de discerner le vrai du faux, le juste de l’injuste, les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense.

Monsieur le Président,
Les accusés sont venus à votre barre, contre les charges les plus lourdes, ils ont refusé de se défendre, ils ont refusé de parler.
Ils sont venus à votre barre, nier les faits qui leur sont reprochés, sans aucun élément de preuves susceptibles de détruire les charges portées contre eux.
Des témoins ont comparu. Leurs déclarations ont remis en cause tous les alibis montés de toutes pièces par les accusés.
Le parquet a produit les charges les plus accablantes : des écoutes téléphoniques, des vidéos, des scellées, des expertises, des relevés d’appels téléphoniques, etc.
Les parties civiles ont témoigné. Elles ont relaté les faits, elles vous ont raconté leur misère en ces jours tristes et sombres du 16 septembre 2015 et jours suivants. Leurs témoignages n’ont pas fait qu’émouvoir, ils ont détruit tous les alibis de la défense.
Le mensonge peut vite courir, mais la vérité finit toujours par le rattraper, dit-on.
Face à la surabondance des preuves, la défense s’est effondrée. Elle a fondu comme du beurre au soleil.
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
Mes confrères de la partie civile ont retracé les faits. Ils ont relevé avec sérieux et professionnalisme les éléments constitutifs des différentes infractions. Ils ont démontré l’imputabilité des différentes infractions à chaque accusé, chacun en ce qui le concerne.
Au regard de tout ce qui précède, discerner le vrai du faux et le juste de l’injuste ne pose plus aucun défi à votre raison, encore moins à votre conscience.

4. La conscience
Monsieur le Président, Messieurs les juges,
La loi vous prescrit de vous interroger vous-mêmes, DANS LA SINCERITE DE VOTRE CONSCIENCE, quelle impression ont fait, sur votre raison, les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense.
C’est une lourde responsabilité.
De haut du prétoire, vous êtes soumis à toutes sortes de pression.
Les victimes et leurs familles vous interpellent,
Les accusés et leurs familles vous implorent,
Les politiciens, tous bords confondus, vous courtisent,
Vos supérieures hiérarchiques vous observent,
La société se confie à vous.
Tous voudraient que vous fassiez pencher la balance de leur côté.
Mais vous ne céderez à aucune sirène.
Vous ne chercherez à plaire à personne.
M. Le Président, Messieurs les juges,
Vous ne devez des comptes qu’à votre conscience.
C’est elle l’autorité légitime qui vous jugera.
Oui c’est votre conscience, la seule autorité légitime qui prendra contre vous une sanction, si votre intime conviction se laisse déterminer par autre chose que les faits et les preuves produites au dossier.
Vous ne vous laisserez pas détourner par les cloches de la réconciliation, ni celle d’une justice dite transitionnelle qui ne vous mènera en l’espèce qu’à l’injustice et à l’impunité.

———————-

M. Le Président, Messieurs les juges,
Au début de mon propos, je disais qu’il y a un temps pour tout. Voici à présent venu le temps pour vous de rendre la Justice. En rendant la Justice, vous aurez montré que notre pays n’a point besoin d’une Justice transitionnelle.
N’écoutez pas les sirènes qui vous disent qu’il y a un empêchement dirimant au mariage entre la Justice et la Paix. Ce n’est pas vrai.
La Justice est plutôt un facteur de paix. Oui « la paix véritable, ce n’est pas seulement l’absence de tension : c’est la présence de la Justice », comme le disait Martin Luther King.
En rendant justice, comme le petit colibri qui s’active à éteindre un incendie avec de l’eau transportée avec son bec, vous aurez fait VOTRE PART dans la consolidation de la démocratie et de la paix.
Mais, si vous vous écartez de la Justice pour tout autre raison, y compris cette prétendue réconciliation, vous aurez détruit vous-même, les fondements essentiels de la paix.
Protégez la Justice.
Protégez votre fonction.
Dites le droit et laisser la réconciliation aux politiques.
J’ai dit !
J’ai plaidé !
Je vous remercie.

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