Les plaidoiries dans le cadre du procès Thomas Sankara et ses douze compagnons se poursuivaient le lundi 7 février 2022. Le général Gilbert Diendéré reste le seul accusé dont les avocats des parties civiles doivent démontrer sa culpabilité. Me Prosper Farama est celui qui était chargé de démontrer que le général est bel et bien impliqué dans le coup d’Etat du 15 octobre 1987. Il est accusé de complicité d’assassinat, d’attentat à la sûreté de l’Etat et de recel de cadavres.
Par Rama Diallo
A l’entame de sa plaidoirie, Me Prosper Farama a tenu à préciser que les évènements du 15 octobre 1987 ne doivent pas être qualifiés de coup d’Etat mais de « coup de force ». Ajoute t-il, le Burkina Faso n’avait jamais eu de coup d’Etat sanglant comme celui du 15 octobre.
«Certaines personnes se demandent à quoi sert ce procès alors que les événements durent depuis 34 ans. Ils se disent pourquoi ne pas pardonner. Je réponds, ce procès c’est pour rendre justice. Et on pardonne à celui qui demande pardon», poursuit l’avocat.
Prosper Farama a tenté de faire le portrait des trois principaux accusés dans ce dossier. Il a commencé par Blaise Compaoré. D’après lui, Blaise Compaoré, est connu pour être un homme calme, discret mais froid à l’action.
Au regard des propos tenus par certains accusés concernant Hyacinthe Kafando, l’avocat dira que «Hyacinthe Kafando était capable pour un rien d’abattre qui il voulait. C’était un dieu après Dieu ou plutôt un diable après Dieu. Il était indiscipliné, non maîtrisable. Mais je crois que tout ça, c’était après le coup d’Etat». Pour Me Farama, Hyacinthe Kafando se comportait ainsi parce qu’il avait contribué à donner le pouvoir à Blaise Compaoré.
Concernant le général Gilbert Diendéré, il dit que c’est un homme calme, sympathique sauf si ce n’est qu’une apparence. «Il est très intelligent même s’il a fait ce qu’on appelle le coup d’Etat le plus idiot du monde», indique Prosper Farama.
L’avocat révèle à la barre que l’accusé Gilbert Diendéré «à mal à la responsabilité». Car il n’assume jamais ses responsabilités.
Il a justifié ses propos en évoquant l’affaire Dabo Boukari. L’étudiant en 7e année de médecine torturé au conseil de l’entente (le lieu ou Thomas Sankara a été d’ailleurs assassiné, ndlr) et assassiné par la suite. Me Farama a rappelé que le général n’était pas un accusé dans l’affaire mais un témoin qui a refusé de reconnaître sa responsabilité. C’était le même cas dans le dossier David Ouédraogo, employé de François Compaoré, petit frère de Blaise Compaoré.
«Le général Diendéré est loyal. Il était les yeux, la bouche je dirai même la peau de Blaise Compaoré», a martelé l’avocat
Le général vient d’un village nommé Song Naaba qui signifie en mooré « aider et protéger le chef», explique Me Prosper Farama. Selon ses dires, cela expliquerait le dévouement et la loyauté du général envers Blaise Compaoré.
L’avocat signifie au tribunal que certains témoignages montrent clairement l’implication de Gilbert Diendéré dans les évènements du 15 octobre. Il a donné l’exemple du témoignage du standardiste du conseil de l’entente le 15 octobre qui a avoué que Gaspard Somé a passé tout le temps à téléphoner le général. Alors que c’est ce dernier qui a tué Michel Koama le chef de l’Escadron de transport et d’intervention rapide (Etir).
Il a également cité d’autres témoignages qui confirment la présence du général au conseil au moment des tirs. Ces témoins ont confirmé à la barre que Gilbert Diendéré avait levé la main avant les tirs.
Selon l’avocat, Blaise Compaoré aurait dit cela lors des explications du coup d’Etat. « L’un de mes lieutenants a levé la main et les soldats ont cru qu’il leur avait demandé de tirer » Me Farama pense que le général est ce lieutenant dont Blaise Compaoré a fait cas.
Me Prosper Farama a relevé que le coup d’Etat a été savamment préparé par les hommes de Blaise Compaoré contrairement à ce que Gilbert Diendéré veut faire croire.