A la demande du gouvernement, la Confédération du coton textile et habillement du Burkina Faso s’est engagée à produire 12 millions de masques de protection contre le Covid-19 à distribuer aux élèves et enseignants sur toute l’étendue du territoire national. Pour relever ce défi de production massive, la Confédération a fait une répartition par région administrative. C’est ainsi que dans la région du Centre-ouest, il est attendu près d’un million de masques avant le 10 mai. Pour en savoir sur ce qui se fait pour que ce pari soit tenu, Libreinfo.net est allé à la rencontre des acteurs de la couture.
Par Ben Mohamed Ouédraogo/ collaborateur
Ces millions de masques ou cache-nez attendus de la Confédération du coton textile et habillement doivent être en coton bio produit au Burkina Faso. A Koudougou, les acteurs sont à pied d’œuvre pour relever ce défi national qui s’inscrit en droite ligne de l’idéal ‘’Consommons burkinabé’’.
Dans son usine située au secteur 10 de la ville de Koudougou, le styliste François 1er Yaméogo, vice-président de la Confédération, veille à ce que tout se déroule bien. Entre plusieurs actes en interaction avec ses collaborateurs, il laisse entendre : « On s’est tous mis dans les masques parce que c’est une question de maladie. En tant que couturier, il fallait apporter notre contribution. Et puis, on ne peut pas à chaque fois importer les masques d’autres pays, alors qu’on a des possibilités [de les confectionner ici]. Il faut que les devises restent au Burkina Faso. Ce sont les raisons pour lesquelles nous sommes engagés dans cette démarche. On a sensibilisé des couturiers pour que les masques soient 100% coton et conformes » aux spécifications requises par l’Agence burkinabé de normalisation (ABNORM). Et d’ajouter, « C’est une initiative qui soulage notre économie ».
A propos de la qualité des masques, le styliste François 1er confie que : « Ce ne sont pas des masques médicaux qui sont fabriqués à Koudougou, mais des masques de protection ». A l’en croire, « Ces masques sont tissés selon les normes ABNORM. Ce sont des masques de très bonne qualité. Le coton est débouilli, blanchi pour être débarrassé de ses impuretés pour un tissu propre et un cache-nez de qualité ».
Du reste, dira-t-il, « Nous connaissons les réalités des uns et des autres. Ce matériel est pour la grande consommation, la grande distribution afin que chacun puisse se protéger même s’il faut que reconnaitre que le couturier va pouvoir payer son personnel et certaines charges. C’est le plus important ».
« … savoir faire quelque chose avec ses doigts que lire et écrire seulement »
L’autre réalité, c’est que cette opération de production massive de masques de protection intervient à un moment où, du fait de la morosité généralisée subséquemment au Covid-19, de nombreux couturiers ne travaillent presque plus. La confection de ces masques permet donc de les occuper. Même si certains prétendent qu’ils n’y gagnent pas grand-chose, les retombées financières de cette production leur permettront certainement de payer leur loyer et l’électricité.
Ce contexte du Covid-19 ayant aussi entrainé la fermeture des écoles et universités, certains étudiants tentent la reconversion dans l’espoir de pouvoir supporter les besoins financiers du moment. Fait partie de ces étudiants qui s’occupent autrement, Frank Abel Gamboné, étudiant en 1ère année en SVT à l’Université Norbert Zongo de Koudougou. En effet, le jeune Gamboné a entamé la couture de masques au sein de l’atelier de François 1er, alors qu’il n’avait aucune formation en couture. « Avec la situation, il me fallait chercher quelque chose à faire pour ne pas être expulsé de ma maison par le bailleur. C’est dans cette recherche que je suis chez François 1er. Je couds les masques pour avoir de quoi subsister en attendant la reprise des cours », nous a-t-il confié.
Aux dires du maître des lieux, il « apprend vite ». Si cette rapide intégration professionnelle peut s’expliquer par une prédisposition jusqu’alors cachée, elle tient aussi à une autre raison que dévoile l’étudiant en ces termes : « Je ne suis pas un employé de la maison ; alors, je suis payé en fonction de ma production. C’est pourquoi, j’ai fait beaucoup d’efforts pour apprendre vite et produire beaucoup. Je n’avais jamais mis les pieds sur une pédale d’une machine à coudre et aujourd’hui je me débrouille bien ; comme quoi, quand on s’y met avec le cœur, on apprend vite ». Mieux, la conviction de l’étudiant semble établie que « c’est toujours bon de savoir faire quelque chose avec ses doigts que lire et écrire seulement ».
« … que l’Etat nous confie aussi la confection des tenues militaires, scolaires, … »
Dans la cité du ‘’Cavalier rouge’’, de nombreux couturiers sont ravis de la confiance faite par l’Etat à leur égard en leur confiant la production des masques de protection. C’est le cas de Wendmalegdé Tiendrébéogo, président de l’amical des jeunes couturiers du Centre-ouest pour qui, « C’est une idée louable et nous en sommes très contents. C’est un travail à la chaine dans laquelle tout le monde gagne son compte. C’est ici la vraie valeur de ‘’consommons burkinabè’’ ». Et d’ajouter, « Cette initiative, ces temps-ci, nous apporte un petit ouf de soulagement puisque c’est une période morte due aux restrictions pour faire reculer la maladie et cette commande nous permet d’engranger quelques bénéfices pour permettre à nos ateliers d’exister toujours après cette situation ».
Au-delà de ce contexte de Covid-19, M. Tiendrébéogo souhaite que nos autorités continuent dans cette démarche de confiance aux acteurs nationaux. Dans ce sens, précise-t-il, « Nous souhaitons que l’Etat nous confie aussi la confection des tenues militaires, scolaires, des blouses et autres ; car ce sera bénéfique pour tous les acteurs de la chaine ».
En attendant, ceux qui utilisent déjà ces masques fabriqués localement soutiennent qu’ils sont de bonne qualité. A en croire certains d’entre eux, ces masques ont la capacité de rendre l’air moins chaud pour les narines.
Au rang des utilisateurs, il y en a aussi qui louent la trouvaille de l’Etat. C’est le cas d’Adama Ouédraogo, un des premiers utilisateurs de ce modèle de cache-nez. Selon lui, « Ce sont des masques de bonnes qualité à base de coton bio sans aucun mélange avec d’autres produits. On ne s’étouffe pas quand on le porte. L’Etat a libéré son génie dans la commande de ces masques aux acteurs de la fière coton et textile. N’eut été cette pandémie, on ne saurait pas que des cache-nez de cette qualité pouvaient être fabriqués au Burkina Faso par des acteurs locaux. J’ai bon espoir que d’autres choses similaires seront faites à l’avenir. Merci à l’Etat et bon vent aux artisans ».
« La région livrera ses masques dans le délai »
A en croire le styliste François 1er, les acteurs de la Confédération du coton textile et habillement du Burkina Faso dans la région du Centre-ouest sont confiants que tous les masques seront livrés à bonne date, c’est-à-dire avant le 10 mai. Mais, la livraison se fera de façon successive par lots.
« Pour l’instant, dira François 1er, notre souci, c’est d’offrir la matière première aux différents couturiers. La production dans mon atelier est insignifiante. Ma démarche, c’est d’encadrer les gens, les amener à produire les masques selon les normes voulues. Eux, ils sont prioritaires. C’est pourquoi, je m’occupe personnellement de la coupe du tissu pour eux. J’ai le matériel, avec la technologie que j’aie ça me permet de couper le modèle en grande quantité. Je peux couper jusqu’à 20 mille cache-nez par jour. Si les couturiers devraient couper des grandes quantités à la main, ce n’était pas évident. Dans tous les cas, c’est ensemble qu’on va honorer la commande de la région ».
La clef de répartition de la production des 12 millions de masques
Requise pour la production des 12 millions de masques, la Confédération du coton textile et habillement du Burkina Faso a procédé à la répartition de cette production entre les différentes régions du pays. Dans ce sens, chaque région, en fonction de certains critères, reçoit une commande. Ainsi, chaque faitière signe une convention avant de commencer la fabrication des cache-nez commandés.
Le Centre-ouest a reçu une commande de 350 balles de 72 pagnes avec une estimation de près d’un million de masques. A Koudougou, ce sont 6 grandes faitières regroupant chacune des centaines de couturiers qui se sont engagées à participer à la confection de ce matériel de protection. A côté de ces dernières, d’autres acteurs qui ne sont affiliés à aucune structure viennent prendre des commandes de petites quantités auprès de François 1er.
A noter que le budget prévu pour la production de ces masques de protection s’élève à 3 milliards de FCFA. Toute cette somme reste au Burkina Faso, parce que le coton y est produit, ce coton est transformé en fil par une société nationale, tissé sur place, et cousu par des acteurs nationaux aux profits des populations. Cette démarche est une première dans cette filière.
De l’avis du styliste, le port de masques de protection doit rester dans la culture des Burkinabè, parce qu’on a du vent accompagné presque toujours de poussière.
Signalons que la Confédération du coton textile et habillement du Burkina est une structure associative mise en place à la faveur de la dernière édition du Salon international du coton et du textile (SICOT).
