La province du Soum dont le chef-lieu est Djibo enregistre des attaques terroristes meurtrières depuis 2015. Du fait de ces attaques, plusieurs communes et villages sont vidés de leurs habitants. Pire, les auteurs de ces attaques semblent vouloir isoler la province du reste du Burkina Faso.
Par TAM‘S, Correspondant/Soum
Même si la fréquence des attaques terroristes sur les populations civiles a relativement baissé, la province du Soum est toujours risquée sur le plan sécuritaire. Il y a quelques jours, une embuscade tendue par les terroristes dans les environs de Mentao a entrainé la mort d’un gendarme et la disparition d’un autre. Puis, au moins cinq camions transportant des produits comestibles ont récemment subi des tirs sur l’axe Djibo-Namssigua, occasionnant d’importants dégâts matériels.
Ces situations sont survenues dans un contexte où la ville de Djibo est soumise à un blocus de la part d’hommes armés. Depuis plus de deux semaines en effet, sur toutes les voies d’accès à ladite ville, ces hommes armés ont pris position en empêchant toute personne de faire rentrer des produits de consommation ; ce qui a entrainé un renchérissement des quelques produits de première nécessité qu’il y a encore à Djibo. L’économie locale basée essentiellement sur l’élevage s’en trouve véritablement affectée. Du reste, les marchés à bétail de Pètegoli, de Bougué, de Lassa, et de Belhouro qui approvisionnent généralement Djibo en produits divers et en bétail sont fermés. Même si le marché à bétail de Djibo reste ouvert, la morosité y règne.
Le poumon économique de la province, durement affecté
Selon Amadou Djiblirou, commerçant de bétail, « il n’y a plus grand-chose à vendre » dans le marché à bétail de Djibo. Avant la crise sécuritaire, confie M. Djiblirou, « par jour de marché, je pouvais avoir 100 000 FCFA à 200 000 FCFA comme bénéfice net. De nos jours, à peine 10 000 FCFA ou 20 000 FCFA par semaine ; c’est la misère ». Cette situation est due, à en croire M. Djiblirou, au fait depuis « près d’un mois, des HANI (hommes armés non-identifiés, Ndlr) ont installé des check-points et refusent toute entrée d’animaux » sur le marché à bétail de Djibo qui est pourtant le poumon économique de la province du Soum.
Cette impossibilité de desserte a également entrainé la rareté de carburant dans la ville de Djibo. Conséquence, les quelques rares revendeurs qui en font la commercialisation par bouteille vendent le litre à 2 000 FCFA. Même à ce prix, « on n’en trouve plus », nous dira Moussa Sawadogo, revendeur de carburant.
« Nous marchions ensemble, la peur au ventre et prions ne pas tomber sur des HANI »
De plus, des véhicules de transport en commun ont récemment été contraints de rebrousser chemin dans leur trajectoire vers Djibo. Leurs passagers ont ainsi été obligés de rallier Djibo à pied. Faisait partie de ces malheureux passagers, Hamidou Maïga, un enseignant de 34 ans. Son témoignage est le suivant : « de retour de Ouaga, le car qui nous transportait a décidé de ne pas continuer car des HANI se sont installés aux abords de la voie et refusent la circulation de tout véhicule. Il y avait déjà trois camions sur la route qui, soit ont les pneus criblés de balles, soit ont les clefs retirés par ces hommes armés. Nous avons passé deux nuits à Namssigua dans des conditions difficiles. C’est une petite bourgade et nous étions plus d’une centaine de personnes. Du moment qu’on était à 36 km de Djibo et que nous ne voyons pas d’autres perspectives, nous nous sommes concertés et avons décidé de prendre la route le lendemain à partir de 5h30mns. Nous marchions ensemble, la peur au ventre et prions ne pas tomber sur des HANI. Ce n’était pas facile, surtout pour beaucoup d’entre nous qui roulions toujours à moto. Les pieds faisaient mal avec la chaleur dans les chaussures, la soif nous tenait et les jambes devenaient lourdes ; mais la volonté d’arriver à destination a pris le dessus, et Dieu merci vers 11h 30 nous sommes arrivés Djibo ». C’était le 7 mai dernier.
Dans cette dynamique de rallier Djibo à pied, Hamidou Maïga et son équipe n’ont pas rencontré des HANI. Toutefois, révèle M. Maïga, « un autre groupe de passagers qui ont pris des raccourcis [le 8 mai] sont tombés sur eux (HANI, Ndlr) mais n’ont pas été inquiétés ». Face à cette situation, les compagnies de transport, semble-t-il, requièrent une escorte militaire de leurs cars en direction de Djibo.
A Djibo, il y a plus de 200 000 déplacés internes
Rappelons qu’au début de la crise sécuritaire dans la province du Soum, les cibles des HANI étaient essentiellement les Forces de défense et de sécurité (FDS). Par la suite, des personnes ressources dans plusieurs localités ont été assassinées par ces HANI. A partir de fin 2017 et début 2018, la situation s’est fortement dégradée de sorte que les habitants de villages entiers ont été obligés de se déplacer vers les centres urbains, pour se mettre à l’abri d’attaques meurtrières. C’est ainsi que la ville de Djibo a recueilli ces dernières années plus de 200 000 déplacés en provenance de l’intérieur de la province du Soum.
Dans la plupart de ces localités, les autorités et autres agents de l’Etat ont déserté leurs services dès les débuts de ces attaques généralisées. Ce fut le cas notamment dans les Communes de Nassoumbou, de Koutougou, de Baraboulé, et de Tongomayel. Même à Djibo, il n’y a encore que les services de la Santé et de l’Education nationale qui sont fonctionnels.