Dans la nuit du 11 au 12 juin 2022,des groupes armés terroristes ont mené une attaque dans la commune de Seytenga dans la province du Séno, région du Sahel. 86 personnes ont été sommairement exécutées par les groupes armés terroristes selon le gouvernement. Quel a été le scénario ? Qui sont ceux qui ont perpétré ce massacre ? Comment étaient-ils armés ? Un rescapé de la commune explique à Libreinfo.net le film de l’horreur. Lisez!
Propos recueillis par Nicolas Bazié
Libreinfo.net: Racontez-nous l’attaque de Seytenga dans la nuit du 11 au 12 juin?
Dans la nuit du 11 juin, aux environs de 19h, les terroristes ont fait irruption dans la commune de Seytenga. Ils sont entrés par l’artère principale, et il y avait des jeunes qui étaient en train de prendre du thé, les commerçants étaient en activité.
A la surprise de tout le monde, ils ont commencé à tirer sur tout ce qui bouge. C’est devenu du carnage. Ils ont plus ciblé les jeunes. Sept jeunes étaient en train de prendre du thé, ils ont tous été tués. C’est devenu le sauve qui peut. Les gens couraient dans tous les sens mais les terroristes continuaient de tuer. Beaucoup ont laissé leurs nourritures au feu.
Après ça, ils ont commencé à fouiller les maisons. Dès qu’ils tombent sur un homme, ils l’abattent immédiatement, à bout portant. Tous ceux qui fuient vers les localités environnantes sont rejoints à moto et exécutés. Ils ont tué la plupart des nantis de la commune.
Il y a un homme, quand les terroristes sont arrivés chez lui, il leur a dit qu’il allait leur donner des millions pour qu’ils lui laissent la vie sauve. Les terroristes lui ont dit : nous ne voulons pas de ton argent, nous voulons ton âme, ta vie. Ils l’ont tué et ils ont pris tout son argent avant de brûler sa moto.
Libreinfo.net: Est-ce que la menace de l’attaque de Seytenga était prévisible?
La menace de l’attaque était bien prévisible à Seytenga. Puisque les problèmes ont commencé depuis que les habitants de Soffokel ont fui pour rejoindre Seytenga, après une attaque qui n’a pas fait de victimes dans leur zone. Les terroristes avaient promis de rejoindre tous ceux qui se sont réfugiés à Seytenga un jour. Les terroristes ont donc pu entrer à Seytenga, avec la complicité de certaines personnes venues d’ailleurs à qui les hommes armés ont promis de ne pas s’en prendre à eux. Mais une fois dans la commune de Seytenga, bon nombre des complices ont été tués.
Libreinfo.net: Qui sont ceux qui ont commis ce massacre?
Généralement ce sont des gens qui viennent et qui parlent de l’islam, en prônant le vivre-ensemble, la cohésion sociale. Ils s’installent tout simplement, sans que l’on ne puisse soupçonner quelque chose. Quelque temps après, dans leurs prêches, ils commencent à vous dire d’éviter certaines coiffures, certains habillements.
Ils appellent aussi les populations à renoncer à la consommation de l’alcool. Après cette étape, ils s’en prennent à vous, en vous chassant de la zone. Ils s’accaparent maintenant de vos biens, dont le bétail, les grosses motos et tout ce qui se trouve dans les marchés, sans oublier les points de vente du carburant.
Libreinfo.net: Comment étaient-ils armés?
Ils étaient vachement armés avec une grande quantité de munitions, contrairement à nos forces de défense et de sécurité qui n’ont que deux ou trois chargeurs. Les terroristes détenaient même des armes lourdes que notre armée n’a certainement pas.
Il y a deux jeunes de la localité qui étaient les éclaireurs des terroristes. Ils venaient voir la position des FDS et repartaient rendre compte. Après le départ des soldats, ces jeunes sont revenus pour s’assurer du départ effectif. Ils sont allés dire aux terroristes qu’ils peuvent maintenant faire une descente à Seytenga, et un des jeunes a fui. Mais je ne sais pas ce qu’il devient.
Concernant l’autre, bien avant le massacre, il avait été accusé d’être un complice des terroristes et les habitants l’ont frappé. Énervé, ce jeune a déclaré être de mèche avec les terroristes et que de toutes les façons, Seytenga sera en cendres. Par ailleurs, à 19h, quand les terroristes ont pu faire leur entrée dans la commune, c’est lui qui montrait les cours des personnes à tuer. Après le massacre, ils ont emmené le jeune en question dans la cour de son papa et ils l’ont tué à son tour.
Libreinfo.net: Le gouvernement parle de 86 corps dénombré dans l’attaque de Seytenga, vous confirmez ce bilan?
C’est faux ! C’est faux ! Le bilan n’est pas exact. Je vous assure que les victimes valent 170 à 200. Les corps étaient éparpillés. Il y a certaines cours où les corps étaient en état de putréfaction, et certaines personnes c’est en fuyant qu’elles ont été tuées. En plus, il y a un gros trou en allant vers Sampelga, où d’autres personnes ont été exécutées. Les terroristes ont aussi l’habitude de tuer et jeter les corps dans des caniveaux.
Libreinfo.net: Combien de corps avez-vous compté?
Nous n’avons pas pu compter parce que beaucoup de corps dégageaient déjà des odeurs. Les gens ont dû les pousser pour les mettre dans un trou. Mais c’est sûr que les victimes de cette attaque dépassent les 86.
Quelques jours même après l’attaque, deux commerçants sont répartis dans la zone. Quand ils sont arrivés, en voulant ouvrir leurs boutiques, ils ont été abattus par les terroristes qui étaient encore dans la commune.
Libreinfo.net: Quelle est la situation des déplacés internes aujourd’hui à Dori après l’attaque de Seytenga?
C’est triste ! Il y a des déplacés qui dorment dans les boulevards, d’autres dans des couloirs. La plupart sont sans abri et tournent avec la faim. Ils sont sans argent aussi. Il y a eu un recensement qui a été fait, et des déplacés ont pu avoir du riz et de l’huile. Mais ça ne va toujours pas parce qu’il y a des difficultés d’argent, de logements, de ration alimentaire. Je pleure parce que ces personnes souffrent. Des jeunes valides qui marchent dans les rues de Dori. Les gens ont peur de les loger chez eux parce que dans une situation pareille, on ne sait pas qui est qui.
Libreinfo.net: Est ce que les déplacés ont reçu l’accompagnement du gouvernement ?
J’ai vu une femme qui a reçu du riz, de l’huile et quelques habits. Mais les déplacés sont nombreux. Jusqu’à présent (vendredi 17 juin ndlr), il y a certains qui ne se sont pas encore inscrits. Pourtant tout est cher à Dori.
Actuellement personne ne peut repartir vers Seytenga. Les terroristes sont en train de casser les boutiques et vident leurs contenus. Ils ont aussi emporté le bétail. Il n’y a plus personne.
