La commune de Pobé Mengao serait-elle en train de montrer la voie d’un retour à la paix dans les localités où le vivre ensemble a été gravement compromis par la crise sécuritaire ? Située à 25 km de Djibo, Pobé Mengao est l’une des 9 communes de la province du Soum. Les attaques terroristes répétées dans la provine avaient fini par avoir raison de la cohésion sociale et du vivre ensemble des populations. Les tensions entre les communautés s’accusant mutuellement de complicité avec l’ennemi avaient conduit à des affrontements et occasionné le départ des membres de la communauté peule des villages de la commune.
Une correspondance de Inoussa Sankara
Après deux ans de tensions et de conflits avec morts d’hommes et destruction de biens, les communautés de la commune de Pobé Mengao ont décidé de commun accord de se parler pour un retour de la paix dans leur localité. Grace à la médiation de personnes ressources des communautés concernées et la facilitation de l’administration publique et d’ONG, quatre rencontres ont été organisées pour asseoir les bases d’un dialogue.
La dernière rencontre s’est tenue le 20 Mars à Pobé Mengao. Les représentants des communautés étaient présents pour se parler, se pardonner, oublier le passé et redevenir frères. La rencontre s’est transformée très vite en de joyeuses retrouvailles entre anciens voisins, amis, vendeurs ou acheteurs. Chacun se demandant comment une situation aussi déplorable avait pu se produire entre des gens qui ont toujours vécu ensemble.
Les populations avaient souhaité la présence de l’administration pour être témoin de l’évènement et c’est le Préfet qui a fait le déplacement de Pobé Mengao.
De 10 heures à 14 heures, il y a eu plusieurs interventions dans chacune des langues parlées dans la localité. A la fin de la rencontre, plusieurs décisions ont été prises. Les participants se sont ainsi engagés à s’accorder mutuellement le pardon et à travailler à un retour de la fraternité entre toutes les communautés. Les autres décisions portent sur la libre circulation des personnes et des biens et le retour volontaire de tous les déplacés.
Après la rencontre, des personnes qui avaient fait plus d’une année sans mettre le pieds dans le village ont pu circuler librement, faire leurs achats, redécouvrir les ruelles du village et aller rendre visite aux connaissances.
Moussa Konfé, un habitant de Pobé Mengao raconte avec émotion : « ce qui est arrivé aujourd’hui était impensable il y a quelque mois. Vraiment Dieu est grand. Quoi de plus beau que de se serrer les mains et de rire ensemble ! Je viens de retrouver mon voisin de champ. On se connait il y a plus de 40 ans et on faisait tous les marchés de la province ensemble et d’un coup, on était devenus des ennemis et chacun voulait en découdre avec l’autre. C’est un grand jour. Je suis pauvre sinon j’allais égorger un bœuf pour fêter les retrouvailles »
ISSA Diadié un homme d’une quarantaine d’année parle en se retournant à chaque fois, comme s’il craignait quelque chose « Vous avez vu ce qui s’est passé ce matin ? C’est Dieu qui a mis sa main. Qu’il nous donne la force et accepte encore nos prières. Nous sommes tous fatigués. Mossis, Peulh, Fulcés, volontaires pour la défense de la patrie, forces de défense et de sécurité, civils et militaires, tout le monde est fatigué avec cette situation. Il faut mettre fin à tout ça. Sinon, quel héritage allons-nous laisser à nos enfants ? Ils vont continuer dans la même absurdité et ce sera une spirale sera sans fin ». Après ses propos, ISSA Diadié est allé rejoindre Saidou KIEMDE, une connaissance perdue de vue depuis longtemps.
En ce jour du 20 Mars 2021, les communautés de Pobe Mengao ont-elles ouvert la voie de la réconciliation tant prônée par le Président du Faso ? En tout cas, cette expérience pourrait servir d’exemple à d’autres localités pour le retour de la paix et des déplacés dans leurs villages.