Le président du Ghana John Dramani Mahama a été en mission de séduction, dans les pays de la Confédération des Etats du Sahel, en mars 2025. Le renforcement de la coopération bilatérale a été au menu des plats de résistance à Bamako, Niamey et à Ouagadougou.Par Nicolas Bazié
Avant de fouler l’espace de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), John Dramani Mahama a d’abord été à Abidjan en Côte d’Ivoire. Là, avec son homologue ivoirien Alassane Ouattara, ils ont mis en avant la nécessité de négocier avec le Mali, le Burkina et le Niger, pour qu’ils reviennent dans la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Le président Mahama a été même mandaté pour échanger avec les présidents Goïta, Traoré et Tiani. Lui qui semble s’entendre avec ces trois chefs d’Etats dont leurs pays ont quitté la CEDEAO.
Le ballet diplomatique qu’il a entamé, dans un premier temps, dans les pays membres de la CEDEAO a consisté à rassurer ces États de l’engagement du Ghana à œuvrer pour la paix au sein de l’organisation sous-régionale.
Par exemple, le 16 décembre 2025, à Abuja, John Dramani Mahama (qui n’avait pas encore été investi) a indiqué qu’il va « travailler de concert avec le Nigéria pour relever les défis communs et promouvoir la prospérité de la CEDEAO ».
Le 18 décembre 2024, au Togo, il promet à son homologue Faure Gnassingbé d’œuvrer au maintien de la paix et d’un climat de bon voisinage. Au Bénin, le 23 décembre 2024, après une rencontre avec son homologue Patrice Talon, il déclare : « Je suis déterminé à renforcer les relations du Ghana avec tous nos voisins d’Afrique de l’Ouest. »
En Gambie, le 17 janvier 2025, il évoque le respect mutuel et le renforcement de la coopération bilatérale avec le président Adama Barrow. À Dakar, le président Mahama et le président Faye ont réaffirmé, le 19 janvier 2025, leur engagement pour renforcer la démocratie, stimuler les échanges économiques et promouvoir la stabilité régionale.
Voilà un nouveau président qui s’engage à ramener la paix au sein de la CEDEAO à un moment où chaque pays en a besoin. Ses homologues ont probablement pensé qu’il pourrait réussir là où Diomaye Faye du Sénégal a échoué, c’est-à-dire ramener l’AES dans la CEDEAO.
Cependant, ce que ces chefs d’États de la CEDEAO semblent avoir oublié, notamment le président Alassane Ouattara, c’est que depuis son élection à la tête du Ghana, John Dramani Mahama a mis de côté cette affaire du retour éventuel de l’AES dans la CEDEAO et s’est focalisé sur les intérêts économiques de son pays avec les Sahéliens. Dès qu’il a pris fonction, il a même nommé une personnalité spécialement chargée de la coopération avec l’AES.
Des analystes soutiennent que le président Mahama est venu trouver un pays (Ghana) en difficulté économique et il fera tout pour renflouer les caisses de l’État, pas question pour lui de faire passer les intérêts de la CEDEAO avant ceux du Ghana.
En tout cas, officiellement, lorsqu’il s’est rendu au Mali, les échanges avec le président Assimi Goïta ont tourné autour du renforcement de la coopération économique. Ce fut la même chose avec Abdourahamane Tiani au Niger et le président Ibrahim Traoré au Burkina. A moins que le retour éventuel de l’AES ait été abordé dans les coulisses sans intention d’en parler en public.
John Mahama sait très bien que les trois États de l’AES sont des partenaires économiques importants pour la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Togo et même le Nigeria. Il sait aussi qu’il y a une crise politico-diplomatique entre l’AES et certains pays membres de la CEDEAO. Comment en tirer profit ? Comment faire du port de Tema et de Takoradi, les portes d’entrée des marchandises du Niger, du Mali et du Burkina ? La décision la plus immédiate est de ne pas s’engager dans un bras de fer avec les responsables de l’AES, d’éviter de les blâmer.
Une position qui semble bien payante. Aujourd’hui, par exemple, les échanges commerciaux entre le Burkina et le Ghana ont explosé, selon Sika Finance qui rapporte que les exportations ghanéennes vers le Burkina ont augmenté de +51,17 % et les importations du Ghana en provenance du Burkina, de +56,5 %. Le média spécialisé écrit que le Burkina est devenu le premier partenaire commercial du Ghana.
L’analyste politique ivoirien, Pr Geoffroy Julien Kouao, finira par se convaincre que le président ghanéen « est un vrai stratège qui a une perception de la gestion de l’État ».