Sani Elhadj Magori est un réalisateur et producteur nigérien. Après ses études en agronomie, il se lance dans la réalisation de documentaires liés à son domaine de formation. Dans cet entretien accordé à Libreinfo, celui qui a été Directeur général du Centre national de la cinématographie du Niger (CNCN) de 2018 à 2024 évoque le cinéma de son pays et celui africain à la faveur de la 29e édition du FESPACO (Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou). Propos recueillis par Hakim HienLibreinfo.net : Comment se porte le cinéma nigérien aujourd’hui ?
Le cinéma nigérien fait face à des défis majeurs comme le manque de financement de l’État et l’absence de cadres pour la formation continue. Cependant, il montre des signes prometteurs, grâce à une nouvelle génération de documentaristes, particulièrement des jeunes femmes, qui redéfinissent l’industrie. Beaucoup reste à faire à tous les niveaux pour favoriser l’émergence d’un cinéma dynamique. Cette année, nous comptons presqu’exclusivement sur un film d’animation pour représenter le Niger.
Libreinfo.net : Le Burkina organise la 29e édition du FESPACO. Quelle appréciation faites-vous de la tenue de ce rendez-vous ?
Cette édition marque un changement important avec l’introduction des frais d’inscription et le passage aux inscriptions et paiements en ligne, ce qui a affecté les participations. Cependant, toutes les régions du continent sont bien représentées. Le FESPACO demeure une plateforme essentielle pour exposer la richesse et la diversité du cinéma africain et favoriser les échanges entre professionnels.
Libreinfo.net : Qu’est-ce que vous pensez du FESPACO et du cinéma africain à l’aune du numérique ?
Le numérique a transformé la production et la consommation des films. Pour le cinéma africain, cela signifie des coûts de production moindres et une diffusion élargie. Le FESPACO doit évoluer pour intégrer plus de films numériques et utiliser les plateformes en ligne afin de toucher un public plus vaste
Libreinfo.net : C’est la première fois que le FESPACO se déroule dans un contexte régional marqué par la création de la Confédération des États du Sahel. Comment le cinéma peut-il contribuer à l’émergence de cette dynamique ?
Le cinéma peut jouer un rôle crucial dans la construction d’une identité commune et d’une culture partagée au sein de la Confédération des États du Sahel. En racontant des histoires communes et en soulignant les défis et les succès de la région, il peut renforcer les liens entre nos pays et inspirer un sentiment d’unité et de collaboration.
Libreinfo.net : Les ministres de la Culture des trois pays de l’AES ont adopté une politique culturelle commune à Ségou. Quelle place devrait-elle donner au cinéma ?
Le cinéma doit être au centre de cette politique culturelle. Il est le principal employeur des artistes, que ce soit des acteurs, scénaristes, peintres, décorateurs, musiciens ou artisans. Le cinéma crée davantage de richesses que tous les autres arts. En soutenant la production cinématographique, en développant des infrastructures et en formant de nouveaux talents, nous pouvons faire du cinéma un pilier de notre identité culturelle commune.
Libreinfo.net : On parle d’industrie cinématographique. Pensez-vous que les États du Sahel peuvent rivaliser avec les autres pays du Maghreb ou de l’Afrique australe ?
Notre cinéma a une longue histoire, tout comme celui des autres pays. Nous avons le plus grand festival du continent et une grande opportunité pour stimuler les formations, les réseaux et les productions locales. Oui, nous pouvons rivaliser avec d’autres cinémas si nous investissons dans la formation et le financement de nos productions en co-production.
Libreinfo.net : Faut-il repenser le cinéma au regard du contexte sécuritaire, humanitaire et géopolitique ?
Le cinéma doit être exempt de tabous et de censure. Les cinéastes doivent être informés et formés sur les traitements de sujets sensibles, comme les journalistes. Ils doivent également être accompagnés par des dispositifs de sécurité pour se rendre dans des zones difficiles et réaliser leurs films, afin de sensibiliser les populations à leur rôle dans la sécurité collective.