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Burkina : Récit de Souleymane Kinda, handicapé physique, qui répare les « capos » endommagés de motos

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Sur les artères de la ville de Ouagadougou, la plupart des personnes en situation d’invalidité sollicitent la générosité des passants; mais Souleymane Kinda, handicapé physique, a refusé de faire de la mendicité. Il a créé un atelier de réparation des parements en plastique endommagés de voitures et de motos. Récit d’une personne à mobilité réduite qui décide de se valoriser.

Par Issoufou Ouedraogo

A 43 ans, Souleymane Kinda est marié et père de deux enfants. Il est privé de l’usage de ses deux jambes dès l’âge de deux ans suite à la poliomyélite. Ses mains sont robustes autant que sa poitrine. Le visage rayonnant, il nous explique, le 7 septembre 2023, comment il est parvenu à défier ses limites physiques.

«  Depuis mon enfance, je jouais au football et j’étais capitaine de mon équipe » dit-il. A peine, a-t-il constaté notre étonnement qu’il complète ses propos avec un large sourire : «  Ne soyez pas surpris. Je suis capitaine de mon équipe quand bien même je jouais avec les mains ».

«  J’ai décidé de créer moi-même mon atelier à la Trame d’accueil, précisément au secteur 53 de la ville de Ouagadougou.» Souleymane Kinda
«  J’ai décidé de créer moi-même mon atelier à la Trame d’accueil, précisément au secteur 53 de la ville de Ouagadougou.» Souleymane Kinda

Sans ambages, il indique que mendier, ce n’est pas du travail. Et comment en est-il arrivé à la réparation de parements de véhicules et de motos cassés ? Il raconte : «  Un jour, en rentrant à la maison, j’ai vu un homme qui réparait les parements. Je me suis approché de lui pour le regarder de plus près et j’ai été impressionné par le travail qu’il faisait. »

Il poursuit : «  Je me suis adressé à lui en ces termes : « Monsieur, est-ce que je peux travailler avec vous ? » Il a répondu : «  si je suis intéressé, je peux venir travailler avec lui au Théâtre populaire. ». C’était en 1994, se souvient notre interlocuteur, pressé de raconter la suite de son histoire.

Après avoir informé les parents, Souleymane Kinda se lance dans l’apprentissage de ce métier. « C’est ainsi que j’ai commencé ce travail ». Malheureusement, dit-il, en 2020, son patron est décédé et est remplacé par son jeune frère avec qui il ne s’est pas finalement entendu.

«  De dispute en dispute, je me suis résolu de partir » explique-t-il en mettant l’accent sur ce qu’il appelle « une nouvelle aventure » qui commença pour lui. Peu de temps après : «  J’ai décidé de créer moi-même mon atelier à la Trame d’accueil, précisément au secteur 53 de la ville de Ouagadougou.»

« Boss » de son atelier

«  Je suis devenu maintenant boss de mon atelier » dit-il fièrement. En ce moment, ajoute-t-il, les parements en plastique endommagés tels que les capots de voiture ou de moto cassés n’avaient plus de secret pour lui. Il dit avoir « l’expertise pour les réparer. » Au-delà, « je répare même les phares et les feux rouges endommagés » rassure le handicapé physique qui décide de se valoriser.

Sa détermination et sa maîtrise du métier ont fini par le révéler : « Tenez, un jour, une femme est venue avec sa voiture ayant les phares cassés. Elle m’a dit qu’elle avait commandé de nouveaux phares mais que cela allait durer trois mois. Pourtant, elle voulait aller à un mariage avec son véhicule. »

Pour ce faire, elle voulait un travail «  pressé pressé » pour reprendre ses propres expressions. « J’ai fixé le montant à 25 000 F. CFA qu’elle a trouvé cher ; pourtant, elle m’avait dit avoir commandé les phares neufs à plus 300 000 F.CFA. » raconte-t-il.

Quand son mari est venu pour récupérer la voiture, poursuit-il, il avait trouvé que c’était bien fait, si bien fait qu’il ne s’en revenait pas. Car, selon lui : «  il ne savait pas que quelqu’un pouvait faire un si beau travail, à plus forte raison une personne vivant avec un handicap » dit-il.

«  Vivre avec un handicap, ne fais pas de vous des mendiants", indique Souleymane Kinda
«  Vivre avec un handicap, ne fais pas de vous des mendiants », indique Souleymane Kinda

«  Depuis ce jour, si la femme ( celle qui lui a remis la voiture, ndlr) a quelque chose qui est cassé, elle vient me voir». Il conclut : « Si tu fais bien ton travail, les gens le reconnaissent et savent que tu fais un travail de qualité. Il y a des gens qui quittent Karpala, Saaba et Paglayiri, des quartiers lointains, pour venir faire coller des capots chez moi, ici (Trame d’accueil, ndlr).»

Il rassure qu’il se comporte en bon père de famille et suis reconnaissant envers ses parents. « J’essaie de jouer mon rôle aussi dans la famille. Souvent, je vais en grande famille pour donner quelque chose à la maman et au vieux. C’est ma manière aussi de les rendre heureux. »

Il saisit l’occasion que lui a ouverte libreinfo.net pour lancer un appel à ses frères et sœurs vivant avec un handicap. «  Vivre avec un handicap, ne fais pas de vous des mendiants. Si les pieds ne travaillent pas, travaillez avec les mains et la tête. Si les mains ne travaillent pas, alors les pieds sont là, la tête également. »

www.libreinfo.net

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