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Le 10 mai 2019, l’armée burkinabè lançait l’opération “Doofu” (déraciner en Fulfuldé), une vaste opération anti-terroriste pour s’attaquer aux racines du terrorisme dans les régions du Sahel, du Nord et du Centre Nord.

Cette opération doit contribuer à assainir une grande partie du territoire soit sur une superficie de 59 396 km² infestée par le terrorisme. Ces trois régions sont dans le top 5 des régions les plus touchées par le terrorisme.

Cependant, plus d’un mois après le lancement de l’opération Doofu, les burkinabè attendent toujours une amélioration de la situation sécuritaire dans les zones ciblées. Malheureusement le bout du tunnel ne semble pas être proche. Des déplacements massifs des populations sont observés et les attaques sont perpétrées quasi quotidiennement au Sahel, au Nord et au centre-Nord du Burkina.

Et pourtant l’opération a suscité de l’espoir

Oui ! L’opération Doofu a suscité tant d’espoir et d’enthousiasme chez les habitants des trois régions martyrisées par l’insécurité. Un espoir d’autant plus logique au regard des résultats obtenus avec l’opération Otapoanou (Foudre en Gourmatché) lancée dans la région de l’Est en mars 2019 et qui a permis de réduire considérablement la force des ennemies. Cette opération a même permis la réouverture des écoles fermées et la normalisation de plusieurs services administratifs dont des fonctionnaires avaient déserté les lieux.

Lutte anti-terroriste et respect des droits humains

L’armée est prise entre l’étau de la lutte anti-terroriste et la protection des droits humains dans les trois régions. Deux semaines après le lancement de l’opération Doofu, Human Right Watch, dans une déclaration, appelait les Forces de Défense et de Sécurité burkinabè (FDS) à respecter les droits humains dans leur mission. L’armée est accusée de faire un ciblage ethnique.
Des citoyens burkinabè témoignent sur des médias étrangers et nationaux et accusent les FDS de cibler les membres d’une ethnie dans leurs opérations.

Mais le chef d’état-major général des armées Moïse Miningou tente au mieux de rassurer les uns et les autres.« L’armée ne cible pas une ethnie mais des terroristes. Notre armée regroupe toutes les ethnies du Burkina Faso et ce sont uniquement les terroristes qui sont ciblés et non une seule ethnie » a-t-il déclaré le 21 juin 2019.

On est tenté de se poser la question de savoir si ce sont ces accusations qui freinent l’élan de l’armée burkinabè dans le cadre de l’opération Doofu ou c’est le manque de logistique ? Une méfiance des populations vis à vis des soldats est observée. La collaboration n’est pas au beau fixe. Certains déplacés ont déclaré dans des médias qu’ils « fuient pour se protéger non seulement du terrorisme mais, également de leur propre armée ». Des propos qui ne sont pas sans impacts sur le moral des troupes.

Dans une note publiée le samedi 8 juin 2019, le chef d’état-major général des armées encourageait ses hommes «je vous exhorte à maintenir intact cette rage de vaincre » a-t-il écrit dans cette note à l’adresse des soldats burkinabè.

Le nombre des déplacés internes s’accroît 

Le phénomène de déplacement de la population dû à l’insécurité connait une forte croissance. En milieu d’année 2019, il a atteint un niveau inquiétant. Le 12 juin 2019, des populations rurales fuyant l’insécurité dans les régions du Sahel et du Nord vont trouver refuge dans les grands centres. Plus d’un millier de personnes arrivent à Ouagadougou pour la première fois de l’histoire.
Les services de coordinations des affaires humanitaires (OCHA) dans un rapport publié dans ce mois de juin, ont dénombré 170 447 déplacés internes au Burkina Faso. Un chiffre en hausse de 6% par rapport au mois d’avril 2019. Ces déplacements des populations montrent à quel point, l’opération Doofu n’arrive pas relever le défi de l’espoir qu’elle laissait présager depuis son lancement le 10 mai 2019 dans le centre nord.

Certes, le moment est dur, il faut bien soutenir l’armée à tous les niveaux mais à défaut de pouvoir déraciner le mal le plutôt possible il serait souhaitable que cette armée revoie sa feuille de combat pour s’investir davantage dans l’humanitaire ne serait-ce qu’aider à créer des camps de réfugiés avec l’appui sanitaire et sécuritaire à ces camps afin d’assurer la quiétude aux populations qui se déplacent régulièrement vers les grands centres.

Des attaques perpétrées quasi quotidiennement au Sahel, au Nord et au Centre-Nord

Des dizaines d’actes terroristes ont été commis dans les trois régions où l’opération Doofu a cours il y’a un peu plus d’un mois. Ces attaques ont fait plusieurs morts, des blessés et des déplacés. Cette liste qui n’est pas exhaustive, montre que les attaques sont étendues dans toutes les trois régions mais, elles sont accentuées dans la région du Sahel. Le Sahel est également la zone la plus touchée par les déplacements des populations. La seule province du Soum compte plus de 60 mille déplacés selon OCHA. A ce jour, 12 provinces sont touchées par l’urgence humanitaire (dont 7 d’entre elles sont des provinces des régions où se mène l’opération Doofu) selon toujours OCHA.

L’opération est en passe d’être oubliée par les burkinabè malgré qu’elle soit toujours en cours. L’on avait même cru qu’elle allait contribuer à la libération des otages burkinabè enlevés dans les mêmes régions. Mais l’opération Doofu semble se conduire comme “une force de maintien de la paix des nations unies”. Beaucoup se posent la question de savoir si les choses n’échappent pas à l’armée sur le terrain. On note aussi le fait que l’opération Doofu comme toutes les actions anti terroristes au Burkina est engagé contre un ennemi inconnu. Dans un précédent article, www.libreinfo.net posait la problématique de (l’identification) de ceux qui attaquent le Burkina Faso.

L’autre maillon faible, la communication est presqu’inexistante

Aucune communication véritable n’est faite autour de l’opération, alors qu’elle suffirait à redonner le moral aux habitants des zones en proie au terrorisme et aux burkinabè de façon générale. La superficie que couvre l’opération dont le dessein est de déraciner le mal terroriste est aussi vaste. Ce qui peut entrainer des difficultés liées au déploiement des forces et à l’organisation des patrouilles. A cela, s’ajoute le manque de collaboration réelle entre fds et population et l’ébranlement du système de renseignement local occasionné par les déplacements massifs des populations.

Encadré

Des attaques terroristes que nous avons pu comptabiliser depuis le lancement de l’opération Doofu. Elle est loin d’être une liste exhaustive.
12 mai 2019, attaque de l’église de Dablo 6 morts dont un prêtre.
18 mai, deux personnes tuées par un groupe armé dans la région du Sahel.
26 mai attaque d’une église de Toulfè, région du Sahel 4 morts.
3 juin, attaque par un lance-roquette contre un détachement militaire dans la province de l’Oudalan, région du Sahel
6 juin 2019, Soum région du Sahel, trois personnes tuées par des individus armées.
9 juin, une attaque fait 19 morts à Arbinda, province du Soum, région du Sahel.
9 juin une attaque fait deux morts à Kain dans la région du Nord.
9 juin, un chauffeur tué à Arbinda dans la région du Sahel.
14 juin, exécution d’un conseiller municipal dans la région du Sahel.
18 juin, deux attaques font 17 victimes à Béléhédé dans la région du Sahel.
22 juin, 15 victimes dans une attaque à Barsalgho, région du Centre-Nord.
23 juin, deux gendarmes tués dans l’attaque d’un convoi humanitaire dans la région du Sahel.

La Rédaction

www.libreinfo.net