spot_img

Terrorisme:Les armées sahéliennes sont-elles en train de tomber dans le piège des terroristes?(Abdoul Karim Saidou)

Publié le : 

Publié le : 

Ceci est une réflexion du Politologue,Dr Abdoul Karim Saidou,Enseignant Chercheur à l’Université Ouaga 2
Les accusations d’exécutions extrajudiciaires de la part des forces armées dans les pays sahéliens doivent attirer notre attention. Si de telles dérives sont avérées,  il y a alors de quoi avoir peur au regard de leurs impacts sur la cohésion nationale. Car la meilleure façon de détruire un Etat est d’anéantir ce qui constitue le socle de sa résilience : sa cohésion nationale. Si les Etats sahéliens ont résisté à divers défis depuis des années, c’est grâce à leur capacité d’action collective et leur cohésion nationale. Par exemple, on aurait jamais pu survivre aux crises écologiques sans la solidarité et la tolérance.
En relations internationales, la cohésion nationale fait partie des éléments dérivés de la puissance, qui permettent de compenser des faiblesses en « puissance dure » comme la fragilité de l’armée  ou une géographie à problème. Pour un Etat comme le Mali ou le Burkina Faso, en l’absence de « puissance dure », on ne peut compter que sur la « puissance douce » à travers notre capacité d’action collective, notre cohésion nationale, notre discipline, la qualité de notre leadership, etc.
Or, que se passe-t-il dans le cadre de la lutte anti-terroriste ? On observe que dans les discours, et probablement dans les actes, une banalisation des violations des droits humains, sous prétexte que « c’est le terrain qui commande la manœuvre », « qu’on ne peut pas faire des omelettes sans casser des œufs », etc. Sacrifier les droits humains sur l’autel du « pragmatisme » est une entreprise suicidaire. La nécessité de respecter les droits humains ici n’est pas qu’une question morale ou juridique ; c’est aussi une question d’efficacité.
Si nos forces armées écartent les droits humains de leurs stratégies, le risque que nous courons, c’est d’aller vers ce scénario horrible : des succès militaires relatifs sur le terrain, mais accompagnés d’une défaite politique !  En d’autres termes, une situation sans terroristes, mais aussi… sans Etat, et sans nation. Toutes opérations militaires en dehors des droits humains dans notre contexte engendrera la désintégration nationale. Nous pouvons peut-être réduire l’intensité de l’insécurité militaire à travers des exécutions sommaires, mais ce faisant, nous détruisons la nation, et allons inexorablement vers la faillite de l’Etat dans son ensemble.
La  « guerre, c’est la continuation de la politique par d’autres moyens » ; cela signifie que l’armée en guerre contre le terrorisme doit poursuivre un objectif politique. Ce n’est pas pour rien que Sankara insiste sur la formation  politique du militaire. Les actions militaires doivent être cohérentes avec l’objectif politique qui consiste à préserver l’unité nationale et la stabilité de l’Etat. Qui plus est, nous sommes dans une guerre où l’ennemi est transnational, et parfois se trouve dans notre propre population ; et toutes injustices, toutes dérives ont des effets sur la nation. Ce n’est pas la même chose que lorsque l’armée, dans une guerre interétatique, s’en prend à des soldats ou des citoyens d’autres Etats.
La guerre, on la gagnera avec les populations ou on ne la gagnera pas.  La guerre, au-delà de sa dimension militaire, est avant tout une opération de séduction, une opération de charme  envers les populations. L’Etat creuse sa propre tombe en se mettant à dos la population et en s’affranchissant de tout respect des droits humains. L’antiterrorisme sans les droits humains est contre-productif et reproduit le terrorisme. La meilleure façon de servir l’ennemi, c’est de s’en prendre aux innocents, d’exécuter sans jugement des citoyens sur la base de simples soupçons.
C’est en effet l’objectif de l’ennemi: amener les composantes de la nation à s’entretuer, détruire ce qui lie les communautés depuis des siècles. L’ennemi sait qu’il ne peut pas nous vaincre militairement, il fonde alors sa stratégie sur la destruction de notre vivre-ensemble. En cela, lorsque les forces armées commettent des crimes contre les populations, elles servent inconsciemment l’ennemi et en deviennent par le pire des paradoxes le bras armé. Comme quoi, la notion d’ennemi, toute comme celle de terroriste, est très complexe à cerner…
- Advertisement -
spot_img

Articles de la même rubrique

Burkina Faso/Politique : Ablassé Ouédraogo devant la police nationale

Le président du parti politique « Le Faso Autrement », Ablassé Ouédraogo, a été convoqué, le mardi 6 juin 2023, à la Direction de...

Burkina : le ministre d’État Bassolma Bazié annonce des réformes institutionnelle et politique 

Le ministre d'État, ministre de la Fonction Publique, du Travail et de la Protection Sociale, M. Bassolma Bazié a annoncé le 4 juin 2023 à...

Burkina Faso : Procès de Yacouba Isaac Zida, l’UNIR/MPS satisfait de la décision judiciaire

Dans une déclaration rendue publique ce 1er juin 2023, le parti politique de l'ancien Premier ministre Yacouba Isaac Zida a exprimé sa satisfaction suite...

Nigéria : le nouveau président du pays Bola Ahmed Tinubu investi 

Bola Ahmed Tinubu, nouveau président de la République fédérale du Nigéria a été officiellement investi dans ses fonctions ce 29 mai 2023 à Abuja.  Par...

[Tribune] Message du Coordonnateur National du Mouvement SENS à l’occasion de la Journée de l’Afrique

Message du Coordonnateur National du Mouvement SENS à l’occasion de la Journée de l’Afrique Mes chers compatriotes Africains du continent et des diasporas, La célébration de...
spot_img

Autres articles

Burkina Faso : Collecte et distribution de sang, un défi majeur pendant l’hivernage

Au Burkina, la saison pluvieuse,  rime avec plusieurs maladies comme le paludisme et le besoin en sang augmente durant la période de juin à...

Burkina Faso: Ablassé Ouédraogo est reparti libre après 2 heures d’audition à la police nationale

Le président du parti politique Le Faso Autrement, Dr Ablassé Ouédraogo a été auditionné par la police nationale ce mardi 6 juin 2023 dans...

Démocratie-3ème mandat : Le Sénégal debout contre l’arbitraire et la dictature de Macky Sall

Dans une déclaration parvenue à Libreinfo.net, des Organisations de la société civile burkinabè (OSC) dénoncent l’arbitraire et la dictature du président sénégalais Macky Sall. Depuis...

Burkina Faso : le ministre de l’Education nationale a fait le lancement des examens du CEP 2023 à Koupéla (Centre-Est)

Le ministre de l’Education nationale, de l’Alphabétisation et de la promotion des langues nationales, Joseph André Ouédraogo a fait le lancement des examens du...

Burkina/CEP 2023: Anxiété et stress, des parents de candidats s’expriment

Les épreuves écrites du Certificat d'Études Primaires (CEP) ont débuté le mardi 6 juin 2023 sur toute l'étendue du territoire national du Burkina. Dans...