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Transport des marchandises entre le Burkina et les pays voisins « Il va falloir (…) réduire au maximum les postes de contrôle », Dr Kassoum Traoré DG du CBC(entretien)

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La rédaction de Libreinfo.net a rencontré Dr Kassoum Traoré, le Directeur Général du Conseil Burkinabè des Chargeurs (C.B.C.), le mercredi 30 novembre 2022, à son siège de Ouagadougou. Avec lui, la rédaction a fait connaissance avec cette structure importante dans le tissu économique burkinabè puisqu’elle est le maillon indispensable dans les opérations d’importation et d’exportation du pays. Quels sont les principaux ports avec lesquels travaille le C.B.C. ?   Quelles sont les difficultés auxquelles le C.B.C. fait face ? Autant de préoccupations, entre autres, sur lesquelles le Directeur Général du C.B.C., Dr Kassoum Traoré, s’est entretenu avec Elza Nongana.

Propos recueillis par Elza Nongana

Libreinfo.net : Pouvez-vous, M. le Directeur Général, nous présenter le Conseil Burkinabè des Chargeurs ? 

Dr Kassoum Traoré: Le Conseil Burkinabè des Chargeurs est un établissement public à caractère professionnel rattaché au ministère des Transports, de la Mobilité urbaine et de la Sécurité routière et financièrement rattaché au ministère chargé de l’Economie et des Finances. 

Libreinfo.net : Quelles sont les missions du C.B.C. ?

Dr Kassoum Traoré, :  Les statistiques internationales disponibles indiquent que plus de 80% des marchandises font l’objet d’échanges qui passent par la mer.

Donc, il était tout à fait normal que chaque Etat, principalement le Burkina qui est un pays sans façade maritime, puisse disposer d’une structure qui puisse accompagner les chargeurs au niveau des différents ports.

Le Conseil Burkinabè des Chargeurs a donc été la structure créée par l’Etat en 1978 pour s’occuper principalement de l’assistance des chargeurs au niveau des différents corridors. 

Le Conseil Burkinabè des Chargeurs est aussi chargé de l’approvisionnement du Burkina en denrées, en marchandises et en produits divers dans les meilleures conditions de célérité, de sécurité et de coûts.

Le Conseil Burkinabè des Chargeurs a également pour mission de mener des études et des recherches dans le domaine du transport pour le compte des chargeurs. Il met aussi en œuvre toutes les dispositions juridiques prises par l’Etat burkinabè pour les mettre en œuvre au niveau des différents corridors.

Libreinfo.net :  Nous avons des informations de la société d’assurances Loyd’s selon lesquelles le port de Lomé est au 3ème rang des ports les plus compétitifs d’Afrique dans le classement des 100 ports importants du monde. Quelles sont les statistiques en matière de volumes d’échanges entre le Burkina et le port de Lomé ?

Dr Traoré, Directeur Général du C.B.C. : Effectivement , le port de Lomé est l’un des ports les plus fréquentés par les chargeurs burkinabè.

En termes de statistiques, il faut dire qu’en 2020 avec le port de Lomé, le Burkina Faso a importé 2 millions 200 mille tonnes de marchandises. Et en exportation, le port de Lomé était à 62.000 tonnes de marchandises.

Mais ces chiffres, en 2021, ont connu une baisse compte tenu de la situation internationale de façon générale, donc nous avons dû importer 1million 900 milles tonnes de marchandises et 90.000 tonnes de marchandises en exportations.

Libreinfo.net : Quels sont les différents avantages (gains financiers du fait des tarifs, de délais de livraison des marchandises, et autres facilités diverses) que le Burkina retire de ses relations avec le port de Lomé ?

Dr Kassoum Traoré, :  Le port de Lomé est le port qui a la plus courte distance avec Ouagadougou avec 948 km, en termes de position stratégique. En considérant les autres corridors, le port de Lomé a un avantage en ce qui concerne les pays de l’hinterland.

Deuxièmement, c’est un port en eau profonde, ce qui signifie qu’il peut accueillir tous les grands navires. Il a une profondeur de plus de 17 m ce qui est recommandé pour pouvoir faire accoster les grands navires, ce qui n’est pas le cas pour les autres ports de la sous-région. Des efforts aussi sont faits par les autorités portuaires de Lomé, en termes de rapidité des formalités. 

Nous avons, pour ajouter, la prise de dispositions sécuritaires comme l’installation des caméras de surveillance pour limiter au mieux les cas de vols et de fraudes.

Concernant la tarification, il y a une tarification préférentielle pour les pays de l’hinterland dont le Burkina Faso. Des avantages, en outre, ont été accordés aux pays de l’hinterland, notamment au Conseil Burkinabè des Chargeurs et aux autres Conseils.

Ils nous ont permis de nous installer en zone portuaire, ce qui est un grand avantage. Les autorités togolaises font beaucoup d’efforts au profit des pays de l’hinterland, dont le Burkina Faso, sur les honoraires et les taxes portuaires.

Donc, je peux dire que, principalement, le port de Lomé est un port qui a pu prendre des dispositions permettant d’attirer la clientèle burkinabè.

Libreinfo.net : Quels sont les volumes des échanges commerciaux avec les autres principaux ports de la sous-région comme ceux d’Abidjan, d’Accra, de Tema et de Cotonou ?

Dr Kassoum Traoré : Lorsque vous regardez les statistiques, en ce qui concerne la fréquentation des ports, le port de Lomé vient en première position en termes d’importations avec le Burkina Faso.

Le port d’Abidjan, en 2021 était à 1 million 800 000 tonnes, le port de Cotonou à 237.000 tonnes, Takoradi à 10.000 tonnes et Tema à 870.000 tonnes, en termes d’importation.

Le port d’Abidjan vient en premier en matière d’importation avec 176.000 tonnes, le port de Cotonou avec 37.00 tonnes, Lomé avec 91.000 tonnes et Tema avec 8900 tonnes. Donc, principalement en matière d’exportation, il faut dire que les Burkinabè passent beaucoup plus par la Côte d’Ivoire. 

Libreinfo.net : Pourquoi les Burkinabè préfèrent-ils passer par la Côte d’Ivoire pour les exportations ?

Dr Traoré : Je me dis qu’il y a le chemin de fer Bobo-Abidjan qui constitue un avantage comparatif en ce qui concerne les échanges avec la Côte d’Ivoire. Aussi beaucoup de marchandises sont exportées à partir de Bobo Dioulasso.

Libreinfo.netQuelles sont les produits qui passent le plus dans ces ports ? 

Dr Kassoum Traoré:  Le Burkina Faso importe principalement de l’essence, des huiles minérales, des automobiles, des machines, des produits pharmaceutiques et des marchandises diverses.

Il exporte principalement des produits agricoles comme le coton, le sésame, les noix d’acajou, les noix de karité, les animaux vivants et des produits minéraux comme le Zinc et le manganèse. Nous exportons également de l’or mais par l’aéroport principalement.

Libreinfo.net : Quels sont les principaux critères qui guident le CBC dans le choix des ports ?

Dr Traoré, Directeur Général du C.B.C. :  le critère qui nous oriente premièrement, c’est d’abord le critère de coût.  Il s’agit du prix de revient au Burkina et le prix qui sera accessible pour les burkinabè. C’est en cela le leitmotiv du CBC, c’est de grouiller à ce que les marchandises arrivent dans de meilleures conditions de célérité, de coût et de sécurité.

C’est la raison principale qui fait que le CBC opère au niveau de tous les ports. Nous essayons de prospecter les coûts et nous donnons des conseils aux chargeurs sur les ports les plus intéressants pour eux.

Libreinfo.net : Quels sont les éléments à améliorer dans les trafics sur les corridors et les ports des pays voisins ?

Dr Traoré, Directeur Général du C.B.C. :  il y a un certain nombre de dispositions qu’il faille prendre pour améliorer le transport et le transit au Burkina Faso et principalement en Afrique de l’ouest.

Il faut reconnaître d’abord que nous avons un parc très vieillissant en Afrique de l’Ouest. Cela veut dire qu’il va falloir trouver une alternative.

Il y a la question de réduction des délais qui doit être revue au niveau des différents ports. Il s’agit de comment les ports pourront mieux s’organiser, s’équiper et accélérer le déchargement des navires contenant les marchandises en transit au Burkina Faso. 

Nous avons la simplification du barème des redevances portuaires. Il faut que nous continuions à faire des plaidoyers et des négociations, pour diminuer les coûts des passages au niveau des ports. Il va falloir également faire des plaidoyers au niveau des autorités de ces pays pour réduire au maximum les postes de contrôle.

Si vous prenez par exemple le trajet de Tema à Ouagadougou, nous pouvons compter une quarantaine de postes de contrôle. Et à tous ces postes de contrôle, les chargeurs sont obligés de laisser quelque chose, ce qui n’est pas normal.

Non seulement, il faut faire des plaidoyers pour diminuer le nombre de postes de contrôle mais également pour qu’on puisse arrêter les perceptions illégales. Il faut opérationnaliser au niveau des différentes frontières, l’interconnexion des systèmes informatiques. 

Je me rappelle que lors de notre dernière mission de travail à Lomé, nous avons recommandé la sommation des gouvernements afin de pouvoir interpeller les douanes pour que l’interconnexion soit une réalité.

Cela éviterait sans doute, l’engorgement au niveau des frontières, les surcoûts inutiles et les célérités des opérations. Il va falloir harmoniser le suivi électronique des cargaisons. 

Le transit est une opération dangereuse pour les différents états, que ce soit pour les pays de transit et pour les pays de destination.

Il va donc falloir harmoniser le système de gestion de ces cargaisons parce que chaque pays a développé son système pour pouvoir mieux sécuriser l’opération de transit.

Il peut y avoir des déversements dans les pays de transit qui peuvent entraîner des manques à gagner et des pertes de recettes.

Le Burkina doit tout mettre en œuvre avec les pays côtiers, afin de mettre un système de suivi électronique des cargaisons harmonisé de telle sorte que ça soit une seule opération au lieu d’opérations développées à part. 

Libreinfo.net : A combien s’élèvent, annuellement, les coûts des importations et des exportations du Burkina à partir des principaux ports utilisés ?

Dr Kassoum Traoré:  On ne peut pas estimer les coûts des importations et exportations parce que les importateurs et exportateurs ne fournissent pas les prix réels des marchandises. Ce que le CBC peut effectuer, c’est seulement estimer les coûts de transit des marchandises et nous communiquons ces données sur notre page ou dans nos différents services.

Libreinfo.net : Mais pouvez-vous nous donner une estimation pour l’année 2021 ?

Dr Kassoum Traoré:  Nous ne pouvons pas donner des chiffres et des statistiques en ce qui concerne les valeurs des marchandises parce que ces chiffres ne seront pas fiables.

Libreinfo.net : Et pour les transits ?

Dr Traoré: le coût des transits au niveau des ports varie en fonction des périodes. Nous ne pouvons pas d’office donner des chiffres mais le CBC informe permanemment les chargeurs sur l’évolution des coûts au niveau des différents ports.

Libreinfo.net : Comment la situation sanitaire liée au Covid-19 et le climat d’insécurité que connaît le Burkina influencent vos activités ? Quelles en sont les principales répercussions ?

Dr Kassoum Traoré:  L’avènement de la pandémie de COVID-19 a paralysé le secteur du transport de façon générale. Au niveau des différents ports de départ, il y a eu une réduction du personnel ; ce qui a ralenti le travail.

Le fait que nous avions un personnel minimum a engendré une flambée du prix du fret. Si je prends l’exemple de la Chine, nous sommes passés du simple au triple, et par moment même, à plus du triple. La COVID-19 a eu une conséquence désastreuse pour notre pays.

Au niveau des ports de transit, où les chargeurs burkinabè vont chercher aussi les marchandises, la pandémie a causé également des dommages parce qu’à leurs niveaux, le personnel a connu une diminution et les activités un ralentissement. Par rapport au climat d’insécurité, nous avons connu la fermeture d’un certain nombre de corridors.

Le corridor Cotonou-Fada N’Gourma-Ouagadougou, par exemple, a été fermé ; donc, du coup il y a une déviation d’une partie du fret dans d’autres pays. Et ceux qui continuent de passer par Cotonou doivent encore, à une certaine période, dévier pour passer par le territoire togolais et il y a des surcoûts à ce niveau aussi. 

Libreinfo.net : Mais, actuellement, comment arrivez-vous à gérer ce problème ? 

Dr Kassoum Traoré:  Nous essayons, tant bien que mal, d’accompagner toujours les chargeurs à ce niveau et les autorités béninoises ont pris d’autres dispositions à ce niveau pour attirer les chargeurs burkinabè en amoindrissant les tracasseries inutiles. 

Libreinfo.net : Quels sont les trois principaux défis actuels du C.B.C. ?

Dr Kassoum Traoré : Le C.B.C., aujourd’hui, à plusieurs défis. D’abord, le C.B.C. veut se positionner comme la structure étatique qui peut gérer convenablement le transport maritime et ferroviaire au Burkina Faso.

Ensuite, le C.B.C. est en train de prendre des dispositions pour digitaliser toutes les procédures en son sein. Que ce soit au niveau de la comptabilité ou au niveau du service opérationnel, du transit, nous avons développé des logiciels que nous sommes en train de mettre en œuvre aujourd’hui pour accélérer le processus de gestion du fret. Le C.B.C. veut contribuer, fortement, à la professionnalisation des acteurs du transport. 

Aujourd’hui, il faut travailler à ce que tous les agents du transport formalisent leurs sociétés et soient au même niveau de professionnalisme.

Le C.B.C. est en train de prendre des dispositions pour accentuer les projets d’investissements structurants. Nos chargeurs sont en effet, constamment confrontés à des problèmes au niveau des différents ports, notamment, sur un manque criard de parkings.

Il y a un grand engorgement des camions burkinabè aux alentours des ports. Nous avons été interpellés plusieurs fois et nous allons prendre des dispositions pour réduire le problème de parkings et d’entrepôts afin de soulager nos chargeurs. 

Je veux juste inviter les chargeurs à venir au C.B.C. Le C.B.C. a été créé pour eux, pour les chargeurs burkinabè. Nous sommes présents aujourd’hui sur 6 corridors. En Côte d’Ivoire, nous sommes au port d’Abidjan et à celui de San Pedro.

Au Ghana, nous sommes aux ports de Takoradi et de Tema et au Togo, au port de Lomé et au Bénin, au port de Cotonou. Nous sommes d’ailleurs en train de prospecter pour aller au port d’Accra qui peut être aussi un port intéressant pour les chargeurs burkinabè et, pourquoi pas ? aller au port de Conakry, en Guinée. 

Nous menons des études, nous faisons de la prospection, nous assistons les chargeurs afin que les marchandises arrivent au Burkina dans les meilleures conditions et afin d’être en mesure d’assurer la sécurité d’approvisionnement du Burkina en marchandises. 

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