Au Burkina, les vendeurs et revendeurs de motos peinent à se conformer à l’obligation de livrer un casque à chaque acheteur, une mesure imposée par le gouvernement depuis le 1er janvier 2024. Entre contraintes d’approvisionnement et résistance de certains commerçants, l’application de cette directive reste un défi. Alors que la répression devait entrer en vigueur, Libreinfo.net est allé à la rencontre d’acteurs du secteur à Ouagadougou.
Depuis le 1er janvier 2024, les vendeurs et revendeurs de motos au Burkina sont tenus de fournir un casque à chaque acheteur.
Cependant, l’application de cette obligation varie selon les points de vente. Si certains commerçants affirment respecter la directive, ils reconnaissent néanmoins des difficultés d’approvisionnement. « Nous avons pris les dispositions pour nous conformer, mais l’approvisionnement en casques pose problème. Nos fournisseurs n’arrivent pas toujours à répondre à la demande », explique Antoine Ouédraogo, revendeur de motos à Ouagadougou.
Cette situation entraîne parfois des tensions avec les clients, qui exigent leur casque sans toujours comprendre les contraintes des commerçants.
Notre interlocuteur fait savoir que : « lorsque le client vient, il réclame son casque sans toujours comprendre que celui que nous lui donnons n’est pas directement associé à la moto. Mais nous faisons tout pour le lui fournir, car une note nous y oblige. »
Selon lui, certains clients rappellent que cette mesure vient du gouvernement et insistent pour qu’elle soit strictement respectée, mettant ainsi les commerçants sous pression.
Un véritable casse-tête
Pour d’autres, cette situation est un véritable casse-tête, pris entre les exigences des clients et les obligations imposées par le gouvernement.
« On n’a pas le choix, on doit donner des casques. Mais honnêtement, est-ce qu’ils sont de qualité ? Non ! Nous donnons des casques qui coûtent à peu près 5 000 FCFA », lâche monsieur Kaboré, vendeur, visiblement frustré.
« Il y a des clients qui refusent carrément ces casques et réclament des casques de qualité. On leur propose mieux, mais cela implique un coût supplémentaire, car un casque de meilleure qualité coûte au moins 15 000 FCFA. Et là, c’est une autre bataille : ils ne veulent pas payer le surplus. Pour ne pas perdre nos ventes, on leur laisse le choix. Mais au fond, on sait bien que la sécurité devrait passer avant tout… », soupire-t-il.
À cet effet, il appelle le gouvernement à agir avec fermeté. « Certains clients arrivent et refusent le casque, espérant une réduction sur la moto. Si on ne cède pas, ils vont ailleurs, et là, ils l’obtiennent sans problème. C’est frustrant ! Si les autorités durcissent les contrôles, tout le monde sera sur un pied d’égalité et on pourra enfin appliquer la règle comme il se doit », lance-t-il, entre agacement et lassitude.
D’autres encore pointent du doigt les conditions d’approvisionnement. « Lorsque nous allons acheter les motos chez les grossistes, aucun casque n’est inclus. Nous sommes donc obligés d’acheter séparément des casques qui ne sont pas toujours de bonne qualité », déplore pour sa part monsieur Zoungrana, commerçant.
Mais ce qui le révolte le plus, c’est la manière dont ces transactions sont faites. « Quand nous prenons les motos chez les grossistes, ils nous remettent une quittance d’achat où il est clairement inscrit « moto et casque ». Pourtant, au moment de la livraison, aucun casque n’est fourni. Et si on ose réclamer, ils nous répondent qu’il n’y en a pas. Quand on demande pourquoi ils l’inscrivent alors sur la facture, on nous dit simplement que c’est comme ça, et qu’on n’a pas le choix. Ils ont le monopole, on est obligés d’accepter. C’est révoltant ! »

Ce commerçant appelle l’État à ne pas croiser les bras. « Lorsqu’une moto arrive en douane sans casque, elle ne devrait pas être dédouanée ! Si l’État exerce une pression sur ce point, cela nous épargnera ce fardeau et nous soulagera énormément », plaide monsieur Zoungrana.
Il souligne enfin la faiblesse des marges bénéficiaires. « Nous ne gagnons pas grand-chose sur la vente des motos, parfois à peine 10 000 F CFA. Et on devrait encore retirer de cette somme le prix d’un casque. C’est intenable ! Pendant ce temps, nous avons des employés à payer, des impôts, un loyer… Avec la situation actuelle, le marché est morose. Franchement, c’est dur », peste-t-il.
Revoir le prix des casques
Du côté des usagers, les avis sont partagés. Certains, ayant récemment acheté leur moto avec un casque inclus, admettent ne pas s’être interrogés sur sa qualité. « Pourvu que le commerçant respecte la décision du gouvernement, je ne me suis pas posé de questions sur la qualité du casque. L’essentiel, c’était d’être en règle », confie Alassane Ilboudo un acheteur.

D’autres reconnaissent que les casques fournis ne sont pas de bonne qualité, mais qu’ils n’ont pas d’autre choix. C’est le cas d’Aimée Combary, une nouvelle propriétaire de moto, qui exprime son insatisfaction :« Je viens d’acheter une moto, mais le casque fourni n’est pas de qualité. Il est trop petit et ne protège pas bien la tête, alors que son prix est inclus dans l’achat. Je ne suis pas satisfaite. » Elle appelle ainsi l’État à revoir le prix des casques, qu’elle juge trop élevé.

Elle estime que le coût d’un casque de qualité reste inaccessible pour de nombreux usagers :« Si on veut un casque résistant, il faut dépenser beaucoup plus. Tout le monde n’a pas les moyens d’acheter un casque à 20 000 ou à 30 000 francs. L’État doit intervenir pour que ces équipements soient à la portée de tous. »
Un constat partagé par Lydia Lingani qui souligne la contrainte des acheteurs. « Le commerçant nous propose ce qui est disponible. Si on veut un casque de meilleure qualité, il faut payer plus cher », explique-t-elle.

Consciente du risque, Lydia Lingani préfère investir davantage dans sa sécurité. «Vu que les casques donnés par les commerçants ne sont pas de qualité, j’ai préféré ajouter de l’argent pour en prendre un plus résistant. La protection n’a pas de prix », témoigne-t-elle.
Face à ces préoccupations, Lydia Lingani interpelle l’État sur la nécessité d’imposer des normes de qualité sur les casques fournis avec les motos.