Dans le cadre de la riposte contre la maladie à Coronavirus, les centres de santé, en particulier ceux de Ouagadougou où 38 personnes sont déclarées atteintes de cette maladie, devraient avoir en leur sein des dispositifs particulièrement adaptés. Pour en savoir sur l’effectivité de ces dispositifs, Libreinfo.net a fait le tour de certains hôpitaux de la ville de Ouagadougou. A l’issue de constats et de témoignages, l’on retient qu’aucun dispositif clair n’est mis en place dans les CHU de Bogodogo et de Yalgado que nous avons visités ce 18 mars 2020.
Par Siébou Kansié
9h10.Centre hospitalier universitaire de Bogodogo. Quatre vigiles à l’entrée avec des bavettes à usage unique, pas très hygiéniques. Coronavirus oblige. Après quelques questions, nous voici à l’intérieur de l’hôpital. Cap sur la direction générale du CHU.
À l’entrée, nous tombons sur un écriteau : « Prière vous désinfecter les mains avant de vous adresser aux différents services. Merci pour votre bonne compréhension. » Nous n’avons pas eu le temps de nous exécuter lorsque deux messieurs, l’un en blouse blanche et l’autre en tenue simple, se sont salués par les coudes.
Leur acte a suscité un débat au niveau de la réception : « On a dit de ne plus se saluer et d’observer même une distance de protection d’un mètre pour se parler. Non, rétorque l’autre, quand on se salue par les coudes, il n’y pas de problèmes. » Nous avons très vite compris que les mesures de précaution ne sont pas harmonisées dans la « cellule source ».
Nous nous désinfections les mains avec du gel hydro alcoolique dans un distributeur automatique installé sur un mur lorsqu’un monsieur, bavette autour du bras arrive. Méfiant à nos questions au départ, il a fini par lâché avant de continuer « je travaille ici mais je ne suis pas un agent de santé. Cette bavette, c’est moi qui l’ai achetée. »
A Bogodogo, pas de salle d’isolement de cas suspects
Un autre monsieur en blouse blanche arrive au niveau du couloir. Son discours semble rassurant « Nous assurons le service minimum ici. » Pour les cas déclarés de coronavirus, « nous n’avons pas de salles d’isolement ici, tout cas suspect est transféré au CHU de Tengandogo. »
Mais avez-vous des kits de protection et le matériel nécessaire pour consulter les éventuels malades avant leur transfert à Tengandogo ? L’homme à la blouse blanche s’irrite pour excès de questions. Il nous réfère à sa hiérarchie. Nous nous excusons. Il finit par laisser entendre ceci : « Les bavettes, nous en avons mais la difficulté, c’est que sur le marché, il n’y en a pas. Mais nous mettons ça tous les jours à la disposition des agents. Ce sont des bavettes à usage unique. On procède par émission à la pharmacie pour être ravitaillé au jour le jour. C’est ce qui fait qu’on est obligé de rationner. »
Quant à la solution hydro-alcoolisée, il nous confie qu’ils en produisent au CHU. « Nous produisons la solution hydro alcoolisée ici. Il y a une unité de production de ce produit ici. En principe, il ne devrait pas à avoir des difficultés par rapport à cela. »
Avez-vous des salles d’isolement des malades atteints de Covid-19 ? « Nous ne confirmons même pas les cas ici. Pour l’instant, c’est à Tengandogo. Néanmoins, nous avons des thermomètres thermiques pour contrôler la température à distance. Si nous avons à faire à des cas suspects, nous les referons à Tengandogo. », nous a-t-il dit à basse voix avant de prendre l’escalier.
Nous continuons notre randonnée au niveau des autres services. Le constat est tout autre aux urgences traumatologiques, aux services de réanimation, de Pédiatrie d’urgence, de Rhumatologie, et à la direction générale annexe/caisse. Aucune consigne, ni par écrit, ni oralement par les vigiles à l’entrée n’est donnée. Aucun dispositif de lave-main, ni de solution hydro alcoolisée, alors que le centre hospitalier en produit selon notre premier interlocuteur.
Nous avons cherché à comprendre avec un agent de santé sorti des urgences traumatologiques. Il nous surprend : « Nous n’avons reçu aucune consigne. Ce sont nos consignes classiques que nous utilisons. Le gel à main est en manque ici aux urgences. Pour les cas suspects de covid-19, comme d’habitude, on peut faire des prises de température. Mais vous savez que toute fièvre n’est pas corona », a ironisé ce médecin qui assure qu’aucune dotation particulière n’a été faite pour l’instant.
Au CHU Yalgado, rien n’a changé par rapport à la pandémie du coronavirus
10h58. Nous sommes au Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo. Le constat est le même. Aucune consigne de prévention à l’entrée. Les trois vigiles à l’entrée ne portent pas de bavette. Rien n’indique une épidémie de covid-19 inquiétante dans le pays. Nous accédons sans contrôle à l’intérieur du CHU. Aux urgences médicales, quelques-uns des accompagnants portent le masque de protection (bavette).
A l’entrée, une inscription sur les bureaux : « Plus de visite jusqu’à nouvel ordre » ; « Au public, au regard de la maladie à coronavirus, les visites aux patients sont suspendues. Merci ! n’insistez pas. » Là, les agents de santé qui sortent et rentrent, n’ont visiblement pas le temps. Aucun d’eux ne veut répondre à nos questions. Il faut forcément voir le major. Mais une seule courte phrase les échappe : « Vous-même vous voyez. » Quoi Monsieur ? « Est-ce qu’on est protégé ? »
Toujours aux urgences médicales, une dame en blouse blanche nous confie ceci : « Nous n’avons pas de masques. Ce que vous voyez, ce sont celles antituberculeuses que nous utilisons depuis. Le gel hydro alcoolique, n’est pas disponible à tout moment. Nous n’avons reçu aucune consigne particulière aussi. »
Un autre agent de santé que nous avons accosté dans la cour, fait son appréciation : « ici, pour le moment, nous travaillons avec les moyens de bord. Vous voyez les masques que le personnel soignant blanc utilise, nous n’avons pas ça ici. En clair, nous utilisons toujours nos matériels d’avant. Rien n’a changé par rapport à la situation du Coronavirus. »
Au niveau de la direction générale de CHU Yalgado, les consignes de protection avec des dessins à l’appui sont affichées à l’entrée. C’était le cas au CHU de Bogodogo. Et tout porte à croire que c’est au niveau des directions générales que les moyens de protection, s’il y en a, sont concentrés.