Le procès de l’accident mortel survenu sur le chantier du nouvel aéroport de Donsin s’est poursuivi le 21 février 2023 au Tribunal de grande instance de Ziniaré. Appelé à la barre, le chef de chantier M. Yaovi Benjamin Lokossou a expliqué que des manquements avaient été signalés par la mission de contrôle, bien avant le coulage du béton qui s’est ensuite effondré.
Par Daouda Kiekieta
« Veuillez assurer l’étanchéité et la stabilité du coffrage avant et lors du coulage ». C’était la dernière réserve ou observation que la mission de contrôle des travaux avait mentionnée dans son procès-verbal. Ces observations ont été soulevées quelques heures après l’effondrement de la dalle sur laquelle du béton était en train d’être coulé.
En effet, les travaux sur le site du nouvel aéroport suivent toute une chaîne de contrôle et de supervision, et chaque acteur connaît son rôle.
M. Yaovi Benjamin Lokossou est le chef de chantier. Celui qui supervise les travaux, sous la direction du conducteur des travaux, qui était à son tour, absent lors de l’incident. Peu avant le début du coulage du béton, M. Lokossou a reconnu que des manquements avaient été relevés, mais assure avoir instruit ses ouvriers de les corriger.
« Il y avait des réserves (manquements) au niveau des dimensionnements qu’ils ont demandé de rattraper. Il y avait des cavaliers qu’il fallait revoir ainsi que l’étanchéité des moules » explique M. Lokossou au tribunal, ouvrant ainsi une série de questions-réponses entre le tribunal et lui.
« Qui devrait s’assurer que ces réserves ont été faites (corrigées, ndlr) ? » demande le président du tribunal. « C’est moi » répond M. Lokossou. «Est-ce que les corrections ont été apportées ? » « Oui » « y’a-t-il un document qui prouve cela » « Non ».
En plus de ces manquements liés notamment, aux dimensionnements, il est ressorti de l’instruction du dossier que le chef de chantier aurait procédé lui-même au prélèvement du béton pour des faits d’analyse, alors que ce travail revenait à Apave Burkina, un bureau d’étude et de contrôle recruté par le groupement d’entreprises GESEB SAS/COGEA International.
« Est-ce que cela relève de vos attributions ? », interroge le juge. Et à M. Lokossou d’expliquer : « pour ne pas être victime d’une démolition après le coulage (pour des raisons d’erreurs constatées, ndlr), le laboratoire n’est pas obligé de faire des prélèvements à tout moment », comme pour dire que les prélèvements faits en l’absence des personnes habilitées visait à minimiser les risques d’erreur.
« Pourquoi Apave n’était pas là pour le prélèvement ? » poursuit le juge. À cette question, l’intéressé dit avoir reçu l’assurance que le bureau d’étude Apave devrait passer faire les prélèvements qui ont pour objectif de s’assurer de la qualité du béton qui sera coulé.
Des étaies de qualité douteuse
Par ailleurs, il est ressorti que les étaies utilisés dans le processus du coulage ne seraient pas de qualité et cela pourrait expliquer l’effondrement de la dalle.
Sur ce point, le chef de chantier à indiqué que ce sont les mêmes étaies qui ont été utilisés depuis la construction du premier bâtiment jusqu’au 15e bâtiments. « Ce sont les mêmes étaies qu’on utilisé pour toutes les dalles », s’est défendu M. Lokossou.
Avant de donner le top départ du coulage du béton aux environs de 11h, M. Lokossou dit avoir constaté après vérification, un problème au niveau de la stabilité des étaies. « J’ai vu qu’il y avait des étaies qui avaient bougé ».
Curieusement, le parquet a remarqué que la mission de contrôle a été effectuée le même jour du coulage du béton.
Pire, M. Yaovi Benjamin Lokossou Lokossou dit ne pas avoir la fiche de conformité qui devrait rend compte de la correction des manquements.
À cet effet, le chef de chantier dit avoir confié la correction des manquements signalés au part aux subalternes, notamment les menuisiers, les ferrailleurs.
M. Yaovi Benjamin Lokossou est technicien supérieur en génie civil. Il dit avoir été engagé avec l’entreprise GESEB SAS depuis 2017.
Le 25 juin 2021, M. Lokossou avait été condamné à 12 mois de prison avec sursis pour des faits de complicité d’abus de confiance, pour avoir soutiré des agrégats à l’entreprise GESEB SAS, toujours dans le cadre de la construction de l’aéroport de Donsin.
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