Dans une interview exclusive accordée à Russia Today (RT), le président de la Guinée Bissau, Umaro Sissoko Embalo, est revenu sur sa décision d’expulser une mission de la CEDEAO et des Nations Unies venue résoudre une crise politique dans le pays. Pour lui, beaucoup de choses doivent être revues au sein de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest).
Par Nicolas Bazié
« Chacun doit savoir où son pouvoir commence et où il se termine», a déclaré le président bissau-guinéen, Umaro Sissoko Embalo, visiblement remonté contre une mission de la CEDEAO qu’il a chassée de son pays, sous prétexte qu’elle est venue résoudre une crise politique, sans pour autant présenter au préalable une feuille de route.
Selon le chef de l’État, la mission a initié des rencontres sans même songer à présenter une feuille de route, un élément essentiel. Il ajoute que la mission n’a pas respecté les textes de la Guinée-Bissau. Pourtant, il dit avoir accepté la venue de la mission à condition qu’elle respecte la Constitution de son pays.
Une Constitution qui, à son avis, est au-dessus de la CEDEAO. « Ils n’ont pas fait cela, ils sont allés loin, donc je les ai renvoyés», indique-t-il dans l’interview, en ajoutant que les membres de la mission « voulaient créer une crise politique profonde. Ça, c’est inacceptable ! Ce n’est pas le rôle de la CEDEAO ».
Pour le président Embalo, il y a des limites à tout. « Ce ne sont pas des petits fonctionnaires (membres de la Commission de la CEDEAO, ndlr) qui vont venir nous dicter ce que nous devons faire. Non, ça jamais ! Avec moi, ce n’est pas possible ! », renchérit le chef de l’État de la Guinée Bissau qui fait savoir qu’on ne joue pas avec la souveraineté d’un pays. « Au sein de la CEDEAO, chaque pays membre est souverain », insiste-t-il.
Il fait observer ceci : « Moi, je m’occupe de mon pays. Être président en exercice de la CEDEAO ne veut pas dire qu’on est président en Guinée-Bissau. Moi, j’étais président en exercice, mais je n’étais pas président au Sénégal ni au Nigeria ».
A la question de savoir s’il ne craint pas des représailles de l’organisation sous-régionale, Sissoko Embalo fait comprendre qu’il n’y aura rien. « Non, ce n’est pas possible. Ce n’est pas envisageable. Elle (la question de représailles, ndlr) ne sera même pas sur la table des discussions », affirme-t-il, sûr de lui.
Umaro Sissoko Embalo trouve même qu’il faut calibrer la CEDEAO. « C’est une organisation qu’on doit calibrer. Nous, les chefs d’État, allons la calibrer. On ne peut pas avoir des activistes au sein de la Commission de la CEDEAO. Ah non, ça, c’est inacceptable ! », poursuit le président, expliquant que « c’est dommage de voir que la CEDEAO est en train de s’effondrer ». « La CEDEAO est crédible…On doit la relever », dit-il.
Intervention militaire de la CEDEAO au Niger, une erreur
En 2023, lorsque le régime de Mohamed Bazoum est renversé suite au coup d’État du 26 juillet, la CEDEAO avait envisagé d’activer sa force en attente pour déloger le Général Abdourahamane Tiani.
Une erreur que le président Embalo reconnaît. « C’est de notre faute. On devrait envisager une autre stratégie », fait-il savoir. «Aujourd’hui, je pense qu’il ne faut pas regarder dans le rétroviseur. Il faut regarder en avant pour qu’on puisse sauver la CEDEAO», plaide-t-il.
Sortie de l’AES de la CEDEAO, un regret
Le président de la Guinée Bissau semble avoir du mal à croire en la sortie du Mali, du Burkina et du Niger de la CEDEAO. Trois pays qui forment désormais l’Alliance des États du Sahel (AES).
« Regrettable », « dommage », « pénible », sont, entre autres, les qualificatifs que le président Umaro a utilisés par rapport à cette sortie de trois États membres fondateurs de l’espace communautaire. « La CEDEAO leur appartient. Mais, je respecte leur souveraineté », a-t-il reconnu.