C’est une année riche en évènements qui s’achève. Et plus que ses devancières sans doute, 2024 aura porté la marque de changements profonds sur le continent africain. Une année tout en ruptures ci et là, entre reconfiguration géopolitique, divorce institutionnel et alternances démocratiques…
Sur l’impressionnante éphéméride de cette année décidément virevoltante, les feuillets sont marqués d’innombrables faits majeurs qu’il serait fastidieux de relever ici. Notons juste au passage la formidable odyssée sportive de la 34e édition de la Coupe d’Afrique des nations de football, dont la phase finale, disputée au début de l’année en Côte d’Ivoire, a tenu le monde entier en haleine. Mais sur le terrain politico-diplomatique, on peut mentionner trois évènements majeurs qui impacteront sans doute durablement le continent.
Divorce à la Cedeao
Et d’un, l’année commence sur des chapeaux de roue avec l’annonce, le 28 janvier 2024, du « retrait avec effet immédiat » du Burkina, du Mali et du Niger de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Un séisme politico-institutionnel et communautaire annoncé de concert sur les chaînes de télévision publiques des trois pays au journal de la mi-journée. Une décision lourde, qui marque la rupture de confiance entre les nouveaux dirigeants politiques et militaires de ces États, résolus à faire désormais bande à part.
L’effet immédiat n’existant pas dans les textes de la Cedeao, il a fallu observer l’année probatoire prévue par les statuts pour tenter d’éviter ce divorce qui impacte plus de 80 millions de personnes de l’ouest-africain. Mais les conciliabules, pourparlers et facilitations n’ont en rien ébranlé la détermination des décideurs en rupture de ban assumée avec l’establishment de l’institution communautaire.
Désormais fortifiés dans une confédération Alliance des États du Sahel (AES), portée sur les fonts baptismaux le 6 juillet 2024, le Burkina, le Mali et le Niger cesseront effectivement d’être membres de la Cedeao le 29 janvier 2025 à zéro heure, conformément à la décision du Collège des chefs d’État, qui a acté cette douloureuse rupture le 15 décembre dernier.
Alternance, en veux-tu, en voilà !
Et de deux, l’année 2024 a été on ne peut plus généreuse en termes d’alternances au sommet des États. Tour à tour, le Sénégal, le Botswana, l’Ile Maurice et le Ghana ont changé de président et notamment de camp politique au pouvoir.
Tout commence avec la brillante élection, le 24 mars 2024, de Bassirou Diomaye Diakhar Faye à la présidence du Sénégal. On se rappelle ces folles semaines de tensions et de manœuvres diverses, ayant entraîné des violences et des morts sur le chemin de cet important rendez-vous institutionnel. Si fait d’ailleurs que ce cinquième président du pays de la Téranga, qui a remporté l’élection haut la main dès le premier tour, avec 54,28 % des suffrages, n’est sorti de son enfermement pénitentiaire que dix jours avant le scrutin.

Avec son alter ego Ousmane Sonko, lui-même embastillé et aujourd’hui Premier ministre, le plus jeune chef de l’État de ce pays considéré comme l’un des phares démocratiques de l’Afrique imprime sa marque. Le duo qu’il forme avec Ousmane Sonko à la tête de l’Exécutif sénégalais propose ainsi une gouvernance tout en ruptures, dont les lignes de force ont été réitérées le 27 décembre dernier.
Ailleurs sur le continent, le Sénégal a passé le témoin au Botswana, à l’Ile Maurice et au Ghana. L’élection générale du 30 octobre dernier au Botswana a, en effet, signé la première alternance du pays depuis son indépendance, en 1966. Changement pacifique et sans histoire qui a vu le Botswana Democratic Party (BDP) perdre le pouvoir après 58 ans de règne ! Changement tout aussi pacifique à Maurice qui a choisi, le 10 novembre 2024, le chef de l’opposition, Navin Ramgoolam, pour diriger le pays. Mais également au Ghana, coutumier du fait, où les électeurs ont ramené sur le fauteuil présidentiel l’ancien président John Dramani Mahama, qui prendra ses fonctions le 7 janvier 2025.
Appelez-moi « Madame la Présidente » !
On avait connu Joyce Banda au Malawi, Cathérine Samba-Panza en République centrafricaine, Samia Suluhu Hassan en Tanzanie, Sahle-Work Zewde en Éthiopie… ou encore, dernièrement, Ellen Johnson-Sirleaf au Liberia. Et voici que la Namibie offre à nouveau à l’Afrique une femme sur la photo de famille des chefs d’État !
Élue le 27 novembre 2024 dès le premier tour avec 57,31% des suffrages selon la Commission électorale, Netumbo Nandi-Ndaitwah, 72 ans, est la première femme présidente de ce pays d’Afrique australe. Au pouvoir depuis l’indépendance de la Namibie en 1990, l’Organisation du peuple du sud-ouest africain (Swapo) conserve ainsi les manettes de commandement en plaçant la vice-présidente du parti sur le fauteuil suprême.

La tâche s’annonce rude pour l’ancienne ministre de l’Environnement et du Tourisme, ancienne ministre des Affaires étrangères et vice-Première ministre de la Namibie, d’autant que le leader du principal parti d’opposition grince des dents au sujet de cette élection.
Mais cette figure politique respectée, qui a joué un rôle clé dans la lutte pour l’indépendance de la Namibie, est pleine de ressources puisqu’elle assume, depuis le 4 février 2024, les fonctions de vice-présidente de la République. C’est donc une femme d’expériences, au parfum des rouages de l’État, des grandes problématiques nationales et des défis internationaux qui prendra ses nouvelles fonctions de présidente de la République le 21 mars 2025 à Windhoek.
En tout état de cause et à l’instar des autres continents, l’année 2024 s’achève en Afrique comme elle a commencé : sur des chapeaux de roue ! Et tout indique que les sillons qu’elle a tracés impacteront davantage 2025…