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[Interview] : « Nous demandons à nos autorités d’avoir un regard sur les personnes atteintes de l’albinisme », Maimouna Dene présidente de l’AFAB

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Initiée par l’Association des Femmes Albinos du Burkina (AFAB), la semaine de l’albinisme ou Albi Week a refermé ses portes le dimanche 16 juillet 2023 à Ouagadougou. Dans une interview accordée à Libreinfo.net le 18 juillet 2023, la présidente de l’AFAB, Maimouna Dene, fait un bilan satisfaisant des activités sans occulter les difficultés rencontrées.

Propos recueillis par Mahomed Nitiema et Émilienne Compaoré (Stagiaires)

Libreinfo.net : Quel bilan faites-vous de l’organisation de la 5e édition de Albi-week ?

Nous faisons un bilan satisfaisant dans le sens où toutes les activités prévues pour cette 5e édition ont été réalisées avec succès.

Libreinfo.net: Est-ce que vous avez atteint les objectifs fixés ?

Dans un sens, on peut dire que les objectifs fixés ont été atteints. C’est vrai que pour réunir les ressources pour mener cette activité, cela n’a pas été simple mais on a pu réaliser les activités, c’est l’essentiel. En tout cas, la plupart des activités prévues ont été menées même si c’est avec difficulté.

Libreinfo.net : Quelles ont été les difficultés rencontrées ? 

Maimouna Dene : Nous avons eu des difficultés à organiser la semaine, notamment, la mobilisation des ressources. On n’a pas eu aussi assez d’accompagnement pour s’occuper des membres de l’association durant la semaine.

Une activité qui dure une semaine mobilise beaucoup de gens. On était obligé d’accueillir les membres de l’association venus des provinces au siège de l’AFAB où il fallait préparer pour que les gens puissent manger sur place. Il faut dire que le cadre n’était pas adapté pour permettre aux gens de se sentir à l’aise pour les activités de la semaine.

On avait espéré cette année avoir un accompagnement qui va pouvoir nous permettre de mettre nos sympathisants, nos membres, et nos invités dans un cadre idéal pour cette édition. Mais cela n’a pas été le cas.

Libreinfo.net : Quels sont les problèmes majeurs auxquels les personnes atteintes d’albinisme sont aujourd’hui confrontés ?

Maimouna Dene : Les personnes atteintes d’albinisme rencontrent des problèmes dans le domaine social. Les albinos ont des problèmes d’insertion sociale. Même ceux qui ont des diplômes ont du mal à être acceptés dans certains milieux professionnels.

Ce qui est encore plus grave, les albinos rencontrent des problèmes de santé. Au cours de la semaine de l’albinisme où on a organisé la consultation dermatologique, certains albinos ont présenté des cas graves, c’est-à-dire qu’au niveau de leur santé, cela ne va pas du tout et qu’il faut encore d’autres ressources pour accompagner ces personnes.

Libreinfo.net : Plusieurs albinos disent que les consultations coûtent très chères, quel est l’apport de l’AFAB dans ce sens ?

Maimouna Dene : C’est l’occasion pour moi de saluer les bonnes volontés. Je puis vous assurer que grâce à la Société Burkinabè de Dermatologie et de Cosmétique (SOBUDEC), nous avons eu une dizaine de médecins dermatologues qui s’occupent des consultations des personnes albinos. Auparavant, les membres déboursaient une forte somme d’argent pour la consultation dans les centres de santé.

Je remercie également le parrain de la 5e édition de Albi Week, Élie Bagbila, qui s’est engagé sur toute l’année à nous accompagner selon ses possibilités pour aider les albinos qui ont des problèmes de santé.

L’association pourra accompagner certaines personnes qui ont des problèmes de santé moins graves dans la prise en charge et le paiement des ordonnances grâce à ces bonnes volontés.

Cependant, les cas qui nécessitent des examens approfondis demandent d’autres moyens alors que la plupart des membres de l’Association des femmes albinos du Burkina (AFAB) sont issus de milieu défavorisé.

Le traitement du cancer de la peau très avancé nécessite des millions. Par exemple, il y a un cas parmi nous qui a subi trois interventions chirurgicales et doit encore en subir une quatrième.

Avec ces cas précis, un soutien de 500 000 FCFA ou 1 000 000 FCFA ne peut pas prendre en charge la personne. Cela pour dire qu’une seule personne qui a un cas de cancer avancé prend toutes les ressources, la situation reste compliquée malgré les efforts fournis.

Libreinfo.net : A la cérémonie d’ouverture de la 5e édition de Albi week Malika la slameuse Malika s’est réjouie de la présence des officiels à la cérémonie, est-ce la première fois que les officiels vous accompagnent ?

Maimouna Dene : Elle a dit ça parce que si on a des personnalités qui sont sensibles à la cause humaine pour accompagner souvent les couches vulnérables, il faut reconnaître aussi que parmi les officiels, il y en a qui sont tellement arrivés à un certain niveau que ce n’est pas leur problème.

Donc, je pense que c’est un peu dans ce sens. Mais nous essayons toujours de voir le verre à moitié plein parce qu’on se réjouit toujours de ceux qui nous accompagnent et nous accordent leur temps, malgré leur niveau de vie et leur poste.

Malika a commencé avec nous depuis 2019, elle en sait quelque chose. Elle sait combien de portes on est allé frapper et qui s’en sont pas ouvertes. En tant qu’artiste, cette même porte quand elle part peut s’ouvrir.

Libreinfo.net : Quel bilan pouvez-vous faire de ces 5 années d’existence de Albi-week ?

Maimouna Dene : Bilan général satisfaisant. A la sortie culturelle, Malika qui est avec nous depuis 2019 , quand elle a pris la parole elle a signalé qu’en 2019 on ne pouvait pas mobiliser 5 personnes albinos mais à la cérémonie d’ouverture nous avons eu environ 60 à 70 personnes albinos majoritairement des enfants.

Ce qui veut que de plus en plus les parents comprennent mieux l’albinisme et ils sont engagés à accompagner leurs enfants, cela nous réjouit beaucoup. Ce qui nous réjouit encore c’est que beaucoup de Burkinabè ont pris conscience de la situation que vivent les personnes albinos et de nombreuses personnes sont engagés à nous accompagner.

Si on a pu tenir la 5e édition c’est grâce à l’accompagnement des bonnes volontés parce qu’on a eu beaucoup d’accompagnement par nature. Je peux saluer la directrice générale du SIAO, c’est elle qui nous a offert la salle et l’IAM nous a offert la salle pour la cérémonie d’ouverture. Tout cela nous encourage et nous réjouit. Je dis un merci au président de l’Assemblée législative de la transition.

Libreinfo.net : Quel appel avez-vous à lancer aux autorités ?

Maimouna Dene : A l’endroit des autorités, il y a une étude qui a été faite en 2019 au niveau des Hauts-Bassins et des Cascades qui estiment environ 2000 personnes albinos juste dans ces deux régions.

Mais quand vous voyez dans ces deux régions, vous avez l’impression qu’il n y a même pas 200 albinos, cela veut dire que beaucoup d’entre nous préférons nous cacher pour éviter le rejet, l’humiliation et refuser d’être stigmatisé. Voilà pourquoi nous saluons ces autorités qui nous accordent leur temps et qui nous viennent en aide.

Si une autorité vous accompagne et vous accorde son temps, cela crée une confiance en vous en un premier temps et en un deuxième temps quand l’autorité se met au-delà de son entourage pour nous considérer, cela mobilise son entourage de changer leur regard et leur façon de faire. Aujourd’hui si dans 2 régions, il y a environ 2000 albinos, imaginons un peu sur le plan national.

Voilà pourquoi nous saluons les autorités pour leur accompagnement et nous saluons aussi les différentes initiatives qui sont prises en faveur des personnes albinos, mais nous demandons qu’ils nous aident à connaitre le nombre exact des personnes atteintes de l’albinisme au Burkina Faso.

Cela va nous aider à comprendre que tant que des personnes albinos sont cachées, quelqu’un va travailler quelque part pour subvenir à leurs besoins parce que ce sont aussi des êtres humains.

Si certaines personnes atteintes de l’albinisme avaient eu l’accompagnement dès l’enfance, l’amour de leurs parents, la prise en charge de leur scolarité, nous n’en serons pas là aujourd’hui.

Car, elles prendront en charge leurs petites lésions précancéreuses qui évoluent rapidement vers le cancer quand c’est pas bien traité.

Nous demandons à nos autorités d’avoir un regard sur le handicap en général mais particulièrement sur les personnes atteintes de l’albinisme.

Il faut qu’on s’accompagne pour que chacun puisse développer ses potentialités parce que chaque personne est unique et chaque personne a quelque chose qu’elle peut apporter.

Aujourd’hui on a des albinos dans certains pays qui sont arrivés à un certain niveau. C’est parce qu’il ont eu des gens qui ont cru en eux. Donc si au Burkina nous devons d’abord nous battre pour nous faire accepter et ensuite nous battre pour notre santé, souvent j’ai l’impression que c’est mieux que je reste dans mon coin pour prier pour ma santé.

J’interpelle les personnes atteintes d’albinisme de s’accepter et de bien se protéger. Je dis un grand merci à toutes ces personnes qui nous accompagnent.

Lire aussi : Burkina Faso : La santé des albinos menacée par les effets du changement climatique

www.libreinfo.net

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