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[Analyse]quota genre : peut-on aider les femmes quand elles refusent d’occuper des responsabilités politiques?

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D’après les dernières données statistiques dont nous disposons, les femmes constituent environs 52% de la population. Le recensement général de la population en cours pourrait voir à la hausse ces chiffres. Il ressort également que environs 80% de la population burkinabè vit en milieu rural. Donc la majorité des femmes du Burkina se trouve en milieu rural, or qui dit campagne au pays des hommes intègres dit précarité, misère, accès limité aux services sociaux de bases comme la santé, l’éducation, eau potable, distraction. Les premières victimes sont les femmes et les enfants.

Ajouté à ces difficultés, les femmes burkinabè souffrent énormément du difficile accès aux crédits pour financer leurs activités rémunératrices de revenu, tels que le ¨soumbala¨, le beurre de karité, le tissage, l’artisanat, le dolo. Le summum de tous ces problèmes, c’est la question de l’accès à la terre pour les femmes, même si ce sont elles qui travaillent le plus la terre car les semis sont leur apanage ainsi que les récoltes. Mais les coutumes et traditions veulent que la terre soit un patrimoine immobilier de la famille ; de ce fait la jeune fille qui se marie rejoint une nouvelle famille ; donc n’a plus droit à la terre de son père. Dans la famille de son mari elle est considérée aussi comme une étrangère donc n’a pas droit à la terre, et le cercle vicieux se poursuit de mère en fille. Le droit moderne a du mal à s’imposer au droit coutumier dans ce domaine et les femmes en souffrent énormément.

La nécessité de poursuivre la lutte

Pendant longtemps les filles n’avaient pas les mêmes droits d’aller à l’école comme les garçons car on considérait que cela était une perte, étant donné que la fille est appelée à se marier et rejoindre ainsi une autre famille, sa famille paternelle pensait ne pas pouvoir en bénéficier. Cela s’est avéré archi faux très vite, parce qu’une fois marié, l’homme a en sa charge sa petite famille nucléaire, très souvent sa belle-famille enfin ses propres parents. Donc il n’a pas été très difficile de convaincre certains parents, cela d’autant plus que les filles devenaient de plus en plus nombreuses. Jamais le slogan éduquer une fille c’est éduquer une nation n’a été aussi vrai. Ce combat est gagné de nos jours, mais l’autre défi reste la poursuite des études ; à cause de certains pesanteurs sociaux une fille qui pousse loin ses études se voit rappeler qu’elle doit se trouver un mari, fonder un foyer, que les hommes ont peur des femmes intellectuelles etc.

Une fois l’étape des études franchie, vient l’insertion socio professionnelle de la femme ; à ce niveau beaucoup d’efforts ont été fait. En termes d’égalité il n’y a pas de discrimination basée sur le sexe dans l’accès à la fonction publique, les dernières poches de résistances comme l’armée ont fini par céder. Ainsi donc on retrouve les femmes dans tous les corps militaires et paramilitaires au Burkina Faso, même si, elles n’ont pas les barèmes que les hommes aussi bien dans le recrutement, la formation que parfois l’avancement. Quant au secteur privé il reste quand même toujours dominé par les hommes cela pour des raisons évidentes de profits. Mais il faut dire que nous sommes en avance que certains pays développés et dits démocratiques tels que la France ou il existe jusqu’à nos jours ce qu’on

appelle ¨le plafond de verre¨. Tout simplement parce que à travail égal, poste égal, heure de travail égal, l’homme est payé environs 25% plus que la femme dans le secteur privé. Comme on le dit chez nous en Afrique « lorsque tu dis que ton village est éloigné saches qu’il y a un autre devant »

La place de la femme en politique

L’un des défis actuels de la femme selon certaines organisations féminines élitistes est sa place dans la sphère politique notamment dans le gouvernement, à l’assemblée nationale et dans les postes de nomination. De nombreuses femmes se battent pour cela avec beaucoup d’énergie comme la coalition des femmes en politique qui a une porte-parole qui se bat avec beaucoup d’énergie en la personne de madame Martine Yabré. Elle qui fait de la mise en œuvre effective de la convention de l’interdiction de toute discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) son cheval de bataille. Cela nous amène à parler de cette loi de 2009 sur le quota genre. (Je revois encore cette image de Fatoumata Diendéré sautant de joie dans l’hémicycle le jour du vote de la loi). Cependant dix ans après cette loi, on constate que pas grand-chose n’a évolué d’après les résultats des dernières élections législatives de 2015.

En 2009, le CDP grâce à qui la loi a pu être votée ne semblait pas en lui-même convaincu par son combat, parce qu’il est difficile de convaincre si l’on n’est pas soit même profondément rassuré de sa lutte. La preuve à l’issue des élections législatives de 2012 sur les 70 députés du CDP il n’y avait que 12 femmes élues. Ainsi le pourcentage de femmes siégeant à l’hémicycle sera de 15% au total. Aux élections législatives de 2015 le MPP , parti au pouvoir sur ses 55 députés a un total de 5 femmes élues soit 10%, le CDP sur un total de 18 députés a 2 femmes élues soit 11%, l’UPC avec un total de 33 députés  a 4 femmes élues, soit un taux de 12%…Au total sur 127 députés élues il y avait 9% de femmes  selon les chiffres provisoires avant les validations et le jeu des remplacements, on est très loin des 30% du quota genre .Il faut noter également que le calcul officiel est très souvent biaisé exprès, car on ne distingue pas le total des femmes effectivement élues, du nombre de femmes siégeant. On fait du politiquement correct avec les chiffres ; or cela ne donne pas la vraie tendance de l’évolution réelle du nombre de femmes. Il y a bel et bien une différence entre députés élus et députés siégeant. Ce n’est surement pas une loi plus contraignante qui va par coup de baguette magique rééquilibrer les choses car le siège de député ne s’octroie pas, on lutte pour l’avoir. Il faut donner des coups, en recevoir, savoir les esquiver, être fin stratège enfin avoir les moyens de sa politique. La preuve, certaines leaders d’association féminines bien que placées en position favorable sur des listes électorales n’ont pas réussi à se faire élire et ce malgré le soutien de leur parti. Ni le CDP quand il était au pouvoir, ni le MPP aujourd’hui n’ont réussi à respecter ce fameux quota de 30%. Il faut qu’en toute modestie, les associations féminines reconnaissent que la rendre la plus sévère en rejetant par exemple les listes ne respectant pas le quota de 30%, ou quand les femmes ne seraient pas bien placées sur la liste, n’est pas réaliste. Même si le président de l’assemblée nationale Alassane Bala Sakandé a laissé entendre qu’il aimerait qu’il ait au moins une femme élue par province ce qui ferait d’office 45 femmes garantie à l’hémicycle. Tout cela est possible mais il faut un travail de fond et laisser les choses s’imposer naturellement. Mais si ce ne sont que des slogans du 08 mars, ce n’est pas demain la veille.

Il faut d’abord se demander si les 52% de femmes se reconnaissent dans le combat qui est mené par procuration par leurs sœurs intellectuelles en leur nom. C’est la question fondamentale. On peut se dire que si c’était le combat des femmes du Burkina, aucun gouvernement, aucune organisation aussi phallocentrique soit-elle ne peut résister à la puissance des femmes. Ce n’est pas pour rien que l’on dit que « ce que la femme veut, Dieu le veut ». Lorsque les femmes sont sorties dans la rue le 27 Octobre 201, il n’a fallu que quatre jours pour que le président Blaise Compaoré quitte le pouvoir en plein midi. Il est donc impossible que les femmes luttent pendant 10 ans sans parvenir à un résultat. C’est insultant de le dire, et le penser c’est tout simplement méconnaitre la puissance de la femme. Depuis le premier homme sur la terre à nos jours aucun homme n’a pu résister à la femme ; que tu sois un guerrier comme David, invincible comme Napoléon Bonaparte. Si le quota genre était une préoccupation des femmes, la lutte était depuis lors terminée. La Ministre de la femme, Helene Marie Laurence Ilboudo n’a-t-elle pas dit qu’elle a voulu nommer des femmes de son ministère qui ont tout simplement refusé ? Alors à qui la faute ?

On ne peut que croire au premier Ministre Christophe Marie Joseph Dabire lorsqu’il affirme avoir chercher les 33% de femmes promis par le président du Faso en vain pour la formation de son gouvernement.

Sur ce terrain on ne voit pas trop le cocus genre de l’assemblée nationale, ni les anciennes femmes députées surtout celles de la 1ère législature de la 4è république à nos jours. Ces femmes députées sont l’exemple parfait de la combativité qu’il faut enseigner aux autres femmes. Sinon en quoi 100% de femmes dans un gouvernement va changer la vie des femmes dans notre pays ? Une seule ministre comme Rosine Sory /Coulibaly à elle seule fit la fierté des femmes aussi bien sur le plan interne qu’à l’extérieur. Ce n’est pas une question de nombre mais de qualité. Quel est cet homme qui peut intimider des dames comme Saran Sérémé, Berthe Ouédraogo, Juliette Congo, Hadja Fatoumata Ouattara ? Ces dames s’imposent par leur combativité. Elles sont combien de jeunes filles de nos jours à connaitre Makoukou Célestine Coulibaly première femme député de la Haute Volta. Ce sont ces exemples d’amazone qu’il faut mettre en avant pour responsabiliser les plus jeunes. Madame Jacqueline KI-Zerbo l’avait si bien comprise avec l’éducation de ses jeunes filles (qui ont contribué à la chute de Maurice Yaméogo), quel homme ose manquer de respect quel que soit son état d’ébriété à Amina Mousso Traoré, à Alima Déborah Traore, à Alimata Salambéré.

Selon Simone de Beauvoir « on ne nait pas femme, on le devient ». Il faut d’abord éduquer les femmes politiquement ainsi elles s’imposeront naturellement. Combien de de femmes ont voté pour Françoise Toé (paix à son âme) aux présidentielles de 2015 ou pour Saran Sérémé ? Elles sont combien ces jeunes filles qui s’intéressent à la politique de nos jours ? On ne voit pas les actions menées par les femmes politiques au profit des jeunes filles dans les écoles ou dans les campagnes.

Au lieu de lutter pour une politique de l’octroi ou du « ôtes toi que je m’y mette », il faut beaucoup plus sensibiliser les femmes et les jeunes filles à s’impliquer davantage et personne ne pourra leur faire ombrage.

Le drame dans tout ça, c’est qu’aucun parti politique n’ose élever la voix contre, au grand jour pour ne pas être présenté comme celui qui s’oppose aux droits des femmes. Alors que dans les états-majors des partis ils le crient haut et fort.

A force de vouloir faire des lois pour les femmes on risque de tomber dans l’inconstitutionnalité. Ou dans une situation dans laquelle les jeunes vont réclamer des quotas, les anciens vont en réclamer, les chefs traditionnels et coutumiers. De quota en quota on risque d’oublier l’essentiel et s’enfoncer dans des débats politiciens oubliant la situation des pauvres citoyens.

Je reste convaincu que si les femmes sont réellement engagées, rien ne pourra barrer leur chemin. Combattre, certes, mais combattons le bon combat.

A toutes les femmes du Burkina Faso, mes hommages.

Votre fils, BAHAN Cheick Innocent, Analyste

www.libreinfo.net

 

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