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Assemblée des Peuples à Caracas : « Tous les vénézuéliens connaissent Sankara mais ne connaissent pas le Burkina » (Serge Bayala)

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M. Serge Bayala, le responsable du cadre d’expression estudiantine « 2h pour nous, 2h pour Kamita », a pris part à l’Assemblée Générale des Peuples à Caracas, au Vénézuela du 23 février au 1er mars 2019. De son retour de mission, il a accordé un entretien à libreinfo.net, où il fait le bilan de son séjour à Caracas aux côtés de Nicolas Maduro.

Libreinfo.net (Li) : Vous avez participé à l’Assemblée générale des peuples au Venezuela. Pouvez-vous nous parler de cette rencontre ?

Serges Bayala (S.B) : Effectivement par ma modeste personne, j’ai représenté le Burkina Faso à travers ma structure « 2h pour nous, 2h pour Kamita », à cette importante Assemblée internationale des peuples à Caracas au Venezuela, du 23 février au 1er Mars 2019. Ce qu’il faut dire, c’est que cette Assemblée internationale s’inscrit dans une sorte de solidarité que ce mouvement international essaie d’apporter aux rares leaders politiques, aux rares pays qui ont osé inventer d’autres chemins pour leur dignité, d’autres chemins pour aller vers le développement.

Le Vénézuela n’a pas été un choix hasardeux. Il reste l’un des derniers bataillons de la résistance anti-impérialiste, anticapitaliste. Il reste le dernier espoir de rêver le monde autrement, de le rêver en dehors des carcans des institutions de Breton Wood. Et c’était là, le fond de cette activité que nous avons tenue là-bas.

Li : Parlez-nous de la situation politique au Vénézuela ?

S.B : L’opportunité de la période nous a aidés très spécifiquement. Les différentes dates ont coïncidé avec le choix du pays parce que nous savons qu’en ce moment, le Vénézuela est agressé par l’impérialisme américain et son valet local français, celui d’Emmanuel Macron. La situation dans ce pays nous questionne sur les bonnes intentions qu’ont ces deux fanfarons de la démocratie.

C’était aussi l’occasion de vérifier l’exactitude des vœux de démocratie, de droits de l’homme annoncés par le président Macron et son maître Donald Trump, qui se trompent effectivement dans la situation vénézuélienne. En étant sur place, on s’est rendu compte qu’au-delà des caméras de CNN, BBC, RFI, il y avait une réalité intentionnelle qui était cachée. Cette réalité qui a été voilée intentionnellement était le même procédé de destruction de l’Irak que les USA avaient entrepris avec le grand chef de guerre politique Georges Bush.

Suite à cela, on a vu la situation en Libye. Ce sont les mêmes recettes qui ont été servies. Ce sont les recettes de démocratie, de droits humains. Ce sont les recettes de l’Amérique et de la France qui ne supportent plus la dictature. Mais la réalité, c’est que c’était un désir très profond de détruire la Libye. Aujourd’hui, la Libye de la dictature est mille fois préférable que la Libye de la démocratie et de la liberté.

Li : A vous entendre, d’aucuns pourraient qualifier votre analyse de tendancieuse, qui éprouve une haine contre les deux ‘’géants de la démocratie’’.

S.B : Ce ‘’partisanisme’’, je l’assume en ce sens que Maduro n’est pas en déphasage avec les règles élémentaires de la dignité. Je pense aussi que nous sommes contraints à avoir cette posture au regard du fait que la démocratie n’a jamais été le tremplin des USA et aussi de la France. Historiquement, ils sont délégitimés au regard des actes de guerre qu’ils ont posés à travers le monde. Il y a un ensemble d’éléments historiques qui disqualifient l’opportunité de la promotion de la démocratie portée par les USA et la France au Vénézuela.

Malheureusement, cela les rattrape et anticipe sur les méfiances que l’opinion nationale et internationale a, sur la volonté de Macron et de Trump d’établir la démocratie au Vénézuela, et d’accuser légitimement Maduro d’être un dictateur. Nous avons compris ce qui se passait également au Vénézuela sans y être à priori, nous avons commencé à alimenter une campagne de contre communication contre ces médiocres propagandistes qui désignent le Vénézuela comme étant un enfer sur terre.

Et nous avons aussi dans la même veine, produit une déclaration que nous avons été remettre à l’ambassade du Vénézuela au Mali, étant donné qu’il n’y a pas une représentation au Burkina Faso.

C’est surtout la somme de toutes ces actions que nous avons portées, et qui ont été sues de l’autre côté de la planète.

C’est ainsi que nous avons été choisis à cette Assemblée internationale pour représenter le peuple Burkinabè. Mais sur place, nous savons que la démocratie et les droits humains sont tellement nobles que l’on ne peut pas les associer à des promoteurs moralement disqualifiés comme Trump et Macron. Macron et Trump ont des défis plus immenses que ceux que le Vénézuela n’a pas.

Li : Mais de quoi avez-vous discuté concrètement avec Maduro?

S.B : Nous avons discuté de la nécessité d’apporter de façon ferme et solidaire notre soutien au régime de Caracas, à Nicolas Maduro, président légalement et légitimement élu du Vénézuela. Il faut aussi un rappel historique parce que, ce pour quoi on accuse Maduro, c’est le péché d’avoir été désigné comme successeur par Chavez qui a été combattu des milliers de fois par les USA pour les besoins d’occupation et de pétrole.

Parce que le Vénézuela est la plus grande réserve de pétrole au monde et aussi la meilleure qualité de pétrole au monde. Donc, il produit la matière première la plus géante au monde qu’on ne retrouve dans aucune réserve de sous-sol d’aucun autre pays, et de meilleure qualité.

Quand il a été élu à l’issue des élections, le peuple vénézuélien a effectivement suivi le choix de leur leader qu’ils ont même considéré comme étant le ‘’Christ’’.

Parce qu’il y a une église, il y a des temples dont nous ignorons, qui sont baptisés au nom de Chavez. Il a eu le même comportement que le Christ. Il s’est sacrifié pour le Vénézuela, et tout ce qu’il dit, c’est comme si le peuple est programmé à le faire.

Ainsi, ils ont suivi les consignes de vote et ils ont élu Nicolas Maduro. La communauté internationale avec les USA au-devant, a tenté dans une première étape de contrôler Nicolas Maduro mais cela n’a pas fonctionné. Donc, ils se sont rendus compte qu’il est très fidèle à la ligne de développement, à la ligne de la marche politique de son mentor Chavez.

La photo de Thomas Sankara affichée dans la Salle de réunion à Caracas. Image prise par Serge Bayala

Li : Thomas Sankara est cité dans votre rencontre. Pourquoi le choix de ce révolutionnaire ?

S.B : La chose qui est bizarre, c’est que tous les vénézuéliens connaissent Thomas Sankara mais ne connaissent pas le Burkina Faso. C’est la chose qui m’a le plus choqué, parce que je n’arrive pas à comprendre comment ils peuvent connaitre Sankara sans pouvoir connaitre le pays d’où il vient. Pour eux, leur révolution s’est inspirée de l’expérience révolutionnaire de Sankara.

Chavez qui a impulsé la dynamique de la révolution bolivarienne, et la révolution du Vénézuela, puisera l’essentiel de son idéologie qui est consignée dans les grandes lignes de son parti de la vision politique de Sankara. Et subtilement, ils ont essayé de mettre à l’intérieur du système éducatif Sankara. Ce qui n’est pas encore fait chez nous et cela constitue un crime majeur.

Donc tous les enfants connaissent Sankara. Ils savent ce qu’il a fait, ce qu’il avait comme idéal. A un moment, je me suis présenté en tant que ressortissant du Burkina Faso. Mais je me suis obligé de me présenter comme un citoyen du pays de Sankara en ces termes anglais : I come from country of Sankara. Et les gens le connaissent systématiquement.

Il fait partie des figures qui font rêver le peuple Vénézuélien. Et ça nous fait mal encore de savoir que dans notre pays, il y a des débats inutiles qui se font sur le choix de Sankara comme figure majeure d’inspiration de la jeunesse ou comme s’il faudra aller choisir Blaise Compaoré. C’est là, où vous souffrez en tant que citoyen de voir qu’à plus de 10 000 kilomètres, Sankara est connu, il est populaire. Dans les rues, les assemblées vous le verrez partout.

C’est une expérience très majeure qui a révélé à quelle dimension est Sankara. Là, c’est un échange que j’ai eu avec les différents recteurs des deux plus grandes universités de Caracas sur les politiques très précises de comment Thomas Sankara a contrôlé l’eau, comment il a atteint l’autosuffisance alimentaire et comment il a géré les questions du désert.

Ce sont des chercheurs universitaires avec qui j’ai noué un partenariat pour en savoir plus sur les politiques publiques de Sankara. Donc ces gens viennent de l’école de Sankara. Ce n’est pas anodin que Sankara soit dans les rues de Caracas.

Li : Avez-vous échangé sur le franc CFA ?

S.B : Oui, on a abordé la question du franc CFA. Pour la plupart de ces gens, ils ne s’imaginent pas qu’il ait encore une monnaie coloniale. Et c’était encore une occasion de mettre dans l’agenda colonial la question du CFA qui est une monnaie ‘’naziste’’, une monnaie d’une iniquité majeure et qui fait de sorte que le pays soit toujours condamné au sous-développement. Même si des leaders progressistes arrivent, ce sera hyper compliqué d’avoir des projets ambitieux avec le CFA.

Propos recueillis par
Siébou Kansié
Libreinfo.net

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