DECLARATION SUITE A L’ATTAQUE DE INATA DU 14 NOVEMBRE 2021
(APR-Tiligré – Mouvement SENS- PAREN- PDS – RBP- )
La situation sécuritaire dans notre pays, le Burkina Faso, va de mal en pis, au grand dam des populations qui ne savent plus à quel saint se vouer. Après les multiples attaques sur les positions et mouvements de nos Forces de défense et de sécurité (FDS) et les populations civiles, l’on était en droit de penser que les autorités politiques et militaires avaient enfin pris toute la mesure de la situation. Malheureusement, nous voilà encore une fois endeuillés par les groupes terroristes. L’attaque d’Inata perpétrée le 14 novembre dernier, qui intervient après celles de Toeni et de l’axe Dori-Essakane, vient rajouter la tristesse et la colère légitime au quotidien déjà insupportable des Burkinabè.
En ces moments très difficiles pour nos FDS et pour l’ensemble du peuple burkinabè, nous présentons nos condoléances attristées aux familles des victimes et compatissons à la douleur des FDS et de l’ensemble des victimes du terrorisme dans notre pays. Chaque Burkinabè qui meurt est une partie de nous-mêmes qui s’éteint. Chaque Burkinabè qui subit directement ou indirectement les affres du terrorisme est une partie de nous qui est en souffrance. Nous ne saurons donc rester en marge de la douleur des victimes, car nous partageons le même destin commun.
Au regard des informations qui nous parviennent, particulièrement, sur les conditions de vie des FDS à Inata, l’on ne peut plus se contenter de simples messages de condoléances et d’appel à l’union, sans se poser des questions sur ce qui a rendu possible cette effroyable tragédie. Bien que les modes opératoires soient déjà connus, en face nous ne sommes jamais préparés stratégiquement, tactiquement, humainement et logistiquement pour être à la hauteur de l’ennemi. Conséquence, les mêmes causes produisent les mêmes effets, les mêmes drames, les mêmes deuils, les mêmes incompréhension et colère.
Comment en est-on arrivé là ? Comment se fait-il que jusque-là nos FDS qui veillent jour et nuit pour que le pays continue à tenir debout, doivent payer au quotidien de leur vie, dans des circonstances où tout porte à croire qu’il était possible d’éviter le drame ? Alors même que les autorités politiques et militaires ont annoncé que la situation est sous contrôle et que nous avons les moyens adéquats pour venir à bout de l’hydre terroriste, force est de constater que l’échec de la politique de lutte contre le terrorisme (s’il y en a une) crève l’œil. Plus que jamais, il s’impose de changer de trajectoire concernant le paradigme de défense et de sécurisation du territoire national.
Car la réalité sur le terrain est désastreuse avec des personnes déplacées internes en souffrance quotidienne, des villages qui se vident de leurs habitants, des enfants privés d’école et de soins et, finalement sans avenir. Et cela, sans oublier tous ces jeunes désœuvrés et sans perspective d’avenir, qui ressentent chaque jour davantage de frustration face à un État qui n’est pas à la hauteur des enjeux du moment. L’État lui-même s’affaiblit chaque jour un peu plus ;
L’heure n’est plus désormais aux grands discours, aux paroles qui sont en déphasage avec l’action sur le terrain. L’heure n’est plus aux appels qui ne se traduisent aucunement dans l’action gouvernementale sur le terrain. L’heure n’est plus, non plus, aux messages de soutien aux FDS, sans actions ni stratégies de rupture. D’autant plus que pendant que les soldats se battent sur le terrain, ils sont souvent abandonnés à leur sort par ceux qui sont censés veiller à ce qu’ils soient dans les meilleures conditions de combat.
Nous tenons pour responsable de la situation tragique que traverse notre pays aussi bien les autorités politiques que militaires. C’est pourquoi, nous en appelons au bon sens des gouvernants, à leur sensibilité populaire et à leur courage politique afin qu’ils changent ici et maintenant la trajectoire de cette gouvernance qui ne fait que générer frustration, désillusion et colère, une gouvernance qui échoue à apporter des solutions aux maux du Burkina Faso et qui parait de plus en plus insensible à la clameur du peuple.
Il est temps de sortir de cette impasse et de redonner espoir au peuple. Il est temps d’en finir avec les simples discours qui ne produisent aucun effet et de passer immédiatement et résolument à l’action car trop, c’est trop ! Le peuple a besoin de résultats qui lui prouvent que les FDS prennent le dessus sur les groupes terroristes.
Très concrètement, et dès à présent, le président du Faso doit prendre toutes ses responsabilités afin que la lumière soit faite sur cette énième attaque, et bien au-delà de l’enquête administrative qu’il a annoncé après le conseil des ministres du 17 novembre dernier. Outre les sanctions administratives, des procédures judiciaires doivent être engagées pour situer les niveaux de responsabilité au plan pénal. Dans la chaine de commandement de notre armée, certains ont failli, qu’ils soient sanctionnés à la hauteur de leurs actes. Mieux, les sanctions attendues par tous les citoyens doivent aller au-delà de cette attaque d’Inata pour concerner toutes les autres et la gouvernance de l’État de façon générale. Ce que le peuple burkinabè attend, ce sont des décisions fortes de rupture et des solutions structurelles et pérennes. Ce que le peuple burkinabè attend, c’est la sécurité des personnes et des biens qui rendront possible le retour des déplacés internes chez eux, le retour de la cohésion sociale, le retour à une vie normale tout court.
Pour ce qui est de notre système de défense et de sécurité, il est inconcevable que des personnes qui sont censés penser des stratégies et agir pour contrecarrer l’ennemi, continuent à faire les mêmes erreurs dont nous payons le prix fort. Depuis six ans, il est surprenant que nos officiers formés dans les grandes écoles militaires ne trouvent toujours pas la bonne réponse à ces attaques même si on admet le principe de la guerre asymétrique. S’agit-il d’une incompétence, d’un manque de loyauté ou d’une complicité avec les ennemis de notre peuple ?
Les Burkinabè doutent désormais de cette hiérarchie de l’armée qui jusque-là n’arrive pas à organiser les hommes sur le terrain de sorte à juguler les attaques, malgré toutes les allocations budgétaires consenties ces cinq dernières années. Cela est incompréhensible et inacceptable. Si la hiérarchie militaire actuellement aux commandes n’est pas à la hauteur de sa tâche, alors, qu’elle cède la place aux hommes et femmes plus vaillants, patriotes et capables d’assumer les responsabilités qu’impliquent le métier de commandement dans une situation de crise. Ici aussi le Président du Faso et son gouvernement sont attendus ; il leur appartient de mettre les hommes et femmes qu’il faut à la place qu’il faut.
Nous appelons aussi les pouvoirs judiciaire et législatif à assumer désormais pleinement leurs responsabilités avec rigueur et efficacité dans le cadre de cette lutte contre l’insécurité. S’agissant de l’Assemblée nationale, depuis plus de six ans que le terrorisme progresse, nous n’avons pas souvenance qu’elle ait, dans sa mission de contrôle de l’action gouvernementale, déjà chercher à savoir à travers l’audition du Ministre de la défense ou des enquêtes, pourquoi ça ne marche pas, en dépit des moyens historiques octroyés à travers le vote de la loi sur la programmation militaire. N’y a-t-il pas lieu de s’assurer, à travers une enquête, que toutes ces ressources, émanant pour l’essentiel du contribuable, ont été utilisées de manière appropriée ? En ce qui concerne la Justice, elle doit regarder non seulement du côté des terroristes, mais aussi du côté de ceux de nos responsables qui par leur négligence, sont responsables de la mort de nos concitoyens.
Par ailleurs, nous relevons que la lutte contre le terrorisme ne saurait se limiter à la seule solution militaire, qui reste fondamentale et nécessaire. Notre pays ne manque pas de ressources pour apporter une réponse globale à la crise multiforme qu’il traverse. Nous restons convaincus qu’une telle approche qui allie l’action des FDS à l’implication de toutes les communautés dans leur diversité, constitue la voie la plus pertinente pour faire face à l’épreuve que nous traversons. Cette approche doit être néanmoins fondée sur la sincérité des gouvernants et sur une volonté politique courageuse du pouvoir dans la recherche des solutions.
Pour terminer, nous réaffirmons notre solidarité avec les familles des victimes du terrorisme dans notre pays. Nous saluons la mémoire de nos FDS et de toutes les populations civiles tombés dans ce combat. Nous rassurons l’ensemble des personnes qui subissent la crise sécuritaire de notre solidarité sans faille. Nous restons déterminés et engagés car il est temps maintenant que chacun prenne ses responsabilités, au risque de saper encore davantage les fondements de notre État-nation en construction. Et l’Histoire sera juge des actions et des inactions des uns et des autres, en ce moment, sans doute le plus délicat que notre pays a aura eu à affronter.
La Patrie ou la mort, nous vaincrons.
Ouagadougou, le 18 novembre 2021
Pour les organisations politiques signataires
Guy Hervé KAM