Boukary Kaboré dit le « Lion », compagnon d’armes du capitaine Thomas Sankara, est décédé dans la nuit du 12 au 13 mai 2023 à Ouagadougou, à l’âge de 73 ans. De l’armée à la politique en passant par l’agriculture, «Le Lion» a définitivement cessé de rugir. .
Par Daouda Kiekieta
«C’est avec une grande consternation que j’ai appris la disparition de Boukary KABORE dit Le Lion. Cet officier a incarné les valeurs patriotiques de la Révolution sous l’ère de Thomas SANKARA. Il représente le symbole de la résistance et reste un modèle de résilience qui doit inspirer les jeunes, les hommes et les femmes engagés aujourd’hui dans le combat pour la souveraineté de notre pays», c’est en ces mots que le chef de l’Etat, le capitaine Traoré s’est exprimé samedi après l’annonce du décès de Boukary Kaboré dit le Lion
Le colonel Boukary Kaboré surnommé « Le Lion », a rendu l’âme dans la nuit du vendredi 12 mai au samedi 13 mai 2023 à l’hôpital Universitaire Yalgado Ouédraogo de Ouagadougou Son décès survient après une longue période de maladie.
« Le Lion » comme on l’appelait, est né le 22 mai 1950 à Poa, dans la province du Boulkiemdé, région du Centre-Ouest du Burkina Faso, à une centaine de km de Ouagadougou, la capitale du pays
De 1961 à 1974, il fait ses études dans l’actuel Prytanée militaire de Kadiogo (PMK) alors appelé Ecole militaire préparatoire de Ouagadougou (EMPA). Il y obtient, successivement, le Certificat d’études primaires (CEP), le Brevet d’études du premier cycle (BEPC) et le Baccalauréat.
En 1974, Boukary Kaboré rejoint l’Académie militaire de Yaoundé, au Cameroun et en sort, trois ans après, avec le grade de sous-lieutenant.
Révolutionnaire dans l’âme, il était l’une des figures emblématiques de la Révolution burkinabè qui démarra en août 1983.
Il sera contraint à l’exil au Ghana voisin, après l’assassinat du père de la Révolution, le capitaine Thomas Sankara, le 15 octobre 1987.
En 1991, à la faveur d’une tentative de réconciliation nationale initiée par Blaise Compaoré devenu président lors d’élections dans le cadre d’une nouvelle constitution mettant fin à la Rectification, « Le Lion » retourne au Burkina. Il sera radié des forces armées nationales en 1995 suite aux événements du 15 octobre 1987.
Le 7 octobre 2011, il avait été réhabilité au sein de l’armée burkinabè par décret présidentiel, après une décision du Conseil d’État rendue en sa faveur en 2007.
Sa carrière sera alors reconstituée et Boukary Kaboré passera du grade de capitaine en 1985 à celui de colonel pour compter du 1er janvier 1999.
« Le Lion », fidèle compagnon de Thomas Sankara
Pendant la Révolution, Boukary Kaboré était commandant du Bataillon d’intervention aéroporté (BIA) basé à Koudougou. Il est alors surnommé Boukary « Le Lion » ou « le Lion du Boulkiemdé » en se rapportant à l’emblème du BIA.
Fidèle compagnon du père de la Révolution burkinabè, le capitaine Thomas Sankara, « Le Lion » disait plusieurs fois avoir interpellé le capitaine Sankara sur les menaces qui pesaient sur la Révolution.
Il racontait avoir même conseillé au président Sankara d’arrêter Blaise Compaoré que lui, Boukary Kaboré, soupçonnait d’orchestrer un coup d’État.
Le 15 octobre 1987, Thomas Sankara et une douzaine de ses compagnons meurent sous les balles assassines d’un commando au Conseil de l’Entente.
Le Bataillon d’infanterie aéroporté (BIA), une troupe d’élite d’alors dirigée par Boukary Kaboré avait tenté, vainement, de résister au capitaine Blaise Compaoré, après le putsch du 15 octobre 1987.
Douze jours après l’assassinat du capitaine Thomas Sankara et de ses compagnons, le BIA avait été attaqué par des militaires venus de Ouagadougou et d’autres régions du pays, occasionnant plusieurs morts.
Sentant sa vie menacée, le capitaine Boukary Kaboré s’était exilé au Ghana dirigé par le capitaine et ami de Sankara, le capitaine Jerry John Rawlings. (Ndlr : décédé en 2020 à l’âge de 73 ans)
Boukary Kaboré dit « Le Lion » sera cité comme témoin lors du procès de l’assassinat de Thomas Sankara et de douze de ses compagnons, tenu le 11 octobre 2021 à Ouagadougou.
A l’issue de ce procès, l’ancien président Blaise Compaoré, chassé du pouvoir par une insurrection populaire en octobre 2014 et réfugié depuis cette date en Côte d’Ivoire, avait été condamné à la prison à perpétuité.
Le militaire reconverti en agriculteur
Depuis son retour au bercail , en 1991, avec l’assurance de ne pas être poursuivi, il cultivait la terre dans sa localité d’origine. « Je suis fils de paysan. De ce fait, j’ai toujours produit. Même quand j’étais en activité. A Koudougou, Bobo Dioulasso , puis Dédougou, (Ndlr : les villes où il a servi comme militaire) j’ai eu des champs » racontait-il cela avec plaisir, disait-il à nos confrères de Le Faso.net en juillet 2022.
En 1998, « Le Lion » se lance en politique en créant un parti qui s’inscrivait dans la mouvance sankariste, le Parti pour l’unité nationale et le développement (PUND).
Lors de la présidentielle de 2010, il se présente pour la magistrature suprême dans une course avec Blaise Compaoré qui régnait sans partage sur le Burkina. Il obtient 2,31 % des suffrages.
Depuis des années maintenant, il se fait très discret jusqu’à ce que l’on apprenne sa maladie.
Dernièrement, plusieurs compagnons sankaristes et des amis de tout bord lui rendaient visite pour s’enquérir des nouvelles de sa santé.
Le ministre délégué à la sécurité, Mahamadou Sana, lui a rendu visite dans son village à Poa, province du Boulkiemdé, il y a de cela quelques mois au nom du gouvernement pour voir l’évolution de sa santé.
Dans un communiqué rendu public ce 13 mai, le gouvernement du Burkina Faso « salue la mémoire d’un officier intègre et d’un homme de principe resté constant dans son engagement politique et fidèle à ses convictions ».
