La question foncière continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive au Burkina Faso. Le réseau des promoteurs immobiliers agréés est monté au créneau, le 10 février 2023 à Ouagadougou, pour dénoncer la validation de l’avant-projet de loi portant promotion immobilière dans le pays. Cette dénonciation est mal vue par certaines associations paysannes qui ont de vive voix, « mis à nue' », l’attitude de certains promoteurs immobiliers dans l’accaparement des terres.
Par Valérie Traoré
Les représentants des organisations paysannes et de la société civile du Burkina ont tapé du poing sur la table le 19 février 2023 et ont tiré la sonnette d’alarme sur « l’accaparement des terres» par les promoteurs immobiliers dans le pays.
Ils ont dit craindre pour l’avenir des agriculteurs si l’Etat ne prend pas à bras le corps ce «sérieux problème». Ces paysans révèlent que les promoteurs immobiliers ont mobilisé plus de 10 000 ha de terres dans la seule ville de Ouagadougou.
« Si on n’y prend pas garde, les paysans descendront » dans les grandes villes du Burkina parce qu’ils ne sauront plus où aller prévient M. Bassiaka Dao, le président de la Confédération paysanne du Faso.
Neuf (9) jours plus tôt, soit le 10 février dernier, la délégation des promoteurs immobiliers avait claqué la porte pendant un atelier de validation de l’avant-projet de loi portant promotion immobilière au Burkina Faso.
Cet avant-projet de loi, sur lequel ces promoteurs immobiliers ont tiré à boulets rouges, indique que ce sont désormais l’Etat et les collectivités territoriales qui sont habilités à traiter de la question foncière.
Cet avant-projet de loi semble être une “grosse pelletée de sable” versée dans le couscous de certains promoteurs immobiliers car ils sont sûrs d’une chose: « cet avant-projet de loi comporte beaucoup de discriminations.»
Le porte-parole des promoteurs immobiliers M. Roger Nikiéma avertit : « L’avant-projet de loi va créer une déchirure du tissu social, car, elle dénie aux propriétaires terriens le droit de céder leurs terres, avec à la clé des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison et de lourdes peines d’amendes pour les contrevenants. Cet avant-projet de loi n’est pas techniquement viable ni internationalement vendable. »
M. Gueswendé Marc Ouédraogo, secrétaire général de l’urbanisme, invité au journal télévisé de la chaine nationale étatique, a déclaré récemment, le samedi 11 février 2023, que les innovations faites dans la loi n°58 de 2008 donnent les pleins pouvoirs à l’État et à ses collectivités.
M. Ouédraogo a été explicite dans ses propos : « L’État et les collectivités seront les seuls habilités à mobiliser et à organiser l’aménagement, avant de faire appel aux promoteurs immobiliers pour faire leur développement immobilier, nous avons pensé à un recadrage de la procédure de publicité sur les produits immobiliers, en plus nous avons également relevé les sanctions quant aux infractions qui seront commises dans l’exercice de l’activité de promotion immobilière. »
Lorsqu’il était ministre de l’Urbanisme, sous le président Roch Kaboré, Me Bénéwendé Sankara avait suggéré l’application de « la politique foncière sous la Révolution » pour venir à bout des bisbilles dans le domaine du foncier.
« Si on ne peut pas faire la chimiothérapie pour traiter le cancer, les médecins conseillent de couper la partie atteinte.» avait-il lancé.
Dans cette même lancée, M. Alassane Bala Sakandé, ancien président de l’Assemblée nationale, avait invité le gouvernement en mai 2020 à prendre des mesures conservatoires pour éviter que l’on ne se retrouve dans une situation où il n’y aura plus de terre pour construire des écoles, des hôpitaux, etc.
« Si les promoteurs immobiliers doivent se transformer en agents de lotissement, nous aurons des difficultés .» disait-il alors.
Plusieurs observateurs aguerris du domaine avaient interpellé l’État, sur la nécessité de nettoyer les écuries d’Augias dans le domaine du foncier. Pour eux, il faut sonner la fin de la récréation, car de nombreux promoteurs immobiliers et propriétaires terriens foulent au pied les textes en la matière.
Les guéguerres dans le foncier sont telles que certaines opinions parlaient même du foncier comme étant une « bombe à retardement» .
Lire aussi: Burkina Faso : spéculation foncière, l’autre menace pour l’agriculture burkinabè