Yacouba Sawadogo bien connu pour ses œuvres contre l’avancée du désert au point d’être surnommé « l’homme qui arrêta le désert» est décédé ce dimanche 3 décembre 2023 à Ouahigouya, chef-lieu de la région du Nord, à l’âge de 77 ans. Le président de la transition, Ibrahim Traoré a salué la mémoire de l’illustre disparu.
Par Daouda Kiekieta
La nature vient de perdre l’un de ses ardents protecteurs. Le patriarche calme, à la silhouette frêle toujours habillé en boubou, Yacouba Sawadogo, est décédé ce dimanche.
Natif du village de Gourga dans la province du Yatenga au Nord du Burkina, il était devenu une icône dans la lutte contre le désert pour avoir fait renaître une forêt dans une zone aride et frappée par la sécheresse dans sa région d’origine.
Dans un bref message, le chef de l’Etat du Burkina, le capitaine Ibrahim Traoré a salué la mémoire d’un symbole de combativité. «Cette figure burkinabè, symbole de combativité, connue pour ses efforts dans le domaine de la protection de l’environnement a tiré sa révérence ce 3 décembre.
L’œuvre de Yacouba Sawadogo doit inspirer la génération actuelle pour une protection sans condition de la ressource terre afin qu’elle nous profite au maximum», a écrit le chef de l’Etat.
En 2018, Yacouba Sawadogo, cet octogénaire qui n’a jamais été à l’école du blanc a été lauréat du prix Nobel alternatif pour son combat contre l’avancée du désert. Deux ans plus tard, soit en 2020, il a reçu le prix «Champions de la Terre» du programme des Nations unies pour l’environnement.
Ce prix récompense des individus, des groupes et des organisations qui œuvrent en faveur de l’environnement. Ainsi, Yacouba Sawadogo entre dans les annales des grands défenseurs et protecteurs de l’environnement.
Reçu par le chef de l’Etat d’alors, Roch Marc Christian Kaboré avec tous les honneurs de la Nation, monsieur Sawadogo est vite devenu un symbole pour le pays et aux yeux de millions de burkinabè.
Il a été décoré par le Comité Permanent Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel (CILSS) le 26 mars 2021 et fait Ambassadeur de l’Institution.
Le combat de Yacouba Sawadogo
Dans la province du Yatenga, il a été le principal instigateur du Zaï au début des années 1980.
Yacouba Sawadogo, qui était commerçant entre 1970 et 1980 a décidé de revenir dans son village pour se consacrer à la terre, au moment où la désertification fait rage dans cette partie du pays. Son rêve le plus ardent était de faire renaître la forêt dans ce paysage désertique et stérile.
Il fait renaître la pratique du zaï, une technique agricole héritée de ses ancêtres qui consiste à creuser des trous dans la terre et les remplir de fumier organique en saison sèche avant de semer les graines. Puis à y introduire des termites qui, attirées par le fumier, vont creuser à leur tour des galeries permettant de retenir à l’arrivée des pluies.
Cette méthode s’est révélée fructueuse et une forêt renaît sur une superficie de 28 hectares dans le Gourga en l’espace de 40 ans de dur labeur.
«À Ouahigouya ici, on l’a surnommé Yacoub Zaï », raconte un résident de Ouahigouya à Libreinfo.net suite à l’annonce de son décès.
Son combat a inspiré plusieurs écrivains dont Damien Deville, géographe et anthropologue de la nature. Son ouvrage sur le travail de Yacouba Sawadogo est intitulé «L’homme qui arrêta le désert » publié en 2022.
L’écrivaine Aminta Dupuis a également consacré son premier roman « L’Enfant de Dindefello », dont des personnages sont directement inspirés par le parcours de Yacouba Sawadogo.
Le projet immobilier qui allait décimer la forêt du héros de la nature
D’année en année, la ville a rejoint le village de Gourga et l’urbanisation a atteint la forêt née de longues années de dur labeur.
Suite à des lotissements de 2013, la forêt a été morcelée et attribuée à des particuliers pour en faire des parcelles à usage d’habitation. Les travaux de construction avaient même commencé et des centaines d’arbres avaient été abattus pour ériger des habitations.
Grâce aux dénonciations et l’implication des autorités, la forêt de 28 hectares est clôturée en juin 2021 par le ministère de l’Environnement. Un soulagement pour ce combattant qui voyait ses réalisations s’anéantir sous le poids de l’urbanisation grandissante.
Yacouba Sawadogo s’est éteint à un moment où le changement climatique menace les écosystèmes planétaires.
Son décès est survenu 4 jours après l’ouverture de la COP 28 de la Convention Cadre des Nations unies sur les Changements Climatiques où 70 000 participants, dont des chefs d’État et de gouvernement discutent de la planète à Dubaï aux Émirats arabes unis.
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