Le projet de loi rectificative de la loi de finance pour l’exécution du budget de l’État, exercice 2021 a été adopté, le mercredi 17 mars 2021. Dans cette loi rectificative, l’épargne est estimée à plus de 36 milliards 119 millions contre 24 milliards 469 millions 514 mille francs CFA initialement prévus. Les recettes sont de 2 128 milliards 983 millions de francs et les dépenses de 2 669 milliards 783 millions 522 mille francs CFA. Mais, qu’est-ce qui a bien pu motiver cette rectification ? Libreinfo.net a trouvé des réponses avec le journaliste des questions économiques, Élie Kaboré.
Par Frank Pougbila et Rama Diallo, stagiaire
Après l’adoption de la loi de finances initiale 2021, plusieurs évènements sont intervenus au Burkina Faso. Choses qui ont obligé le gouvernement à aller vers les députés pour demander de revoir ou de corriger les prévisions pour tenir compte de la réalité.
Le journaliste des questions économiques, Elie Kaboré cite parmi ces évènements, la prise en compte de la nouvelle configuration du gouvernement. A l’issue de la formation du nouveau gouvernement, sept ministères ont connu un changement de dénomination.
Six des ministères ont fusionné pour donner trois ministères. Un poste du ministre d’Etat, ministre auprès du Président du Faso, chargé de la Réconciliation nationale et de la Cohésion sociale a été créé.
Si les ministères ayant changé de dénomination gardent leurs budgets, pour les ministères ayant fait l’objet de fusion, il faut revoir les allocations budgétaires. Ce qui entraine, selon le journaliste, un chamboulement dans les allocations budgétaires qu’il faut intégrer dans le nouveau budget.
La deuxième raison, note-t-il, après un trimestre d’exécution, le gouvernement s’est rendu compte que la situation économique est favorable à l’augmentation des prévisions de recettes.
C’est ainsi qu’il a augmenté les prévisions de recouvrements de la direction générale des impôts de 10 milliards FCFA et celles de la direction générale du trésor et de comptabilité publique de 5 milliards FCFA.
Des partenaires financiers du Burkina Faso ont aussi octroyé 3,009 milliards FCFA au cours du premier trimestre. C’est notamment l’Agence française de développement (AFD) qui a débloqué 2,951 milliards FCFA au titre de l’apport supplémentaire qui auraient dû être décaissées en 2020.
La Banque mondiale a décaissé 57 millions 217 milles 500 FCFA qui est un reliquat de ressources d’opérations effectuées en 2020 et reconduit en 2021.
L’autre raison qui a nécessité la rectification est que le gouvernement a introduit de nouvelles mesures fiscales dont les factures normalisées électroniques certifiées.
Il y a également la présentation d’une attestation de localisation du lieu d’exercice de l’activité au moment de la souscription de la déclaration d’existence pour les contribuables relevant du régime du réel.
« On doit s’attendre à une autre loi de finances rectificatives d’ici le mois de juin ou juillet afin de prendre en compte les prévisions du nouveau référentiel en cours d’élaboration qui viendra remplacer le PNDES », indique le journaliste.
Il souhaite qu’une solution soit trouvée au changement de dénomination, aux fusions et scission des ministères. Dès qu’une des situations intervient, il dit constater un blocage de l’exécution du budget.
« Les choses sérieuses vont commencer maintenant après l’adoption de cette loi de finances rectificative. On assistera à une course poursuite pour liquider les budgets », commente Élie Kaboré.
Il trouve mieux de figer les principaux ministères dans le temps (durant le mandat de 5 ans) afin d’éviter les blocages suite à la composition de nouveaux gouvernements.
Le déficit budgétaire de la loi de finance rectificative 2021 est de 540 milliards 800 millions 107 mille francs CFA. Il reste identique que celui de la loi de finances initiale. Il sera entièrement couvert à travers le recours aux emprunts obligataires.
Des riches paient moins d’impôts…
Pour que l’État puisse financer ses dépenses avec ses ressources propres, le journaliste donne des solutions simples. Une véritable justice fiscale au Burkina Faso, une sincérité dans la lutte contre la fraude fiscale et la fin du conflit d’intérêt sont proposées.
Les riches paieraient moins d’impôts que les moins riches. Il donne quelques exemples d’injustices fiscales. « A la fin du mois, l’Impôt Unique sur les traitements et salaires (IUTS) est retenu sur le revenu du travailleur systématiquement. Pourtant, les sociétés déduisent toutes les charges avant de payer l’impôt sur les bénéfices », témoigne le journaliste.
Des sociétés bénéficient d’exonérations d’impôts et de taxes sur plusieurs années (30 ans pour certaines), ce qui constitue des manques pour le budget de l’Etat. Pour lui, l’on peut comprendre que l’exonération encourage l’investissement mais sa durée dans le temps doit être maitrisée.
« On ne peut pas accorder des exonérations à long termes assorties d’une clause de stabilisation à une société. Cette société est rentable au bout de 2 à 3 ans. Pendant la période d’exonération aucun autre impôt ne peut être appliqué. C’est l’Etat qui perd des centaines de milliards chaque année », s’est-il justifié.
Au niveau de la lutte contre la fraude, plusieurs mesures sont en application mais les résultats se font toujours attendre. A ce niveau, M. Kaboré pointe du doigt, le manque de sanctions.
Il constate qu’un agent qui détourne un million de FCFA est sévèrement poursuivi et jeté en prison. Hélas, il remarque le contraire pour un chef d’entreprise qui se rend coupable d’une fraude fiscale de 10 milliards FCFA. « Avec la digitalisation en marche dans l’administration fiscale, il faut mettre l’accent sur le contrôle des contribuables », averti le journaliste.
Il pense qu’il faut mettre fin au conflit d’intérêt parce que de nombreuses personnes (autorités, agents du fisc.) sont des agents économiques ou ont des intérêts avec des sociétés. Ces collusions ne contribuent pas à un meilleur recouvrement des recettes, dira-t-il.
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