Chaque année, au Burkina, l’État procède au lancement de recrutements, pour le compte de la Fonction publique, à travers des concours directs ou professionnels. Pour cette année 2025, le gouvernement a fixé à 11 404, le nombre de postes à pourvoir, contre 11 320 en 2024, soit un accroissement de 0,74%. Si cela permet aux jeunes de gagner du travail, force est de constater que des milliers d’entre eux sont, depuis des années, candidats à une dizaine de concours à la fois, mais ne réussissent pas à un seul, qu’il soit de niveau BEPC, BAC ou licence. Malgré tout, certains jurent de réussir un jour à un concours de la Fonction publique, quelles que soient les années que cela pourrait prendre.
Par Nicolas Bazié
Pour l’année 2025, les 11 404 postes à pourvoir dans la Fonction publique au Burkina se répartissent comme suit : 4 348 postes pour les concours professionnels, contre 4 534 en 2024, et 7 056 postes pour les concours directs en 2025, contre 6 786 en 2024.
S’organiser comme il se doit pour déposer sa candidature à une dizaine de concours à la fois, les composer tous, semble être impossible ou difficile à faire.
Toutefois, beaucoup de jeunes Burkinabè ont de l’expérience en la matière. Ils n’ont qu’un seul objectif : réussir vaille que vaille à un concours peu importe lequel.
L’essentiel pour eux est d’avoir du travail dans un pays où il est très difficile de trouver de quoi s’occuper quotidiennement.
« Chaque année, je peux déposer au moins 10 candidatures »
Les concours de la Fonction publique sont apparemment l’occasion ou jamais de se trouver un emploi. Ainsi, élèves et étudiants jettent leur dévolu sur tout. Bernadette Zangré, nom d’emprunt, en fait partie.
Titulaire d’une licence en économie, elle affirme qu’elle a déposé plusieurs concours avec le niveau BEPC, BAC et licence. « J’ai commencé à déposer mes candidatures pour les concours depuis 2017. Chaque année, je peux déposer au moins 10 candidatures», témoigne-t-elle.
Voilà maintenant huit ans que cette jeune dame, âgée de 28 ans et mère d’un enfant, tente sa chance aux concours directs de la Fonction publique sans succès.
A la question de savoir si elle est encore prête pour se lancer cette année, la réponse de madame Zangré est sans appel : « Tant que je n’ai pas réussi, je vais continuer. Tant que mon âge n’est pas dépassé, je vais toujours tenter ma chance. Sinon qu’est-ce que je vais faire ? Je suis en train de me préparer pour les concours de cette année. J’ai déjà lu des documents de niveau 3e, Tle et universitaire. Dès que je finis, je vais acheter de nouveaux documents pour lire aussi. La plupart de ceux qui ont réussi m’ont dit qu’ils ont bien bossé. Je me suis renseignée avec des amis. J’ai l’impression que je n’ai pas bossé assez les années antérieures. C’est pourquoi je veux fournir plus d’efforts ».
Si Bernadette Zangré est aussi déterminée, c’est bien parce que la limite d’âge acceptée aux concours de la Fonction publique est de 37 ans. Et pour l’année 2025, elle entend changer de stratégie.
Et voilà comment elle compte s’y prendre : « Cette année, je vais maximiser les concours niveau licence. Parce que je me dis qu’il y a beaucoup de personnes qui ont le BEPC ou le BAC. Donc, avec ma licence en économie, je vais maximiser les concours de niveau supérieur. Je n’ai pas de choix particuliers. Tout me va. Je veux juste avoir du travail. Je suis fatiguée de rester à la maison sans rien faire.»
Elle estime que les 7 056 postes à pourvoir des concours directs sont à saluer mais trouve que c’est encore peu. « Il arrive que nous soyons près de 2 millions de candidats », informe-t-elle, soulignant la nécessité de trouver, en plus des concours, d’autres solutions pour résoudre un tant soit peu le chômage ou, du moins, le sous-emploi des jeunes.
Réussir à un concours après 14 ans de ténacité
Le mari de Bernadette Zangré a été également dans cette situation. Aujourd’hui enseignant, c’est 14 ans après qu’il a été admis à un concours.
« Il m’a dit qu’il a commencé à déposer ses candidatures aux concours de la Fonction publique depuis 2007. C’est en 2021 qu’il a été admis. Aujourd’hui, il enseigne», révèle la jeune dame, souriante.
Abdoul Karim Lingani est candidat aux concours de la Fonction publique depuis 5 ans. Contrairement à Bernadette, il a un petit boulot. Il est agent de liaison pour le compte d’un lycée de la place.
Il affirme que chaque année, il dépose sa candidature à huit concours maximum juste pour avoir la chance d’être admis. Cependant, pour le moment, tous ses efforts se sont soldés par des échecs. Chose bizarre, il est toujours admissible c’est-à-dire sur la liste d’attente.
Mais, il ne se laisse pas abattre par le découragement parce que, pour cette année 2025, il compte tenter encore sa chance. Il indique que l’organisation des concours de la Fonction publique est tout juste une façon d’encourager les jeunes. A son avis, s’il y avait d’autres alternatives, comme la création de beaucoup d’entreprises et d’usines, cela allait contribuer à résoudre le problème du chômage. « Si nous atteignons ce niveau, vous verrez que personne ne va s’intéresser aux concours», soutient-il.
« Pour les concours de la Fonction publique, même si tu bosses, si tu n’as pas la chance, c’est un échec. En plus, il y a toujours des gens très compétents. C’est pourquoi il faut être efficace chaque année», poursuit Lingani.
« Nous devons accepter une déception limitée, mais ne jamais perdre l’espoir infini », disait Martin Luther King junior. C’est cet espoir qui semble fortifier Bernadette et Abdoul Karim qui disent être convaincus que la réussite va leur sourire un jour.
Au Burkina, dans la ville de Ouagadougou, il existe des centres spécialisés de formation qui se proposent d’aider les candidats à bien préparer les concours. Malheureusement, nos démarches pour rencontrer quelques uns sont restées vaines.