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Docteur Louis Sylvain Peng-wendé Ouédraogo, médecin gériatre-gérontologue
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Au Burkina, il n’y a qu’un seul gériatre, chargé de consulter et de soigner les personnes âgées. Il s’agit de Docteur Louis Sylvain Peng-wendé Ouédraogo, médecin gériatre-gérontologue et enseignant-chercheur à l’Université Joseph Ki Zerbo de Ouagadougou. Dans cet entretien, il donne plus de détails sur cette spécialité moins connue du grand public. 

Propos recueillis par Nicolas Bazié 

Libreinfo.net : Qu’est-ce que la gériatrie?

Dr Louis Sylvain Peng-wendé Ouédraogo : La gériatrie est une spécialité médicale, comme les autres spécialités que le grand public connaît. Et la spécificité de la gériatrie, c’est qu’elle s’occupe de tous les problèmes de santé de la personne âgée.

Libreinfo.net : Pourquoi avez-vous choisi cette spécialité ?

Dr Louis Sylvain Peng-wendé Ouédraogo : Je suis gériatre depuis 2017. C’est une spécialité dans laquelle l’objectif est de lutter contre le vieillissement, de ralentir ou bien de pousser au plus loin la vie de tout être humain. Donc, je pense que c’est ce qui m’a motivé à choisir cette spécialité parce que, comme tout médecin, l’objectif c’est de repousser l’heure du départ.

Libreinfo.net : Combien de gériatres y a-t-il au Burkina ? 

Dr Louis Sylvain Peng-wendé Ouédraogo : Pour le moment, il n’y a qu’un seul gériatre.

Libreinfo.net : Est-ce qu’il arrive souvent que vous soyez débordé dans le cadre de votre travail vu que vous êtes le seul ? 

Dr Louis Sylvain Peng-wendé Ouédraogo : Je suis tout le temps débordé, parce que pour le moment, étant le seul à proposer des soins de gériatrie, ça fait que j’ai des sollicitations partout.

Les gens pensent que la question de la personne âgée est plus vue dans les pays occidentaux, alors qu’on a plein de personnes âgées ici. 5% de la population burkinabè a plus de 60 ans, cela fait presque 1,5 million de Burkinabè. Donc, c’est énorme !

C’est compliqué pour une seule personne de donner des soins à toutes ces personnes. Je suis pris pour donner des consultations, des hospitalisations à l’hôpital, des conférences, pour sensibiliser aussi le grand public sur la question parce qu’on essaie de faire passer un message qui puisse permettre aux gens de se prendre eux-mêmes en charge. Il y a aussi des cours à l’université que je donne et donc cela fait que je suis très chargé.

Libreinfo.net : Les jours ordinaires, pouvez-vous recevoir combien de personnes en moyenne ? 

Dr Louis Sylvain Peng-wendé Ouédraogo : En moyenne, par jour, ça peut aller de 5 à 10 personnes. C’est très aléatoire.

Libreinfo.net : Êtes-vous plus débordé en période de canicule ? 

Dr Louis Sylvain Peng-wendé Ouédraogo : Forcément ! Pendant la période de la canicule, cette année par exemple, nous étions débordés. Les urgences, c’était de l’hécatombe. Il y avait de nombreuses personnes âgées de 80, 95 ans et même des centenaires. On devait les gérer avec mes autres collègues.

Libreinfo.net : Il arrive donc que vous demandiez de l’aide à vos collègues? 

Dr Louis Sylvain Peng-wendé Ouédraogo : Oui, parce que la gériatrie n’est pas une spécialité où on travaille seul dans son coin. On dit que c’est une spécialité transversale c’est-à-dire que c’est une spécialité qui travaille avec les autres spécialités. Souvent, un gériatre travaille avec les urgentistes. C’est l’une des voies même par lesquelles les patients arrivent.

Lorsqu’un malade a un problème à la maison, on l’envoie aux urgences. Et aux urgences, par exemple, mes collègues urgentistes m’appellent souvent pour que j’examine un patient de 80 ans. Si c’est purement de la gériatrie, on essaie de s’en occuper ensemble.

Libreinfo.net : Quelles sont les maladies les plus récurrentes que vous traitez chez les personnes âgées ? 

Dr Louis Sylvain Peng-wendé Ouédraogo : Pour faire simple, toutes les maladies chroniques que l’on a eues quand on est adulte, on les traite, en fait, lorsqu’on devient âgé.

Cela fait que les maladies les plus fréquentes qu’on va avoir chez les personnes âgées, c’est l’hypertension, l’insuffisance cardiaque, le diabète, l’arthrose, les problèmes neuropsychiatriques c’est-à-dire la dépression, les troubles du comportement, les maladies d’Alzheimer. Ce sont les maladies les plus fréquentes que l’on a chez les personnes âgées.

Sans compter qu’il y a d’autres maladies qu’on ne considère pas forcément comme une maladie et qui sont très handicapantes chez les personnes âgées, comme par exemple la perte d’autonomie. Donc, il y a plein de soucis pour les personnes âgées.

Libreinfo.net : Selon vous, les gens ont-ils une culture de la gestion de la personne âgée au Burkina ? 

Dr Louis Sylvain Peng-wendé Ouédraogo : Malheureusement non, parce que c’est une discipline qui est nouvelle. C’est une discipline qui, même dans le monde scientifique international, est relativement jeune. La spécialité est reconnue comme telle depuis 2004.

C’est vraiment très récent. Il faut du temps pour qu’on réussisse à convaincre les gens sur la nécessité de s’occuper de la personne âgée. Dans notre culture, on a tendance à croire qu’une personne âgée qui est malade, c’est normal. Ce qui n’est pas le cas.

Il y a tout un travail de sensibilisation, de changement de mentalité qui doit être fait. Je crois qu’il y a un centre de gériatrie en construction. On est en train de mettre les bouchées doubles pour essayer de l’ouvrir le plus tôt possible.

Avec ce centre, nous allons pouvoir quand même régler beaucoup de problèmes de la personne âgée. En tout cas, ce serait un début.

Libreinfo.net : Rencontrez-vous parfois des difficultés particulières dans votre profession ?

Dr Louis Sylvain Peng-wendé Ouédraogo : Il y a des difficultés diverses et variées dans tous les sens. Il n’y a pas assez de gériatres alors que la demande est très forte.

Il n’y a pas de structure dédiée pour la personne âgée. Tout cela est une question de moyens. Il y a des problèmes aussi au niveau de l’organisation du système de soins. Il faut le modifier pour qu’il puisse s’adapter aux particularités de la personne âgée. Heureusement, cela est en cours.

Il y a tout un programme, tout un plan stratégique de prévention de la personne âgée qui a été mis au point par le ministère de la Santé. Maintenant, il faut qu’on réussisse à le mettre en place. Cela est un défi.

Libreinfo.net : Comment arrivez-vous à gérer les patients qui ont un âge avancé ? 

Dr Louis Sylvain Peng-wendé Ouédraogo : Quand vous avez un patient de 90 ans qui ne peut plus se lever, on ne va pas l’imposer de venir s’asseoir, attendre une heure pour se faire consulter. Donc, très souvent, on est amené à aller au domicile du patient pour le soigner. C’est quelque chose d’assez courant en gériatrie.

On a souvent des patients de 90 ans, des patients centenaires que je suis dans la ville de Ouagadougou. Je dois trouver le temps, l’heure, et me déplacer pour aller voir les patients chez eux et revenir au boulot.

Lorsque le cas est grave, je demande à ce que le patient soit amené à l’hôpital. C’est une gestion qui est très courante. Cependant, je préfère toujours que les gens viennent à l’hôpital parce que c’est plus facile pour les soins.

Il peut arriver qu’on ne puisse pas amener le patient à l’hôpital. En ce moment, on fait ce qu’on appelle des hospitalisations à domicile. Ce qui veut dire que c’est le médecin qui va se déplacer.

Il m’est déjà arrivé d’aller jusqu’à Bobo-Dioulasso pour voir des patients à domicile parce qu’ils ne pouvaient pas se déplacer. Il n’y a pas de gériatre à Bobo. Mais pour le moment, je me limite à Ouagadougou parce que je ne peux pas tout faire seul. Sauf cas exceptionnel, je peux aller hors de Ouagadougou.

Libreinfo.net : Quel message avez-vous à lancer ?

Dr Louis Sylvain Peng-wendé Ouédraogo : J’invite chacun à s’intéresser à la question de la personne âgée parce que c’est un chemin que l’on espère tous pouvoir traverser.

Il faut le préparer à l’avance. Il ne faut pas attendre d’être vieux, d’avoir 70 ans, pour chercher à savoir ce que c’est que la gériatrie.

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