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Burkina/Justice : « Sidaty Yoda m’a dit de ne pas vendre les parcelles aux fonctionnaires » (un prévenu) 

Une salle d'audience au palais de justice.

Le procès du président du Tribunal de grande instance (TGI) de Banfora, Sidaty Yoda, et ses co-prévenus a repris ce 28 avril 2025 au TGI Ouaga I. Les prévenus Lamine Tera et Amidou Ganamé ont chargé Sidaty Yoda, indiquant que c’est lui qui communiquait les références des parcelles à vendre. 

 

Poursuivi tout comme les autres pour des faits de stellionat (vendre des parcelles ne leur appartenant pas, ndlr ) et de blanchiment de capitaux (injecter des fonds d’origine illégale dans le circuit financier, ndlr), le prévenu Lamine Tera a, de nouveau, été appelé à la barre.

Devant les membres du Tribunal, il maintient mordicus qu’il n’a jamais signé un acte de vente et que c’est le président Sidaty Yoda qui le faisait.

Il maintient également que Sidaty Yoda aurait déclaré que les parcelles qui étaient en vente ont été retirées par la justice.

Dans cette affaire, M. Tera a affirmé, dans un premier temps, que le président Yoda a obtenu la liste des parcelles avec un agent de la mairie de Banfora. Dans un second temps, il dit que c’est la justice en tant qu’institution qui met en vente des parcelles qu’elles a retirées.

Laquelle des version faut-il croire ? se demande l’un des avocats. Lamine Tera fait savoir que c’est ce qu’il a cru comprendre, affirmant que le président du Tribunal de grande instance (TGI) de Banfora avait son « bon petit » du nom de Amidou et que c’est à lui qu’il remettait les actes de vente et les ordonnances de construction. À son tour, Amidou remettait les papiers à Lamine Tera.

À quel moment avez-vous commencé à soupçonner que cette affaire n’est pas claire ? C’est l’un des avocats de la partie civile qui pose la question. Avant de répondre, Lamine Tera verse des larmes.

La salle d’audience reste silencieuse pendant un moment. Il reprend ses forces mais difficile de pouvoir prononcer un mot. Son avocat lui tend un lotus pour qu’il essuie ses larmes.

Et voici sa réponse : « C’est lorsque la Gendarmerie m’a interpellé et m’a posé des questions relatives à la vente des parcelles que j’ai commencé à avoir des soupçons. J’ai dit aux gendarmes que c’est le président du Tribunal, Sidaty Yoda, qui nous a dit de vendre les parcelles et qu’il n’y pas de problèmes. Je me suis dit que si la Gendarmerie pose des questions y relatives, c’est qu’il y a quelque chose qui cloche.»

Répondant aux questions de son avocat Me Mamadou Sombié, Lamine Tera affirme qu’il a remis des fonds issus des ventes des parcelles à Sidaty Yoda, soit physiquement dans des sachets noirs, soit par dépôt mobile money.

Sauf que dans l’un des procès-verbaux, Sidaty Yoda indique qu’en réalité, ces sachets noirs ne contenaient pas de l’argent, mais du poisson.

Une déclaration qui surprend Lamine Tera qui avait pourtant dit que c’est une seule fois qu’il a acheté du poisson pour les enfants de Sidaty Yoda, à sa demande.

Le président Sidaty Yoda a également déclaré qu’il n’a jamais vendu de parcelles à Banfora et qu’il n’a pas reçu de l’argent des ventes de parcelles.

De quoi mettre le prévenu Lamine Tera hors de lui. « Moi, je suis un croyant. Si M. Yoda aussi est croyant, on peut amener le Coran ou la Bible et nous allons tous jurer là-dessus et on verra. S’il dit qu’il n’a pas vendu de parcelles et qu’il jure effectivement sur les Saintes écritures, moi j’accepterai les faits qui me sont reprochés », fait-il savoir au Tribunal.

Et de poursuivre : « Moi, je ne suis pas un vendeur de parcelles ; je suis vendeur de bétail. C’est M. Yoda qui m’a sollicité pour que je trouve des clients pour acheter des parcelles que la justice a retirées et mises en vente. C’est parce qu’il m’a rassuré sur ce point qu’il n’y a pas de soucis. Je ne savais pas que c’était une fausse affaire. S’il m’avait dit que c’était pour lui, je n’aurais jamais accepté. C’est parce qu’il a dit que les parcelles appartiennent à l’institution judiciaire ». 

D’après lui, le président du TGI de Banfora, Sidaty Yoda, lui aurait dit de ne pas vendre les parcelles aux fonctionnaires, sous prétexte que si ces derniers contractent des prêts, il leur faudra cinq ans pour rembourser.

Pourtant, relate-t-il, « s’il arrive qu’il n’est plus au TGI, cela peut poser un problème. Donc , il m’a demandé de vendre les parcelles aux commerçants». Après les ventes, Lamine Tera dit avoir perçu entre 50 000, 150 000, 160 000 et 175 000 F CFA comme commissions, après les ventes.

Le procureur fait observer que sur aucun acte de vente, ou de décharge, il n’est mentionné le nom du Tribunal de grande instance de Banfora.

Amidou Tiga Ganamé à la barre

Après Lamine Tera, c’est au tour de Amidou Tiga Ganamé d’être appelé à la barre. Voici sa version des faits : « Lamine Tera est venu me voir pour me dire que le président du Tribunal dit que la justice a des parcelles à vendre. Donc, elle a besoin de démarcheurs. Dès le début, j’ai mis les choses au clair. J’ai dit au président que je ne suis pas dans le faux. Il m’a rassuré qu’il n’y avait pas de problème particulier. Les références des parcelles étaient donc remises à M. Tera qui me les remettait par la suite ». 

« Je suis formel que je suis allé voir le président avec certains clients et il nous a rassurés qu’il n’y a rien. Je suis formel ! », ajoute-t-il. A la question de savoir s’il peut identifier le président dont il parle, le prévenu Amidou Ganamé se retourne et indexe Sidaty Yoda.

Les parties aux débats semblent ne pas comprendre pourquoi c’est le nom de ce prévenu qui est sur les actes de vente, en lieu et place du TGI de Banfora à qui appartiennent les parcelles.

« C’est ce que je n’ai pas compris. J’ai même attiré l’attention du président. J’ai cherché à savoir pourquoi c’est mon nom qui est sur les actes. Je n’ai pas compris pourquoi les actes de vente viennent déjà prêts, signés et bizarrement c’est mon nom qui est là dessus. Je lui ai posé la question mais il m’a dit de ne pas m’en faire », a répondu M. Ganamé qui note qu’il ne sait pas lire et qu’il s’est fait avoir. Il demande pardon car reconnaissant avoir commis une grosse erreur.

Avocat du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC), Me Prosper Farama a voulu savoir si Amidou Ganamé savait qu’il s’était mis dans des problèmes.

« Cela fait 30 ans que je vends des parcelles. Je ne suis jamais impliqué dans une affaire litigieuse. Le plus souvent, quand j’organise une vente, il y a l’acheteur, le vendeur et l’achat est fait. Le président nous a tout simplement dit que si quelqu’un dit qu’une parcelle lui appartient,  de ne pas aller au commissariat ni à la Gendarmerie mais de venir le voir directement », explique le prévenu.

Pour Me Farama, le prévenu est en train de faire tourner tout le monde en rond, qu’il ne veut pas dire la vérité. Il tourne autour du pot, martèle-t-il.

« Il nous prend pour des idiots, pour des imbéciles. Nous sommes tous au Burkina et nous savons comment les choses se passent », a-t-il lâché, avant de chercher à savoir à quel moment le prévenu a su qu’il était dans un deal.

« Je ne pouvais plus rien faire parce que j’étais déjà impliqué. Je ne pouvais plus faire marche-arrière. Je m’en remets au Tribunal», soutient-il.

L’avocat du REN-LAC revient à la charge. De son propos, le président Sidaty Yoda semble dire que c’est plutôt Ganamé et Tera qui sont venus vers lui avec les références de parcelles pour demander des mutations et qu’il n’a jamais communiqué des références de parcelles à quelqu’un.

Amidou Ganamé fait noter que « si le président a osé dire cela, qu’il vienne jurer sur les fétiches. « Les enfants de Banfora sont là. Qu’il vienne jurer ! », lance-il.

Me Farama fait remarquer que les prix des parcelles n’ont pas été fixés au préalable. C’est ainsi que le prévenu Ganamé déclare que ce sont eux les démarcheurs qui fixent les prix.

Donc, la justice vend des parcelles, mais elle n’a pas fixé leurs prix et c’est vous qui les fixez ? Oui, répond Amidou Ganamé. L’audience est en cours.

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